INTRODUCTION
Depuis le 2 juillet 2012, les 193 pays membres des Nations Unies ont mené des négociations à New York sur le Traité sur le Commerce des Armes (TCA), qui a pour objet de règlementer pour la première fois le commerce des armes conventionnelles. Même si ces premières négociations se sont malheureusement terminées le 27 juillet 2012 sans qu’un traité n’ait pu être adopté, le travail effectué n’a pas été vain. Les espoirs de voir ce traité aboutir sont loin d’être perdus.
Après un mois d'intenses négociations, les États-Unis (40 % du commerce mondial des armements) et la Russie ont demandé un « report » de l'examen du texte, suivis par la Chine, l'Inde et l’Egypte notamment. Ce « report », intervient après dix années de mobilisation internationale initiée par la coalition d’ONG « Control Arms » visant à réguler le marché des armes licites. De nouvelles négociations pourraient avoir lieu si une décision allant dans ce sens est prise par l’Assemblée générale des Nations Unies qui entamera une prochaine session à la fin du mois de septembre 2012.
Seulement là encore, les Etats-Unis ont indiqué qu’ils s’opposeraient « à un vote à l’Assemblée générale de l’ONU sur le texte actuel » tout en affirmant leur soutien à un second round de négociations concernant ce traité pour 2013 (Echec des négociations sur le commerce des armes aux Nations unies).
Cependant, la Conférence de New York qui clôture un premier round de négociations rudes et dont les acquis devraient être préservés (I), marque une avancée réelle, Le projet de texte actuel représentant « une base solide » pour une deuxième phase de discussions (II), malgré les améliorations à lui apporter.
I)- PREMIER ROUND DES NEGOCIATIONS : UNE AVANCEE REELLE
Après plusieurs jours de négociations (A), un second texte a été présenté jeudi 26 juillet 2012. Un nouveau projet de traité « comblant en partie les lacunes de la proposition précédente ». Il semble, selon les déclarations de certains conférenciers (B), que ces progrès aient été possibles grâce au travail et à l’implication de certaines grandes puissances dont la Grande-Bretagne, mais aussi, la France.
A)- Des négociations rudes
Les négociations ont tout d’abord connu un début difficile, l’ouverture de la Conférence ayant été reportée en raison des discussions sur le statut de la Palestine au sein de ladite Conférence. L’adoption d’un programme de travail constitua un autre défi. Dès les premiers jours de travaux de la Conférence, force était de constater qu' « un certain nombre de délégations poursuivaient une stratégie de blocage, usant d'arguments liés aux questions organisationnelles et procédurales afin de retarder autant que possible les travaux sur le fond du sujet ». Celles-ci s’opposaient par ailleurs par principe à une participation trop large de la société civile aux délibérations de la Conférence. L’UE, qui aurait aimée voir davantage d’interaction avec la société civile, notamment au niveau des deux sous-comités dans lesquels les négociations ont été menées, a fini par accepter le compromis proposé par Président de la Conférence afin de ne pas perdre davantage de temps. Selon le compromis trouvé, les ONG avaient droit à participer à la moitié des réunions.
Malgré le rôle moteur de l’Union européenne, les trois premières semaines de la Conférence n’ont pas été caractérisées par une grande efficacité, les partenaires UE et les autres Etats favorables à un Traité fort et efficace faisant face à une variété de stratégies de blocage et de retardement déployées par les délégations plus réticentes (Algérie, Egypte, Iran, Corée du Nord, Syrie, Venezuela…) voire opposées à un TCA. Le Président de la Conférence, l’Ambassadeur argentin Roberto Garcia MORITAN, a d’ailleurs lui-même constaté qu’il était « évident qu'un certain nombre de délégations n’ont aucune volonté de travailler dans un esprit de compromis » et qu’il ne servait à rien de continuer les travaux dans ces conditions. La Conférence s’est ainsi conclue sur l’adoption par consensus du rapport des travaux de la Conférence auquel est annexé le projet de texte présenté par le Président de la Conférence, le 26 juillet 2012, « sous sa responsabilité et sans préjudice de la position de quelque délégation que ce soit ».
Pour ce qui est des principaux points de discorde en termes de substance, encore ouverts le dernier jour de la Conférence, on peut en identifier quatre (4) notamment : la question des munitions, la participation des organisations régionales au Traité, l’inclusion des acteurs non-étatiques, les dispositions relatives à la violence basée sur le genre.
Le sujet est évidemment hautement sensible pour les Etats, compte-tenu des enjeux de souveraineté nationale mais aussi économiques.
Si cette Conférence n’a pas aboutie sur l’adoption d’un texte, le combat n’est pas perdu pour autant. Le projet de texte sera transmis à l’Assemblée générale en octobre 2012, la même qui avait commandée ladite assise. Au sein de la Première Commission de l’AGONU les Etats membres décideront des suites à donner à la Conférence et au projet de texte existant, en adoptant une résolution. Aux termes de celle-ci, les Etats pourraient proposer l’adoption du traité par un vote à la majorité des 2/3 en décembre 2012. Seulement, cette résolution butera certainement contre le veto américain.
Toutefois, compte tenu des déclarations fortes de la plupart des Etats membres, les chances de voir ce traité aboutir sont intactes.
B)- Des déclarations fortes
La coalition Control Arms a du reste indiqué que l’absence d’accord final était une déception, « mais ne signifiait pas pour autant la fin de l'histoire ».
Pour les ONG : «une dynamique est lancée pour aboutir à un traité international juridiquement contraignant, qui permettra de mettre le commerce des armes sous contrôle. Les Etats disposent maintenant d'une deuxième chance de faire de ce traité une réalité en présentant le texte devant l'Assemblée générale des Nations Unies à l'automne ».
Par ailleurs, un groupe de plus de 90 États du monde entier, dont tous ceux de l'Union européenne et des Etats d'Amérique latine, des Caraïbes et d'Afrique ont par la voie du Mexique prononcé une déclaration conjointe affirmant qu'ils sont "déterminés à obtenir un traité sur le commerce des armes aussi rapidement que possible. Un traité qui rendra le monde plus sûr pour l'ensemble de l'humanité". Groupe finalement rejoint par la France, comme l’explique Nicolas VERCKEN, responsable de plaidoyer à Oxfam France : « la France a passé un mois à être tiraillée entre d’une part des déclarations publiques fortes, et d’autre part des négociations de couloir avec des pays peu favorables au traité, avançant sur des lambeaux de texte peu ambitieux. Heureusement, elle a su rejoindre aujourd’hui le groupe des quatre vingt dix (90) Etats qui ont fait part de leur détermination de voir ce processus aboutir rapidement afin de produire un traité qui rendra le monde plus sûr ».
Le projet de traité proposé le 26 juillet 2012 par M. MORITAN « fournit une base pour poursuivre notre travail » et il bénéficiait « d'un très large soutien dans la communauté internationale », ajoute la déclaration.
« Le texte que j'avais proposé était un projet de traité, certains pays ne l'aimaient pas mais l'immense majorité était d'accord », a regretté le Président de la Conférence, l'Argentin Roberto Garcia MORITAN. « Nous allons continuer de travailler sur cette base ».
Selon un diplomate, le rapport que M. MORITAN va transmettre à l'Assemblée générale propose de reprendre les négociations pendant deux semaines début 2013.
II)- DEUXIEME ROUND DES NEGOCIATIONS : UN ACCORD PROBABLE
M. MORITAN s'est déclaré « certain que nous aurons un traité rapidement » même s’il n'a pas donné de délai. (A) Peut-être faudra-t-il « peaufiner le texte » auparavant (B).
A)- Davantage de temps
Selon les participants à la Conférence de New York, les Etats-Unis (environ 40% du commerce mondial des armements) et la Russie ont demandé davantage de temps pour se prononcer. Plusieurs autres pays, dont la Chine, l’Inde, l’Indonésie et l’Egypte, ont emboîté le pas à Washington en réclamant un délai.
B)- Ebauche critiquée
Selon Benoît MURACCIOLE : « si sur les critères, le signal est positif, avec comme base le travail préparée par M. BOUCHAIB EL OUMNI, le retour au registre des Nations Unies dans la dénomination des armes – même si le chapeau indique que celle ci n’est pas exhaustive et que les armes légères et de petit calibres y figurent – est un retour en arrière conséquent ». [1]
Comme le notait Brian Wood d’Amnesty International, « les recherches des vingt (20) dernières années montrent que les armes impliquées dans les graves violations des droits de l’Homme et du droit international humanitaire ne sont pas dans le registre des Nations Unies que ces catégories reprennent » (The draft of the Arms Trade Treaty, 26 july 2012, article 2).
Le problème des munitions reste entier « malgré une adroite tentative de les intégrer un peu plus bas dans le texte de façon à les détacher de l’obligation de les notifier dans les rapports » [2]. La Cote d’Ivoire, au nom des Etats de l’Afrique de l’Ouest, a magnifiquement relevé ce manque, arguant que son pays et la sous-région tout entière continuaient de payer le prix fort de la faiblesse de leur contrôle. Cette déclaration forte à été appuyée par de nombreux autres Etats africains.
« Un des trois piliers du futur traité devra être l’incrimination », c’est ainsi que la France en 2010 présentait son souhait pour un TCA fort et efficace. Aujourd’hui cette partie manque « alors qu’elle est la garantie de poursuite de tous les individus ou entreprises qui violeraient les dispositions du futur TCA ».
Il reste donc quelques réglages à faire pour améliorer le projet de texte à soumettre à l’Assemblée générale de l’ONU par Roberto Garcia MORITAN, Président de la première Conférence sur un TCA tenue à New York en juillet 2012. D’où la nécessité d’un second round des négociations.
CONCLUSION
Prévoir l’issue des discussions portant sur un Traité sur le Commerce des Armes (TCA), qui débutèrent à New York au début du mois de juillet 2012, sous la présidence du diplomate argentin Roberto Garcia MORITAN au siège des Nations Unies n’était pas du tout facile. L’enjeu était de réglementer le marché des armes conventionnelles en adoptant des critères stricts afin d’en interdire la vente à des pays susceptibles de les utiliser contre des populations civiles et d’éviter qu’elles ne permettent la poursuite de conflits. Plusieurs pays sont allés à reculons à la table des négociations.
Pour les Etats-Unis, « il n’était pas question d’inclure les munitions dans ce traité, étant donné qu’ils produisent plus de six (6) milliards de cartouches par an ».
La Chine « voulait exclure les armes légères, qu’elle exporte massivement vers les pays en voie de développement ».
La Russie, « 2ème exportateur mondial de matériels militaires, souhaitait mettre l’accent sur les trafics illégaux plutôt que sur une réglementation plus contraignante ». Et si « les exportateurs d’armes étaient au départ réticent à l’idée de ce traité, les importateurs, comme le Japon, le Pakistan ou l’Arabie Saoudite, l’étaient également ». En outre, la notion de rendre obligatoire le respect de certains critères posait problème.
Résultat des courses : la négociation s’est conclue, le 27 juillet 2012, par l’impasse.
Entre autres solutions aux blocages actuels, il y a la possibilité de rédiger un Traité sur le Commerce des Armes en dehors du cadre des Nations Unies. Des exemples du passé ont montré que cela pouvait revêtir une certaine efficacité. Ce système « par l’exemple » compte sur « l’effet tache d’huile » : un nombre restreint d’États participent au Traité, mais espèrent que les autres y adhèrent l’un après l’autre par la suite.
· Ouverture de la conférence sur le désarmement, Anne RINAUD (Sentinelle, 30 janvier 2005)
· Participation des Etats à la maîtrise des armements, l'Afrique à la traîne (Prof. P. WECKEL)
· ONU, renforcement de la coopération pour lutter contre le trafic d'armes légères, Emmanuel MOUBITANG (Sentinelle, 25 mars 2012)
· Elaboration d’un Traité international sur le commerce des armes : Contribution de l’Afrique, Emmanuel MOUBITANG (Sentinelle, 3 juin 2012)
· Nations Unies, ouverture de la Conférence pour un traité sur le commerce des armes, Emmanuel MOUBITANG (Sentinelle, 8 juillet 2012)