Aller au contenu principal
x
Soumis par Metou Brusil le 14 October 2012

Dans le Bulletin du 7 octobre dernier, nous faisions allusion à l’optique de deux résolutions en cours d’élaboration sur la crise malienne (Voir Mali : Entre solution politique et intervention militaire, deux résolutions envisagées ). La première de ces résolutions, la résolution 1971 (2012), a été adoptée à l’unanimité des membres du conseil de sécurité le 12 octobre 2012, ouvrant enfin la possibilité d’un soutien à une force militaire sous direction africaine chargée d'aider l'armée malienne à chasser les islamistes armés qui se sont emparées de la moitié nord du pays et en font une plaque tournante du terrorisme lié à Al-Qaïda. Si cette résolution, proposée à l'initiative de la France, ouvre la voie à un possible déploiement d’une force militaire internationale dans le nord mali, elle a pour caractéristique d’être  très nuancée, combinant la solution politique et la solution militaire.

Prise sur la base du chapitre VII de la Charte et qualifiant explicitement la situation au nord Mali de menace contre la paix et la sécurité internationale, la résolution a ménagé à la fois ceux qui préconisaient la solution politique pour résoudre le problème malien et ceux qui, depuis le début, soutiennent l’idée d’une intervention militaire.  Le Conseil de sécurité se déclare disposé à adopter des sanctions ciblées à l'encontre des groupes rebelles qui refuseraient de couper tout lien avec les organisations terroristes. Appuyant l'action du Président par intérim du Mali, Dioncounda Traoré, le Conseil engage les autorités de transition à « redoubler d'efforts pour renforcer les institutions démocratiques et rétablir l'ordre constitutionnel au Mali, en organisant le moment venu, à la fin de la période de transition, des élections pacifiques, inclusives et crédibles ». Quant aux membres des forces armées maliennes, la résolution exige d'elles qu'elles s'abstiennent d'interférer dans l'action des autorités de transition. Enfin, précise la résolution, les autorités de transition, les groupes rebelles maliens et les autres représentants légitimes de la population locale du nord du Mali sont invitées à entamer, dès que possible, « un processus de négociations crédible en vue de rechercher une solution politique viable, avec l'appui des Nations Unies ».  La résolution exhorte les autorités maliennes de transition à négocier aussitôt que possible avec les groupes rebelles qui auront coupé tout lien avec le terrorisme afin de trouver "une solution politique durable" à la crise. Elle s'inquiète par ailleurs de l'infiltration du nord du Mali par "AQMI, des groupes affiliés et autres groupes extrémistes" et condamne "les abus des droits de l'Homme commis dans le nord du Mali par les rebelles armés, terroristes et autres groupes extrémistes".

La résolution prie par ailleurs le Secrétaire général de se concerter avec la CEDEAO et l'Union africaine en vue de lui soumettre, « au plus tard dans 45 jours », des recommandations sur les moyens et modalités du déploiement envisagé et plus particulièrement « le concept d'opérations, les capacités […] de la force, ses effectifs et son coût financier ». Dans cette optique, le secrétariat général de l'ONU, par le biais de son nouvel émissaire pour le Sahel, l'Italien Romano Prodi, travaillera avec la Cédéao (Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest) et l'Union africaine pour présenter des "recommandations détaillées et praticables" en vue de l'intervention armée, notamment "un concept opérationnel", ainsi qu'une liste de troupes et une évaluation des coûts.

Cette résolution n’est qu’une première étape dans le processus de légitimation d’une action de reconquête du nord Mali par les autorités de Bamako en conjonction avec la force ouest-africaine en attente.  Elle est la première résolution qui aborde explicitement le sujet. En attendant l'éventuelle intervention, la résolution du Conseil de sécurité invite les pays membres de l'ONU et des organisations comme l'Union européenne à commencer à entraîner et à équiper l'armée malienne, qui devra mener la reconquête du Nord, et à "soutenir les efforts pour combattre les groupes terroristes". Ce n'est que dans un deuxième temps, au mieux à la fin de l'année, et par une deuxième résolution, que le Conseil pourra donner son feu vert formel au déploiement d'une force internationale. La force internationale au nord Mali ne sera ainsi déployée sur le terrain, de façon concrète qu'au cours de l'année 2013. Entre temps, beaucoup de choses se seront passées sur le terrain et la situation aura évolué, en particulier au reagrd de l'amorce du dialogue entamé entre le MNLA et les autorités de Bamako. En effet, ce mouvement ne revendique plus l'indépendance du nords Mali, mais plutôt une autodétermination (interne), voire une forte autonomie qui, à plusieurs égards, pourrait être compatible avec la constitution malienne sans atteinte à l'intégrité territoriale du pays.

Le délégué malien a souligné l’urgence du déploiement d’une force militaire internationale, au titre du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies, afin d’« appuyer les forces de défense et de sécurité en vue de restaurer l’intégrité territoriale du Mali, de lutter contre le terrorisme et de restaurer les droits de l’homme dans les régions septentrionales occupées ».

La France, qui a initié la résolution et apporté son secours  à l’Union africaine et à la CEDEAO a réaffirmé, par la voie de son Président, sa volonté d’apporter un soutien logistique au déploiement d’une force internationale au nord Mali pour lutter contre les groupes terroristes qui s’y trouvent.

Les Etats-Unis ont affirmé que la résolution adoptée vendredi par le Conseil de sécurité sur le Mali était une ’’approche globale’’ permettant de répondre à une crise multidimensionnelle touchant ce pays du Sahel.

Texte du projet de résolution S/2012/761

Le Conseil de sécurité,

Rappelant sa résolution 2056 (2012), les déclarations de son président en date des 26 mars (S/PRST/2012/7) et 4 avril 2012 (S/PRST/2012/9), ainsi que ses déclarations à la presse sur le Mali et le Sahel en date des 22 mars, 9 avril, 18 juin, 10 août et 21 septembre 2012,

Réaffirmant son ferme attachement à la souveraineté, à l’unité et à l’intégrité territoriale du Mali,

Se déclarant de nouveau vivement préoccupé par l’insécurité et la détérioration rapide de la situation humanitaire dans la région du Sahel, que viennent compliquer la présence de groupes armés et de groupes terroristes et leurs activités, ainsi que la prolifération d’armes en provenance de la région et d’ailleurs, exprimant sa profonde inquiétude quant aux conséquences de l’instabilité dans le nord du Mali pour la région et le monde entier, et soulignant la nécessité de réagir rapidement pour préserver la stabilité dans le Sahel,

Redit la vive préoccupation que lui inspirent la dégradation continue des conditions de sécurité et de la situation humanitaire dans le nord du Mali, la présence de plus en plus solidement établie d’éléments terroristes, notamment d’Al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI), de groupes qui leur sont affiliés et d’autres groupes extrémistes, et leurs conséquences pour les pays du Sahel et au-delà,

Soulignant que c’est aux autorités maliennes qu’il incombe au premier chef de garantir la sécurité et l’unité du territoire malien et d’en protéger la population civile dans le respect du droit international humanitaire, de l’état de droit et des droits de l’homme, et insistant sur le fait que, pour être durable, toute solution à la crise malienne doit être celle des Maliens eux-mêmes,

Se déclarant gravement préoccupé par les activités des groupes criminels opérant dans le nord du Mali et considérant qu’il faut renforcer d’urgence la coopération et la coordination entre les autorités maliennes, les pays voisins et les États de la région, en collaboration avec les entités compétentes des Nations Unies, les organisations régionales et internationales et les partenaires bilatéraux, pour faire pièce à la criminalité transnationale organisée, et notamment aux activités illicites comme le trafic de stupéfiants,

Encourageant la communauté internationale à accompagner le règlement de la crise au Mali en prenant des mesures coordonnées pour répondre aux besoins immédiats et à long terme sur les plans de la sécurité, du développement et humanitaire,

Prenant note de la lettre datée du 1er septembre 2012 adressée par les autorités de transition du Mali à la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) pour lui demander une aide militaire afin de réorganiser les forces armées maliennes, de rétablir l’intégrité territoriale du pays, dont le nord est occupé par des groupes terroristes, et de lutter contre le terrorisme,

Prenant note de la lettre datée du 23 septembre 2012 adressée à la CEDEAO par les autorités de transition du Mali concernant les conditions du déploiement de forces de la CEDEAO au Mali, et soulignant qu’il importe d’examiner les mesures qui y sont envisagées,

Prenant note de la lettre datée du 18 septembre 2012 adressée au Secrétaire général par les autorités de transition du Mali pour lui demander d’autoriser, dans le cadre d’une résolution du Conseil de sécurité prise sous l’empire du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies, le déploiement d’une force militaire internationale qui viendrait aider les forces armées maliennes à reprendre les régions occupées du nord du Mali,

Prenant note de la lettre datée du 28 septembre adressée au Secrétaire général par la CEDEAO pour demander l’adoption, par le Conseil de sécurité, d’une résolution autorisant le déploiement d’une force de stabilisation au Mali sous l’empire du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies, et prenant également note de la lettre datée du 28 septembre 2012, adressée à l’Union africaine par la CEDEAO pour l’inviter à préciser avec elle le principe, les moyens et les modalités de déploiement d’une force de stabilisation au Mali,

Conscient des efforts et de l’énergie que déploie la CEDEAO, en coordination avec l’Union africaine, pour régler la crise au Mali, ainsi que du rôle non négligeable joué par l’Organisation des Nations Unies, d’autres organisations régionales et internationales, les États voisins, les pays de la région et les partenaires bilatéraux dans la solution de la crise, et les engageant à cet égard à continuer de coordonner leur action,

Attendant avec intérêt la réunion du Groupe d’appui et de suivi sur la situation au Mali qui doit se tenir à Bamako le 19 octobre 2012, à l’initiative de l’Union africaine et en consultation avec l’Organisation des Nations Unies et la CEDEAO, l’objectif étant d’arrêter les modalités de l’aide que la communauté internationale doit apporter aux autorités de transition du Mali pour régler la crise dans le nord du Mali,

Condamnant fermement les violations des droits de l’homme commises dans le nord du Mali par des rebelles armés, des groupes terroristes et d’autres groupes extrémistes, notamment les violences contre les civils, en particulier les femmes et les enfants, les assassinats, prises d’otages, pillages, vols, destructions de sites culturels et religieux et le recrutement d’enfants soldats, soulignant que certains de ces actes constitueraient des crimes au regard du Statut de Rome et que leurs auteurs doivent en répondre, et notant que, le 18 juillet 2012, les autorités de transition du Mali ont saisi la Cour pénale internationale de la situation dans le nord du Mali depuis janvier 2012,

Prenant acte des mesures prises par le Mali, notamment la signature, le 6 avril 2012, sous les auspices de la CEDEAO, d’un Accord-cadre prévoyant l’élaboration d’une feuille de route en vue du rétablissement de l’ordre constitutionnel, le dialogue national sans exclusive et l’organisation d’une élection présidentielle libre, transparente et régulière dans un délai de 12 mois à compter de la signature de l’Accord-cadre,

Considérant que la situation au Mali constitue une menace contre la paix et la sécurité internationales,

Agissant en vertu du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies,

1.    Se félicite de la formation d’un gouvernement d’unité nationale au Mali, exprime son appui au Président par intérim du Mali, M. Dioncounda Traoré, dans son action et engage les autorités de transition maliennes à présenter, aux fins de la transition, une feuille de route détaillée, comportant des mesures concrètes et un calendrier précis, et de redoubler d’efforts pour renforcer les institutions démocratiques et rétablir l’ordre constitutionnel dans la République du Mali, et organisant en temps utile, au terme de la transition, des élections pacifiques et crédibles ouvertes à tous;

2.    Exige à nouveau des membres des forces armées maliennes qu’ils s’abstiennent de s’immiscer dans l’action des autorités de transition, prend note des décisions et de la recommandation de la CEDEAO tendant à l’imposition de sanctions ciblées au Mali et se déclare disposé à envisager des mesures appropriées s’il y a lieu;

3.    Invite les groupes rebelles maliens à couper tout lien avec les organisations terroristes, notamment AQMI et les groupes qui leur sont affiliés, se déclare prêt à adopter des sanctions ciblées à l’encontre de tous groupes rebelles qui ne se conformeraient pas à cette disposition, rappelle les paragraphes 20 et 24 de la résolution 2056 (2012) et décide par ailleurs que le Comité 1267/1989 se prononcera si des États Membres demandent l’inscription sur la Liste des sanctions contre Al-Qaida des noms de personnes, groupes, entreprises ou entités associées au Mali avec Al-Qaida, conformément aux résolutions 1267 (1999) et 1989 (2011);

4.    Exhorte les autorités de transition maliennes, les groupes rebelles maliens et les représentants légitimes de la population locale du nord du Mali à entamer, dès que possible, un processus de négociations crédible en vue d’une solution politique viable, dans le respect de la souveraineté, de l’unité et de l’intégrité territoriale du pays, prie le Secrétaire général, les pays voisins, les pays de la région, les organisations internationales et régionales et les partenaires bilatéraux d’accompagner le processus politique malien;

5.    Exige de tous les groupes présents dans le nord du Mali qu’ils mettent un terme à toutes les violations des droits de l’homme et du droit international humanitaire, y compris les attaques ciblées contre la population civile, les violences sexuelles, les recrutements d’enfants soldats et les déplacements forcés, et rappelle, à cet égard, toutes ses résolutions pertinentes sur les femmes, la paix et la sécurité, sur les enfants dans les conflits armés et sur la protection des civils en période de conflit armé;

6.    Se déclare prêt, dès qu’il recevra le rapport du Secrétaire général visé au paragraphe 7 ci-après, à donner suite à la demande des autorités de transition maliennes tendant à ce qu’une force militaire internationale prête son concours aux forces armées maliennes en vue de la reconquête des régions occupées du nord du Mali;

7.    Prie le Secrétaire général de mettre immédiatement à disposition des spécialistes de la planification militaire et des questions de sécurité, qui viendront aider la CEDEAO et l’Union africaine, en consultation étroite avec le Mali, les pays voisins du Mali, les pays de la région et tous les partenaires bilatéraux et organisations internationales intéressés à procéder à la planification conjointe qui permettrait à la force militaire internationale demandée par les autorités de transition maliennes de voir le jour; et le prie par ailleurs de se concerter avec les partenaires susmentionnés en vue de lui soumettre un rapport écrit sur l’application de la présente résolution 45 jours au plus tard après son adoption, en donnant des précisions sur l’appui visé au paragraphe 4 et au présent paragraphe et des recommandations détaillées et applicables pour donner suite à la demande des autorités de transition maliennes concernant une force militaire internationale, notamment les moyens et modalités du déploiement envisagé et, spécialement, le concept d’opérations, les capacités de constitution de la force, ses effectifs et son coût financier;

8.    Invite les autorités de transition maliennes à prendre immédiatement les dispositions nécessaires pour faciliter les préparatifs régionaux et internationaux en rapport avec l’objectif visé au paragraphe 6 ci-dessus, appelle les États Membres et les organisations régionales et internationales à fournir un appui coordonné à ces préparatifs, notamment sous la forme de formation militaire et de fourniture de matériel et d’autres types d’appui à la lutte contre les groupes terroristes et les groupes extrémistes qui leur sont affiliés, et invite par ailleurs les États Membres et les organisations concernées à informer le Secrétaire général de leurs contributions;

9.    Invite à cet égard les États Membres et les organisations régionales et internationales, y compris l’Union africaine et l’Union européenne, à prêter, dès que possible et de manière coordonnée, aux forces armées et aux forces de sécurité maliennes leur concours et leur savoir-faire, ainsi que leur appui en matière de formation et de renforcement des capacités, conformément aux exigences nationales, le but étant de rétablir l’autorité de l’État sur tout le territoire, de défendre l’unité et l’intégrité territoriale du Mali et d’éloigner la menace que représentent AQMI et les groupes qui lui sont affiliés;

10.   Se félicite de la désignation, par le Secrétaire général, d’un Envoyé spécial pour le Sahel, chargé de mobiliser la communauté internationale en faveur du Sahel, de coordonner la mise en œuvre de la Stratégie intégrée des Nations Unies pour le Sahel et de définir concrètement les paramètres d’une solution globale à la crise malienne;

11.   Décide de rester activement saisi de la question.

 

 

Mali : Entre solution politique et intervention militaire, deux résolutions envisagées(Metou Brusil Miranda)

Mali, aide militaire ou intervention sollicitée ? (Metou Brusil Miranda)

 Mali : la résolution 2056 (2012) du Conseil de sécurité recadre la situation (Metou Brusil Miranda)

Droit international de la gouvernance: la pratique ouest africaine récente (KAMTO Maurice)

Réunion extraordinaine de la CEDEAO sur les crises du Mali et de la Guinée Bissau, le "craton diplomatique" à l'épreuve des juntes militaires (Weckel Philippe)

Mali : La CEDEAO entre la résolution de la crise politique et institutionnelle au sud et la crise sécuritaire dans le nord (Metou Brusil Miranda)

Bulletin numéro 319