Introduction
Dans sa note publiée dans le bulletin du 30 septembre 2012 dernier, sur « L’état de droit aux niveaux national et international : la constatation amère d’une occasion manqué », Florina Costina remarquait que le concept d’Etat de droit semble trop sensible pour enclencher une action étatique pragmatique au sein des Etats, et notait que la déclaration politique, ainsi que les engagements pris par quelques Etats montrent bien la perception purement conceptuelle, abstraite, que les dirigeants du monde entendent conférer à l’état de droit. A la suite de cette note, nous allons nous efforcer à faire ressortir le contraste qui existe entre les efforts déployés par les Nations Unies pour promouvoir ce concept et la faible réception de la part des Etats.
La promotion de l’état de droit à tous les niveaux national et international s’inscrit au cœur de l’action des Nations Unies, depuis la décennie consacrée par l’organisation universelle au droit international. Le 24 septembre 2012, l’Assemblée générale a tenu une réunion de haut niveau sur l’état de droit aux niveaux national et international, dans l’espoir de marquer irrémédiablement un tournant décisif sur la question : C’était la première fois que le sujet était examiné à un tel niveau depuis le Sommet mondial de 2005. C’était également la première réunion de haut niveau de l’Assemblée générale consacrée uniquement à cette question. La réunion de haut niveau était une occasion exceptionnelle pour les États Membres d’établir eux-mêmes le programme d’action et de veiller à ce que les priorités et les moyens d’action soient fixés afin d’orienter l’action de la communauté internationale pour les cinq prochaines années. Il faut rappeler à cet égard que l’ensemble de normes et règles internationales créé sous les auspices de l’Organisation des Nations Unies est une des plus grandes réalisations et contributions de l’Organisation dans le domaine de l’état de droit, puisque les traités internationaux sont au cœur de l’état de droit. C’est la raison pour laquelle le Secrétaire général, en sa qualité de dépositaire de plus de 550 traités multilatéraux, a engagé les États Membres à ratifier les instruments internationaux auxquels ils ne sont pas encore parties ou à y adhérer, et à réexaminer ou supprimer toute réserve aux traités auxquels ils sont parties (A/66/749).
Réaliser la paix par le droit est devenu l’une des priorités des Nations Unies qui considère qu’il est indispensable de respecter l’état de droit si l’on veut instaurer une paix durable au sortir d’un conflit, assurer efficacement la protection des droits de l’homme et réaliser des progrès économiques soutenus et le développement. La mobilisation de l’ensemble des organes principaux et subsidiaires des Nations Unies pour l’atteinte de cet objectif s’est manifestée ces dernières années par la promotion de l’état de droit au niveau national et international. L’expression "Etat de droit" est définie dans le Dictionnaire de droit international publié sous la direction du Professeur Jean Salmon comme: « [l]’Etat dont l’organisation interne est régie par le droit et la justice » ou encore comme l’Etat qui «se caractérise plus particulièrement par diverses institutions et techniques juridiques : la séparation des pouvoirs, l’indépendance des juges, le contrôle de la constitutionnalité des lois et de la légalité des actes administratifs ainsi que la protection des droits des personnes. » L’émergence de cette notion dans la terminologie du droit international peut être historiquement datée avec plus ou moins de précision. En effet, depuis la fin de la guerre froide, matérialisée par la chute du mur de Berlin en 1989, des notions nouvelles ont fait une apparition soudaine et remarquée dans la terminologie du droit international. Il en a été ainsi pour les notions de démocratie, d'État de droit ou de bonne gouvernance. Ces notions, jusque-là considérées comme des notions propres au droit constitutionnel interne, ont franchi les frontières nationales et dépassé les souverainetés étatiques pour s'imposer, en un laps de temps, comme des notions de droit international et comme des principes directeurs des relations interétatiques.
La promotion de l’état de droit se manifeste aux Nations Unies par la cérémonie annuelle des traités qui s’est révélée depuis 2000, comme un moyen efficace d’encourager une participation accrue des États aux traités multilatéraux et donc de promouvoir la primauté du droit au niveau international. Au cours des onze dernières années, ces manifestations ont donné lieu à 1 679 formalités conventionnelles (signatures, ratifications ou adhésions). Le considérable inventaire des activités de promotion de l’Etat de Droit (A/63/64) menées par le système des Nations Unies ainsi que les pistes suggérées dans le rapport sur le " Renforcement et la coordination de l’action des Nations Unies dans le domaine de l’Etat de Droit " (A/63/226) soulignent à la fois les progrès réalisés et le rôle de l’Organisation en la matière ainsi que et les défis qui se présentent pour que l’action des Nations Unies dans le domaine de l’Etat de Droit soit intégrée plus systématiquement à toutes les activités menées au niveau des pays. Paradoxalement à cette mobilisation des Nations Unies, le constat peut être fait suivant lequel à ce jour, seuls deux traités font l’objet d’une participation universelle au sein de la communauté des nations. D’autres bénéficient d’une large participation, mais n’ont toujours pas accédé à l’universalité. Il s’avère nécessaire d’évaluer l’action de l’ONU dans la promotion de l’état de droit au niveau national et international, eu égard au défi de l’objectif de la paix par le droit (I) et du bilan contrasté qui s’affiche à ce jour (II).
I.Le défi de la réalisation de la paix par le droit
Il a été admis depuis longtemps que le respect de l’Etat de Droit est le fondement de la coexistence pacifique entre les nations. C’est également une condition préalable pour garantir la liberté individuelle et le respect des droits de l’homme. Des règles claires et prévisibles auxquelles l’ensemble des Etats souscrivent, ainsi qu’un système multilatéral efficace pour en prévenir et en sanctionner les violations sont des conditions préalables à une paix et à une sécurité internationales durables.
La promotion de l’État de droit est désormais l’une des constantes des rapports du Secrétaire général de l’ONU. Des efforts sont déployés à tous les niveaux pour promouvoir l’état de droit, que l’ONU définit comme étant «…un principe de gouvernance en vertu duquel l’ensemble des individus, des institutions et des entités publiques et privées, y compris l’État lui-même, ont à répondre de l’observation de lois promulguées publiquement, appliquées de façon identique pour tous et administrées de manière indépendante, et compatibles avec les règles et normes internationales en matière de droits de l’homme. Il implique, d’autre part, des mesures propres à assurer le respect des principes de la primauté du droit, de l’égalité devant la loi, de la responsabilité au regard de la loi, de l’équité dans l’application de la loi, de la séparation des pouvoirs, de la participation à la prise de décisions, de la sécurité juridique, du refus de l’arbitraire et de la transparence des procédures et des processus législatifs. » (Rapport du Secrétaire général « Rendre la justice : programme d’action visant à renforcer l’état de droit aux niveaux national et international » (A/66/749) La convergence des efforts déployés par les Etats et les organisations internationales démontre à plusieurs égards que la construction d’un monde dans lequel le respect des droits de l’homme et la justice seront assurés constituera un tournant décisif pour l’atteinte de l’ultime objectif des Nations Unies. A ce titre, les activités de la Sixième Commission et de la Commission du droit international ont joué un rôle essentiel au fil des ans dans la codification et le développement progressif du droit international. Les débats suscités à l’occasion de ces travaux ont été l’occasion d’échanges mutuellement bénéfiques entre les Etats Membres et les organes compétents des Nations Unies.
A.La convergence des actions des organes de l’ONU
Les activités des Nations Unies dans le domaine de l’état de droit visent à appuyer le développement, la promotion et l’application de règles et de normes internationales dans la plupart des domaines du droit international. Abandonnant le principe posé à l’article 2 §7 de la charte qui interdit l’ingérence dans les affaires internes des États, les Nations Unies ont entrepris une série de conférences internationales en vue de la promotion de l’État de droit et de la démocratie. Ainsi, s’est tenue à Manille du 3 au 6 juin 1988, la première conférence internationale sur les démocraties nouvelles ou rétablies. Depuis, cette conférence a tenu cinq sessions à, Managua en 1994, Bucarest en 1997, Cotonou en 2000, Oulan-Bator en 2003 et Doha en 2006. Ces six conférences ont abouti à l’adoption de déclarations et plans d’action. De même, l’Assemblée générale des Nations Unies a décidé, par sa résolution N°62/7 du 8 novembre 2007 intitulée « Appui du système des Nations Unies aux efforts déployés par les gouvernements pour promouvoir et consolider les démocraties nouvelles ou rétablies », de faire du 15 septembre de chaque année une journée internationale de la démocratie.La coordination générale des activités dans le domaine de l’état de droit incombe au Groupe de coordination et de conseil sur l’état de droit, présidé par le Vice- Secrétaire général et appuyé par le Groupe de l’état de droit.
1. Concernant le Secrétaire général de l’O.N.U., ses prises de position en faveur de la démocratie et de l’État de droit ont été nettes, répétées et catégoriques notamment dans les célèbres rapports élaborés par Boutros Boutros-Ghali intitulés « Agenda pour la paix », « Agenda pour le développement » et « Agenda pour la démocratisation ». Le dessein de l’auteur semble avoir été d’accélérer la naissance d’une véritable opinio juris en vue de la consécration d’une nouvelle norme de droit international. Les successeurs de Boutros Boutros-Ghali ont continué sur la même voie et ont fait de l’instauration de l’État de droit et de l’établissement ou de la consolidation de la démocratie des axes prioritaires de l’ONU. La promotion de l’État de droit est encore plus explicite dans le Rapport du Secrétaire général sur l’activité de l’Organisation des Nations Unie de 2005. Dans ce rapport, le Secrétaire général de l’ONU met le point sur la nécessité du rétablissement et de l’enracinement des institutions garantissant l’Etat de droit notamment dans les situations post conflictuelles : « Nous devons mettre l’état de droit et la justice au centre de nos opérations de paix car, s’ils ne se sentent pas à l’abri du crime ou s’ils ne sont pas convaincus qu’il est remédié aux injustices du passé, les gens perdront confiance dans le processus de paix et celui-ci sera voué à l’échec. Pour ce qui est du rétablissement de l’état de droit, j’ai noté que nous ne pouvons nous contenter, comme nous l’avons parfois fait, de remettre sur pied les institutions chargées de l’application des lois. Il nous faut au contraire adopter une approche globale qui vise tous les acteurs de la justice pénale : la police, les procureurs, les avocats de la défense, les juges, l’administration des tribunaux et le personnel pénitentiaire. Un autre enseignement important était, ai-je rappelé, qu’il fallait éviter les solutions toutes faites, et au contraire tenir compte des circonstances et traditions locales. » Dans le rapport de 2005, intitulé « Dans une liberté plus grande », Kofi Annan déclare : « j’ai l’intention de créer une unité d’assistance en matière de primauté du droit, reposant largement sur les ressources humaines actuellement réparties dans l’ensemble du système des Nations Unies, au sein du bureau d’appui à la consolidation de la paix, dont la création est également proposée, afin de contribuer aux initiatives nationales visant à rétablir l’état de droit dans les sociétés en proie à un conflit ou sortant d’un conflit ».
Toutes ces prises de position ont trouvé une consécration normative et opérationnelle. Ainsi, dès le 15 mai 2000, tel qu'indiqué dans son Rapport du millénaire (A/54/2000) déposé devant l’Assemblée générale , le Secrétaire général des Nations Unies adressait une lettre à tous les chefs d'État et de gouvernement les invitant à saisir l'occasion du Sommet du millénaire, qui se tiendra à New York du 6 au 8 septembre 2000, pour signer, ratifier ou adhérer aux conventions multilatérales déposées auprès de lui. Il appartient essentiellement à la société civile d’encourager la participation de tous les États au travail d’élaboration d’un cadre juridique international, de faire avancer ainsi l’état de droit, et de contribuer aux objectifs de la paix, des droits de l’homme et de la sécurité de l’homme, qui figurent dans la Charte. Pour les États-Membres qui n’ont pas été en mesure de ratifier des traités multilatéraux faute de ressources, le Secrétaire général a demandé à toutes les agences des Nations Unies de leur fournir l’aide technique nécessaire afin qu’ils puissent pleinement participer au cadre juridique international. En date du 15 mai 2000 il y avait 514 traités multilatéraux déposés auprès du Secrétaire général. La plupart de ces traités ont été adoptés par l’Assemblée générale, conclus à l’occasion des conférences de plénipotentiaires convoquées par les organes compétents des Nations Unies ou encore élaborés dans le cadre des travaux des Commissions régionales des Nations Unies dont tous les membres ainsi que les États non membres, peuvent devenir parties. En vue du Sommet du millénaire, le Secrétaire général avait identifié 25 traités multilatéraux qui, à son avis, reflètent les fondements des objectifs politiques ainsi que l’esprit de la Charte des Nations Unies. (cf. http://untreaty.un.org). Cette dynamique a permis de mobiliser pratiquement tous les organes des Nations Unies autour de la question. Plus de 40 entités des Nations Unies s’occupent de questions relatives à l’état de droit et l’Organisation mène des opérations et des programmes sur le sujet dans plus de 110 pays et dans toutes les régions du monde, le gros de l’activité se concentrant en Afrique. À l’heure actuelle, cinq entités au moins travaillent simultanément dans le domaine de l’état de droit dans au moins 24 pays, dont la plupart sont en situation de conflit et d’après conflit.
2.L’Assemblée générale a inscrit l’état de droit à son ordre du jour depuis 1992, question qu’elle examine avec un intérêt renouvelé depuis 2006, et a adopté des résolutions sur le sujet à ses trois dernières sessions (A/RES/61/39, A/RES/62/70 et A/RES/63/128).Le 24 septembre 2012, la première réunion de haut niveau sur l'état de droit s'est déroulée à la 67e session de l'Assemblée générale. Les participants (Chefs d'États et de Gouvernements et ministres de plus de 80 pays) y ont adopté une déclaration. Auparavant, l’Assemblée générale a adopté une série de résolutions intitulées «renforcement de l’Etat de droit ». Citons les résolutions 57/221 du 18 décembre 2002, 49/194 du 23 décembre 1994 et 48/141 du 20 décembre 1993. Dans toutes ces résolutions, l’Assemblée générale après avoir affirmé que : « L’Etat de droit, condition essentielle de la protection des droits de l’homme comme le souligne la Déclaration, doit continuer de retenir l’attention de la communauté internationale », « Constate avec satisfaction que les États sont plus nombreux à demander de l’aide pour renforcer et consolider l’état de droit, ce qui montre que l’importance de celui-ci est de mieux en mieux reconnue, et que ces États bénéficient du soutien du programme de coopération technique du Haut Commissariat ». L’expression apparaît également dans la déclaration finale de la Conférence sur les droits de l’Homme tenue à Vienne en juin 1993. Cette dernière appelle les Etats à : « Renforcer les institutions nationales et infrastructures qui maintiennent l’Etat de droit », en vue de créer les « conditions permettant à chacun de jouir des droits universels et des libertés fondamentales ».
3.A son tour, Le Conseil de sécurité a tenu plusieurs débats thématiques sur l’état de droit (S/PRST/2003/15, S/PRST/2004/2, S/PRST/2004/32, S/PRST/2005/30 et S/PRST/2006/28) et a adopté des résolutions mettant l’accent sur l’importance des questions relatives à l’état de droit pour les femmes, la paix et la sécurité (résolution 1325 et résolution 1820 du Conseil de sécurité), les enfants et les conflits armés (par exemple la résolution 1612) et la protection des civils dans les conflits armés (par exemple résolution 1674).
4. Par ailleurs, La Commission de la consolidation de la paix s’est aussi régulièrement penchée sur les questions relatives à l’état de droit, en particulier à travers le travail de codification entrepris en son sein. Les travaux de la Commission du droit international consistent essentiellement à rédiger des projets d'articles sur des questions de droit international, dont certaines sont choisies par la Commission et d'autres par l'Assemblée générale. Lorsque la Commission a fini de rédiger un projet d'articles sur une question donnée, l'Assemblée générale convoque généralement une conférence de plénipotentiaires chargée d'incorporer ces articles dans une convention qui est ensuite ouverte à la signature des États, les États signataires s'engageant formellement à être liés par ses dispositions. Depuis un quart de siècle, on constate que jamais la CDI n’aura été plus active, plus mobilisée. Paradoxalement, l’AG n’a pas adopté des conventions de codification (en dehors de la CV de New York de 1997 et celle de 2004 sur les immunités juridictionnelles des Etats). L’AG prend note d’un ensemble de propositions issu de la CDI et range ensuite le texte qui est utilisé dans certains cas par le juge international lorsqu’une affaire en ce sens lui est soumise. Dans certains cas, la CDI a donné à l’AG des documents n’ayant pas vocation à devenir des traités (Guide de la pratique sur les réserves aux traités, Etude sur la fragmentation du DI, etc.) En outre, la plupart des sujets actuellement inscrits à l’ordre du jour de la Commission n’ont pas vocation à devenir des conventions, soit que la CDI le signifie dès le début (recensement de la pratique : traité dans le temps, clause de la nation la plus favorisée), soit que l’AG en décide ainsi à la fin du travail de la Commission. Est-ce juste une réorientation du rôle de cet organe ? En tout cas, on assiste depuis l’an 200 à une inversion de la rationalité au sein des organes des Nations Unies. L’AG semble préférer la soft law au hard law et cette attitude se fait ressentir sur le droit international en général. Il s’agit d’un mouvement d’ensemble qui affecte le droit international à la fois dans sa conception et dans son évolution.
B. Le traité comme principal instrument juridique de promotion de l’État de droit au niveau national et international
Dans sa résolution 36/112 du 10 décembre 1981 intitulée « Examen de l’élaboration des traités multilatéraux », l’Assemblée générale des Nations Unies a souligné l’importance des traités multilatéraux comme source principale du droit international. Le traité constitue donc le pilier de l’action normative des Nations Unies en matière de promotion de l’état de droit au niveau national et international. L’article 2, al. I a de la Convention de Vienne de 1969 définit le traité interétatique comme étant « l’expression traité s’entend d’un accord international conclu par écrit entre États et régi par le droit international, qu’il soit consigné dans un document unique ou dans deux ou plusieurs instruments connexes, et quelle que soit sa dénomination particulière ». La terminologie employée auprès du secrétariat général des Nations Unies demeure floue et parfois ambiguë. Au lieu de l’emploi du terme traité, on retrouve dans le recueil les termes « convention », « accord », « protocole », etc ; et plus d’un tiers des traités déposés aux fins d’enregistrement auprès du Secrétaire général des Nations unies ne revêtent souvent la forme que de simples « échanges de notes ». Sur le fond, l’essentiel est que ces engagements produisent des effets de droit entre les parties contractantes quelle que soit leur dénomination. C’est pour permettre à ces actes de produire leur plein effet de droit que les Nations Unies se sont mobilisées depuis plusieurs années déjà pour promouvoir l’état de droit en incitant les États à signer les conventions adoptées et/ou à les ratifier.
L’uniformisation des règles applicables dans un domaine de la coopération internationale passe par l’adoption et la promotion des traités multilatéraux. Les conventions multilatérales ont pour objet d’établir une règle uniforme pour un nombre plus ou moins considérable d’États. Dans cette convention générale, toutes les parties ont une volonté identique qui est l’établissement d’une règle correspondant à des besoins communs. La convention générale est susceptible de s’étendre à de nombreux États, même à des États qui n’ont pas participés à son élaboration (procédure d’adhésion). Elle implique une multiplicité de liens juridiques dans la mesure où chaque partie est liée à l’égard de toutes les autres. Ce qui aura pour conséquence que chaque partie pourra revendiquer de chacune des autres l’application de la règle posée dans la convention. Cette règle fait ainsi figure de " loi " pour le groupe d’États-parties. Dans l’ordre international, la préférence pour le traité comme mode d’élaboration des règles de droit est souvent expliquée par des motifs « nobles » tels que la rapidité de l’adoption de la norme et sa précision, qualités que ne posséderait pas la coutume par exemple (Dominique Carreau et Fabrizio Marrella, Droit international, 11e éd., Paris Pedone, 2011, p. 152). Les activités des Nations Unies dans le domaine de l’état de droit visent à appuyer le développement, la promotion et l’application de règles et de normes internationales dans la plupart des domaines du droit international. L’Organisation aide les pays à disposer d’un environnement favorable à l’état de droit. Celui-ci comprend les éléments suivants : une constitution ou son équivalent, loi suprême de la nation, un cadre juridique clair, cohérent et appliqué dans les faits, des institutions solides, bien structurées, bien financées, bien équipées et du personnel bien formé dans le domaine de la justice, de la gouvernance, de la sécurité et des droits de l’homme, et aussi des processus et des mécanismes de justice transitionnelle, ainsi qu’un secteur public et une société civile qui contribuent au renforcement de l’état de droit et la responsabilisation des fonctionnaires et des institutions. Cet ensemble permet de créer une société où chacun se sent en sécurité, où les différends sont réglés de manière pacifique, où un recours est possible pour tout préjudice subi et où tout contrevenant, y compris l’État lui-même, doit répondre de ses actes.
C. La mobilisation de divers moyens de facilitation à l’adhésion ou la ratification
Il existe aujourd'hui un corpus de normes internationales, contraignantes et non contraignantes, qui constitue ce qu'on pourrait appeler le droit international de L’Etat de droit et de la démocratie. En effet, comme l'a affirmé Boutros Boutros-Ghali, ce corps de règle « possède sa cohérence et sa cohésion [et] constitue la preuve qu'accède aujourd'hui à la positivité un véritable droit international de la démocratie ». Ce droit, que l’on voit se cristallisé progressivement au sein de l'ONU emprunte essentiellement les chemins du droit mou ou soft law. Au niveau normatif, et malgré une démarche nécessairement hésitante et non exempte de contradictions, l’Etat de droit a pu faire irruption dans la production normative de l'Organisation mondiale dans certains traités.
Pour mieux aider les États qui souhaitent ratifier les traités et autres instruments qui les accompagnent souvent, de nombreux mécanismes sont institués, à l’instar de l’élaboration d’une série guides législatifs, dont l’objectif premier et immédiat est de faciliter le processus de ratification en recensant les mesures législatives requises, les questions qui en découlent et les solutions qui se présentent aux États pour élaborer et rédiger la législation nécessaire. À terme, ces guides pourraient aussi constituer un élément d’un ensemble plus large de documents destinés à promouvoir de nouvelles ratifications ainsi que l’application continue des instruments après leur entrée en vigueur. Les guides ainsi élaborés n’interprètent pas les instruments, ne les analysent pas, et ne débordent leur cadre que dans la mesure nécessaire pour conseiller les États aux stades de la ratification ou de la transposition dans leur législation. Ils ne comportent pas de lois types, mais plutôt des exemples de dispositions législatives adoptées par divers États et sont actuellement compilés et annexés à mesure qu’ils sont communiqués, de manière à illustrer les différentes approches retenues par les États qui ont déjà adopté la législation nécessaire. C’est dans ce domaine particulier que le recours à des experts en droit international se fait particulièrement ressentir. Pour certaines conventions, des réunions régionales et/ou sous-régionales sur les questions de ratification et d’application sont organisées. Des experts s’attèlent alors, au cours de ces réunions à fournir des informations concernant la Convention en question et ses protocoles éventuels.. Ces réunions permettent aux États de passer en revue les progrès réalisés dans le processus de ratification, d’échanger leurs vues et de confronter leur expérience. Dans les recommandations ou déclarations qui en résultent, les États qui n’ont pas encore ratifié les conventions en question sont priés de signer la Convention et ses Protocoles et de prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer leur ratification.
II.La persistance de nombreux freins à l’efficacité et à l’uniformisation des règles adoptées
À ce jour, seuls deux traités font l’objet d’une participation universelle au sein de la communauté des nations. D’autres bénéficient d’une large participation, mais n’ont toujours pas accédé à l’universalité. Pourtant, comme il ressort des listes de traités données en pièces jointes, seuls quelques instruments de ratification, d’acceptation, d’approbation ou d’adhésion sont nécessaires pour obtenir une participation universelle dans le cas de plusieurs des traités dont je suis dépositaire, ainsi que pour déclencher l’entrée en vigueur de plusieurs autres.
A.L’éloignement de l’objectif d’une participation universelle
Seuls deux traités multilatéraux bénéficient d’une participation de la totalité des États du monde à ce jour, ce qui est loin de mettre en évidence la constance de leur détermination à donner à l’état de droit un rôle central dans les relations internationales. En rendant perméables les frontières entre les ordres juridiques interne et international, le vaste mouvement des réformes constitutionnelles entamé dans divers États depuis les années 1990 a également accentué les frontières entre les deux ordres juridiques. Si l’adoption des conventions multilatérales vise l’uniformisation des comportements étatiques dans divers domaines, l’atteinte de cet objectif est difficile au regard des freins juridiques et extra-juridiques de l’universalisation des règles internationales.
1.L’inexistence d’une obligation de signer et/ou ratifier un traité
S’il existe une façon dont un État doit s’y prendre pour adhérer à une convention internationale, il n’existe pas une obligation de signer ou de ratifier un traité en droit international. La ratification demeure un acte discrétionnaire et un Etat est libre de la donner ou de la refuser. De même, il appartient à un Etat de choisir le moment auquel il adhère ou ratifie une convention, en fonction de ses intérêts propres. Le refus de ratifier n’engage pas la responsabilité de l’État, même si ce refus peut avoir des conséquences " politiques " importantes. C’est la raison pour laquelle c’est par la voie de la sensibilisation que les Nations Unies attirent l’attention des Etats sur leur position vis-à-vis d’un traité. En la matière, un État dispose d’une grande marge de manœuvre dans l’application des principes constitutionnels à l’égard du droit international. La transposition législative ou règlementaire prend des formes très variables et son objet est multiple : il s’agit de légitimer politiquement une norme (très souvent) étrangère, négociée et adoptée parfois par d’autres États ou par des représentants du pouvoir exécutif. Il s’agit aussi d’adapter l’ordre juridique interne à une norme nouvelle, qui s’inscrit parfois en contradiction avec certaines traditions juridiques nationales. Plus un traité international intervient dans un domaine politiquement sensible, plus les modifications de l’ordre juridique interne seront effectuées. De même, en ce qui concerne les conventions relatives aux droits de l’homme, les contradictions avec les us et coutumes des populations de l’État concerné apparaissent rapidement au regard de leur objet et de leur but. L’État doit donc mesurer les risques d’une démarche internationalement correcte qui peut s’avérer dangereuse pour la stabilité sociale, culturelle et politique. On le voit, la plupart des règles internationales ne peuvent s’appliquer sans le soutien et la collaboration continue des systèmes juridiques nationaux.
2.La complexité des procédures internes d’adhésion et /ou de ratification
L’article 11 de la convention de Vienne du 23 mai 1969 : " Le consentement d’un État à être lié par un traité peut être exprimé par la signature, l’échange d’instruments constituant un traité, la ratification, l’acceptation, l’approbation ou l’adhésion, ou par tout autre moyen convenu ". La ratification est un acte écrit : elle s’applique à l’ensemble du texte du traité. Elle obéit à une certaine procédure de communication qui sera variable selon que l’on aura affaire à un traité bilatéral ou multilatéral. D’après les règles du droit international et la pratique du Secrétaire général en tant que dépositaire de traités multilatéraux, les chefs d’État ou de gouvernement ou les ministres des affaires étrangères ne sont pas tenus de présenter des pleins pouvoirs pour accomplir en personne des formalités se rapportant à un traité. En outre, lorsqu’un instrument conférant les pleins pouvoirs généraux a été préalablement confié à une personne et déposé auprès du Secrétaire général, il n’est pas non plus nécessaire de présenter des pleins pouvoirs. Néanmoins, lorsqu’un acte tel que la signature d’un traité déposé auprès du Secrétaire général doit être accompli par une personne autre que le chef d’État ou de gouvernement ou le ministre des affaires étrangères, il est indispensable de présenter des pleins pouvoirs en bonne et due forme. Les instruments de ratification, d’acceptation, d’approbation ou d’adhésion doivent également émaner de l’une des trois autorités susmentionnées et en porter la signature; ils doivent en outre comprendre toutes les déclarations et réserves y afférentes (Cf. http://treaties.un.org)
L’État dont les représentants ont participé à l’élaboration d’un traité n’est pas en principe lié du fait de l’acceptation par ses représentants des dispositions du traité au moment de la signature. La ratification apparaît alors comme l’acte par lequel l’autorité étatique investie par la constitution du pouvoir de conclure les traités, confirme le traité élaboré par les plénipotentiaires, consent à ce qu’il devienne définitif et obligatoires, et s’engage solennellement au nom de l’État à l’exécuter. La pratique a introduit, en droit interne, des formes nouvelles : l’acceptation et l’approbation qui sont des procédures plus simples que la ratification qui font intervenir des autorités moins haut placées. Quelles que soient ces procédures, elles impliquent dans tous les cas un nouvel examen par les organes de l’État (soit exécutif, soit législatif). Si ces procédures sont différentes sur le plan du droit interne, on soulignera que sur le plan international ces modalités ne présenteront pas de différences substantielles avec la ratification. En droit international seule importe la manifestation de la volonté de l’État quelle que soit sa forme, pour autant que cette formulation soit suffisamment claire.
La signature simple (signature sous réserve de ratification) est autorisée dans la plupart des traités multilatéraux pour une période de temps déterminée, même si certains traités multilatéraux restent indéfiniment ouverts à la signature. Par la signature, l’État n’exprime pas son consentement à être lié par le traité, qui ne se produit pas tant que l’État n’a pas ratifié, accepté ou approuvé le traité. La signature signifie qu’un État est tenu, en toute bonne foi, de s’abstenir d’actes qui sont contraires à l’objet et au but du traité (article 18 de la Convention de Vienne sur le droit des traités de 1969). Plusieurs raisons conduisent un Etat à ne pas ratifier un traité ou à ne le faire que tardivement, parfois sous la pression des autres Etats ou des organisations internationales. Depuis quelques années, il y a comme une réticence des Etats vis-à-vis des engagements contraignants alors même que paradoxalement, les instruments non contraignants émergent chaque jour et sont considérés parfois comme exprimant une opinio juris, pouvant constituer éventuellement une norme coutumière en cours de formation.
Aux ratifications tardives, aux transpositions infidèles, on peut ajouter de nombreux obstacles procéduraux et judiciaires à l’application effective du droit international à des situations concrètes. En effet, le droit international et le droit constitutionnel des divers États n’ont pas toujours des rapports harmonieux. Alors que le droit international pose sa nécessaire primauté par rapport au droit constitutionnel, ce dernier entend préserver son intégrité et éviter sa remise en cause par l’ordre international en tant que norme interne supérieure à laquelle il n’est pas possible de déroger. Précisément, la structure constitutionnelle des États a des incidences directes tant au niveau de la conclusion que de l’exécution des traités : la procédure s’avère parfois simple dans un État unitaire et plus complexe dans un État fédéral dans la mesure où il faut toujours veiller au respect des compétences propres des États Fédérés. De plus en plus, l’un des problèmes juridiques les plus sérieux auquel doit faire face l’ordre international réside dans l’application uniforme et réciproque du droit international dans les pays à structure constitutionnelle complexe – notamment de type fédéral. Il n’est donc pas aisé d’identifier de méthodes cohérentes et catégorisées en matière d’intégration par les États du droit international dans leur propre système et le droit international n’impose aucune obligation (ni méthode) en la matière aux États, si ce n’est celle d’exécuter leurs engagements de bonne foi. Si les logiques de rapports de systèmes diffèrent, les effets du droit international peuvent finalement être semblables, qu’il s’agisse d’une simple « insertion » (méthode moniste) ou d’une « réception » avec adoption de mesures internes complémentaires (méthode dualiste). Ainsi, quelque soit le système, les autorités politiques (législatives, réglementaires, ou même administratives), interviennent ensuite pour promulguer, exécuter, transposer, ou compléter, en bref pour rendre applicables les règles internationales. Enfin, le rôle du juge, en tant qu’autorité d’application du droit, ne doit pas être sous-estimé : il interprète le sens et la valeur du droit international, surtout dans l’hypothèse ou les pouvoirs précédents ne sont pas intervenus. Son rôle d’intégration du droit international est d’autant plus important lorsqu’il appartient à une famille de common law (Cf. Bérangère TAXIL, « Méthodes d’intégration du droit international en droits internes », Internationalisation du droit, internationalisation de la justice, Colloque AHJUCAH, 21-23 juin 2010)
L’action des Nations a permis, notamment dans les démocraties nouvelles ou rétablies des réformes constitutionnelles ayant explicitement entrainé une prise en compte accrue du droit international. La grande majorité des États de la planète disposent ainsi aujourd’hui de règles constitutionnelles déterminant avec beaucoup plus de précisions que par le passé, la place du droit international. Pour autant, les résistances des États à la pression du droit international persistent à plusieurs égards.
B. L’efficacité relative des règles adoptées
Il n’est pas facile de réduire l’écart entre l’existence de normes et règles internationales et leur application effective au niveau national et même international. Les Etats, lorsqu’ils ne retardent pas l’entrée en vigueur des traités adoptés par la non ratification, assortissent généralement leur adhésion auxdits traités de réserves et déclarations interprétatives qui, parfois, finissent par enlever aux instruments adoptés, leur portée universelle.
1. Le blocage de l’entrée en vigueur de plusieurs traités pour défaut de ratifications suffisantes
Un accord multilatéral entre habituellement en vigueur à partir du dépôt d'un nombre déterminé d'instruments exprimant le consentement de ces États à être liés par l'engagement, ou passé un certain délai après ce dépôt. Cette entrée en vigueur, dite générale, n'a cependant d'effet que pour les États ayant procédé à ce dépôt. La possibilité d'une entrée en vigueur pour l'ensemble des États à partir du dépôt des instruments d'une partie seulement d'entre eux doit être réservée aux amendements à certaines conventions multilatérales L’entrée en vigueur d’un traité est le moment où un traité devient juridiquement contraignant pour les parties au traité. Ce sont les dispositions du traité qui déterminent la date de son entrée en vigueur. Il peut s‘agir d’une date précisée dans le traité, ou d’une date à laquelle un nombre spécifié de ratifications, approbations, acceptations ou adhésions ont été déposées auprès du Dépositaire.
Un certain nombre de traités figurant dans le recueil des traités des Nations Unies nécessitent parfois juste un instrument de ratification, d’acceptation, d’approbation ou d’adhésion de plus, afin de déclencher l’entrée en vigueur, tandis que d’autres nécessitent seulement deux ou trois instruments de consentement à être lié, pour que le traité entre en vigueur. Ces instruments peuvent être déposés plusieurs années plus tard, ce qui effrite les espoirs pendant que d’autres conventions jugées plus importantes sur le plan régional ou sous-régional sont adoptées.
Dans certains cas, on recourt à une application provisoire. L'application provisoire peut être prévue par les dispositions finales pour des raisons liées à des circonstances particulières, mais elle doit rester exceptionnelle. Elle s'explique pour des raisons avant tout d'ordre pratique et peut aboutir à des situations juridiquement incertaines si l'entrée en vigueur tarde. Elle est à proscrire en toute hypothèse, d'une part, lorsque l'accord peut affecter les droits ou obligations des particuliers, d'autre part, lorsque son entrée en vigueur nécessite une autorisation du Parlement.
2. Les réserves et déclarations interprétatives
Suivant l’article 2 § 1 d) de la Convention de Vienne du 23 mai 1969 sur le droit des traités, on entend par réserve : " une déclaration unilatérale, quel que soit son libellé ou sa désignation, faite par un État quand il signe, ratifie, accepte ou approuve un traité ou y adhère, par laquelle il vise à exclure ou à modifier l’effet juridique de certaines dispositions du traité dans leur application à cet État ". L’article 1.1 du projet de Guide de la pratique sur les réserves aux traités, tel qu’adopté provisoirement par la CDI en 2011 reprend cette définition en y ajoutant des éléments d’élargissement lorsqu’il dispose que l’expression « réserve » « s’entend d’une déclaration unilatérale, quel que soit son libellé ou sa désignation, faite par un État ou par une organisation internationale à la signature, à la ratification, à l’acte de confirmation formelle, à l’acceptation ou à l’approbation d’un traité ou à l’adhésion à celui-ci ou quand un État fait une notification de succession à un traité, par laquelle cet État ou cette organisation vise à exclure ou à modifier l’effet juridique de certaines dispositions du traité dans leur application à cet État ou à cette organisation. » Le but d’une réserve est précisément d’exclure ou de modifier l’effet juridique de certaines dispositions d’un traité, ou du traité dans son ensemble sous certains aspects particuliers, dans leur application à l’État ou à l’organisation internationale qui la formule. Il s’agit en tout état de cause d’une formule permettant à l’Etat qui signe, adhère ou ratifie une convention internationale de placer des gardes- fous, voire des barrières de sécurité lorsqu’il contracte des engagements internationaux.
La réserve est un élément de particularisme qu’un État veut introduire en limitant la portée des obligations découlant d’un traité. Elle ne peut être formulée lorsque l'accord la prohibe expressément. Si la convention de Vienne autorise les États à formuler des réserves à un accord, c'est en effet à certaines conditions, dont la plus importante est que ces réserves ne soient pas incompatibles avec le but et l'objet de l'accord. Les autres États contractants peuvent faire objection à la réserve. L'objection a une portée en fait essentiellement politique, sauf si l'État qui l'émet décide en même temps que l'accord dans son ensemble ne s'appliquera pas dans ses rapports avec l'État auteur de la réserve. Les réserves introduisent la relativité dans un domaine où les nations Unies tentent d’uniformiser les pratiques étatiques, même si seul est affecté le lien juridique entre l’État auteur de la réserve et les autres signataires. Elle permet l’entrée en vigueur du traité entre ces États sans pour autant unifier le régime juridique applicable au domaine de coopération concerné. La réserve établie à l’égard d’une autre partie conformément aux articles 19, 20 et 23 de la convention de Vienne, modifie pour l’État auteur de la réserve dans ses relations avec cette autre partie les dispositions du traité sur lesquelles porte la réserve, dans la mesure prévue par cette réserve; et modifie ces dispositions dans la même mesure pour cette autre partie dans ses relations avec l’État auteur de la réserve. Avec l’admission des réserves aux traités multilatéraux, il est difficile d’uniformiser les comportements étatiques dans un domaine de la coopération internationale, ce qui éloigne les Nations Unies de l’ultime objectif de l’universalisation.
Bien que la convention de Vienne n'en fasse pas mention, le droit des traités autorise les États à émettre des déclarations interprétatives. Il s'agit de déclarations unilatérales par lesquelles l'État précise la portée qu'il attribue à telle ou telle disposition de l'accord mais dont le texte, comme celui des réserves, ne doit pas être incompatible avec le but et l'objet de celui-ci. Elles doivent être soumises à la direction des affaires juridiques du ministère des affaires étrangères.
Par le biais des réserves et déclarations, les Etats assurent la protection de leur ordre juridique interne et de leurs intérêts, puisqu’il s’agit du résultat d’une vérification de compatibilité, voire de conformité entre les aspirations de l’Etat sur le plan international et la préservation de son droit interne et de ses intérêts.