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Soumis par Weckel Philippe le 23 September 2012

Image retirée.

Photo : Minsk, Studio Total – Courtoisie

 

Le lancer d'oursons en peluche (nounours, teddy bears) dotés d'un parachute (pratique du parafauna) a connu une spectaculaire application le 24 juillet dernier. Une société de communication suédoise, Studio Total, a mené une opération qui a réussi au delà de toute attente, puisqu'elle a provoqué une vive crise diplomatique entre la Biélorussie et la Suède. Cette action aurait eu des conséquences plus graves encore, si les Etats membres de l'Union européenne avaient suivi la Suède dans l'escalade des tensions. Après avoir décollé d'un village lituanien proche de la frontière, un petit avion de tourisme a pénétré l'espace aérien de la Biélorussie en volant à basse altitude pour déjouer la surveillance radar. Il s'est rendu à Minsk où, pendant une heure, il a largué, sans être inquiété, mille petits jouets en peluche ornés de tracts en faveur de la liberté d'expression. Cette version potache de l'ingérence pour le respect des droits de l'homme prête peut-être à sourire, comme les réactions maladroites et exagérées du dictateur biélorusse. 

Le Président Alexandre Loukachenko n'a visiblement pas goûté cette mauvaise plaisanterie. Après avoir contesté l'existence du largage de peluches, le gouvernement biélorusse s'est résolu à l'admettre et a réagi fortement à cet événement. Le mécontentement du Chef de l'Etat s'est d'abord manifesté par le limogeage des responsables de l'aviation et des frontières, puis par des mesures de rétorsion visant la Suède. Le 3 août 2012 la Biélorussie a décidé de ne pas renouveler l'accréditation de l'Ambassadeur Stefan Ericsson. Le Ministre biélorusse des affaires étrangères a déclaré à la presse :

Belarusian side did not expel the Swedish ambassador. A decision was taken not to renew his accreditation.

Mr. Stefan Eriksson worked in Minsk for about 7 years. This is a long term. During all this time his activities were aimed not at the strengthening of relations between Belarus and Sweden, but on their erosion.

The decision taken lays exclusively in the sphere of bilateral relations.

We are ready to make efforts to maintain the constructive nature of our relations. At the same time if the Swedish side will seek to aggravate the situation we will be forced to react adequately.

Statement of the Press-Secretary of the Ministry of Foreign Affairs of the Republic of Belarus Andrei Savinykh on Non-renewal of Accreditation of the Swedish Ambassador Stefan Eriksson

 

Inaugurant peut-être la diplomatie du "twitt", son homologue suédois, M. Carl Bild, a diffusé le 4 août le message suivant : 

Just a reminder on the truly miserable state of human rights in Belarus. Important that we speak up.

 

La Suède a renvoyé deux membres importants de la mission biélorusse, dont le chargé d'affaires.

Le 8 août le Ministre biélorusse a fait la déclaration suivante :

The reasons behind the decision of the Belarusian Side not to renew the accreditation to the former Ambassador of Sweden to Belarus Mr. Stefan Eriksson are clear and require no additional comment. Given the concurrent recall to Minsk of Ambassador of Belarus to Sweden Mr. Andrei Grinkevich, the Belarusian Side regarded the conflict to have been resolved, and was ready for mutual efforts to reshape the constructive elements of mutual relations. Another proof of that are earlier efforts of the Belarusian Side to prevent turning the situation into a conflict.

Regrettably, the Ministry of Foreign Affairs of Sweden preferred to aggravate the situation and took an additional decision to expel from the country two senior diplomats of the Embassy of Belarus, including the Chargé d’Affaires, and to deny entry to Sweden for the new Ambassador of Belarus, who had received the agrément of the Government of Sweden.

As a result, the diplomatic staff of the Belarusian Embassy in Stockholm were reduced to two junior diplomats, who do not have sufficient authority or qualifications to run the mission.

These actions of the Swedish Side are aimed at seriously restricting the representation of the Republic of Belarus in Sweden and the possibility to adequately protect the interests of the Belarusian citizens, to offer services to the citizens of Sweden, as well as of Norway and Denmark, where the Embassy is accredited concurrently.

Such circumstances make it impossible for the mission to maintain its normal functions, including those stipulated in Article 3 of the Vienna Convention on Diplomatic Relations.

In this regard the Belarusian Side is compelled to take a decision to recall its Embassy in Sweden and to return its entire staff to the Republic of Belarus. Appropriate action is already being taken.

Simultaneously, on the basis of the principle of reciprocity, stipulated inter alia in Article 2 of the Vienna Convention, the Swedish Side is offered to recall its Embassy from the Republic of Belarus before August 30, 2012.

The Belarusian Side proceeds from the understanding that the entire staff of the Swedish Embassy will lose their status from that date.

The Belarusian Side specifically underlines that the context of these measures does not presuppose the rupture of diplomatic relations.

Restoration of the previous level of bilateral relations, with direct diplomatic presence in the capitals of the two states, is only possible if the Swedish Side, through dialog with Belarus, reverts to observing the internationally recognized principles of mutual respect, sovereign equality of the states, and promotion of friendly relations.

Statement of the Ministry of Foreign Affairs of the Republic of Belarus

 

Le même jour son homologue a lancé un nouveau "twitt" :

We remain strongly committed to the freedom of Belarus and all its citizens. They deserve the freedoms and the rights of the rest of Europe.

 

Ainsi un millier de petits oursons en peluche "parachutés" sur Minsk ont provoqué l'interruption de la représentation diplomatique entre les deux Etats.

La Suède s'est efforcée d'obtenir le soutien solidaire des autres membres de l'Union européenne.

Le 3 août, Mme Catherine Ashton, Haute représentante de l'Union européenne, a fait une déclaration :

"C'est avec une vive préoccupation que j'ai pris note des informations communiquées par Minsk et Stockholm faisant état de la décision des autorités biélorusses d'expulser l'ambassadeur de Suède, M. Stefan Eriksson.

Cette décision va à l'encontre des règles régissant les relations entre États. L'Union européenne et la Suède attachent une grande importance à la modernisation de la Biélorussie et à la diffusion des valeurs européennes, en particulier la démocratie, les droits d l'homme et l'État de droit. 

Le Comité politique et de sécurité de Bruxelles reviendra sur cette question, y compris pour ce qui est de mesures appropriées de l'UE."

http://www.consilium.europa.eu/uedocs/cms_data/docs/pressdata/FR/foraff/132120.pdf

 

La France semble -à première vue du moins- abonder dans le même sens :

Biélorussie/Suède (Q&R- Extrait du point de presse - 9 août 2012)

"La France partage la préoccupation de la Haute représentante, Mme Catherine Ashton, quant au refus de Minsk de renouveler l’accréditation de l’Ambassadeur de Suède en Biélorussie. Nous sommes solidaires des autorités suédoises et appelons la Biélorussie à renouer des relations diplomatiques normales avec la Suède.
Nous nous concerterons avec nos partenaires européens lors d’une réunion du Comité politique et de sécurité (COPS) qui aura lieu ce vendredi 10 août".

 

Que conclure de cette curieuse affaire ?

Conscientes du ridicule de la situation, les autorités de Minsk n'ont pas lié le refus de renouvellement de l'accréditation à l'invasion de la Biélorussie par des oursons en peluche parachutistes. Surtout, elles n'avaient rien à reprocher dans cette affaire à la Suède. C'est de la Lituanie que les plaisantins suédois ont décollé pour mener une opération à laquelle les autorités suédoises n'ont vraisemblablement pas été associées.

Aucune mesure de solidarité envers la Suède n'a finalement été adoptée par les Etats membres de l'Union européenne. En quoi, Madame Ashton, la mesure de rétorsion prise par la Biélorussie irait-elle "à l'encontre des règles régissant les rapports entre les Etats" ? Quel Etat serait prêt à mettre en question la discrétionnarité de l'accréditation accordée aux diplomates étrangers ? 

Bulletin numéro 316