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Soumis par Gouritin Armelle le 9 September 2012

Cette affaire où sont en cause les limites de l'immunité de juridiction d'un Etat étranger (en l'espèce l'Algérie) dans le cadre du recours d'un travailleur licencié par l'ambassade située dans un Etat membre de l'Union Européenne (UE) est inédite devant les juridictions de l'UE, comme le relève l'Avocat Général (M. Paolo Mengozzi) dans ses Conclusions. Dans son arrêt C-154/11 du 19 juillet 2012 (question préjudicielle), la Granche Chambre de la Cour de l'UE a conclu qu'un Etat tiers (l'Algérie) ne peut valablement opposer son immunité de juridiction contre le recours formé par l'encien employé (chauffeur) de son ambassade située en Allemagne. La Cour se fonde sur les fonctions de l'ancien employé: ces fonctions ne relevaient pas d'actes de souveraineté qualifiés d' exercice de la puissance publique (iure imperii).

 

Dans cette affaire il n'était pas question du droit du travail de l'UE, mais plutôt de l'applciation des règles de droti international prové de l'UE au licenciement (en 2007) de l'employé de l'ambassade. Plus précisément, la question qui se posait était celle de savoir si l'ambassade pouvait être qualifiée d'"agence", de "succursale", ou de "tout autre établissement" au sens du Règlement n° 44/2001 du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale. La Cour conclut que l'ambassade peut être qualifiée d'établissement . Dans cette note nous nous concentrerons plus davantage sur le principe de l'immunité de juridiction des Etats que sur sur les règles de droit international privé du droit de l'UE.

Nous verrons ci-dessous que la Grande Chambre a retenu la théorie de l'immunité de juridiction relative (I), relevé les limites du droit international qu'elle se doit de respecter, fait référence au droit de la Convention Européenne des Droits de l'Homme telle qu'interprétée par la Cour Européenne des Droits de l'Homme (CEDH) (II), et nous verrons enfin comment la Cour de l'UE a qualifié l'ambassade algérienne d'établissement, qualification entraînant l'application du règlement de l'UE (III).

 

I. La Cour de l'UE retient la théorie de l'immunité de juridiction relative

Dancs cette note nous renverrons régulièrement aux Conclusions de l'Avocat Général qui sont beaucoup plus développées que l'arrêt de la Cour et permettent de bien comprendre cet arrêt. Nous mentionnerons quand la Cour a suivi ou n'a pas suivi l'Avocat Général (rappel: la Cour n'est pas tenue par les Conclusions de l'Avocat Général).

Comme le relève l'Avocat Général, "la question se pose de savoir si, oui ou non, dans le cadre d’un litige donné tel que celui au principal, la problématique relative à la jouissance par l’État partie audit litige de l’immunité de juridiction – problématique qui sera examinée à la lumière de la pratique internationale que je vais immédiatement présenter – a la capacité d’influencer la solution des problèmes soulevés dans le cadre du présent renvoi préjudiciel relatifs à l’interprétation du règlement n° 44/2001" (p. 17 des Conclusions).

En matière d'immunité de juridiction, deux visions s'opposent: la théorie de l'immunité de juridiction absolue et l'immunité de juridiction relative. Quant à la question de savoir quelle théorie est retenue par le droit international, l'Avocat Général soutient que le droit international public n'apporte pas de réponse claire. Le droit international public serait "incertain" (p. 19). Nous reviendrons plus en détail sur le point dans la section suivante.

 

L'Avocat Général (suivi par la Cour) retient la théorie de l'immunité de juridiction relative. Il se fonde sur les évolutions du droit international et du droit du Conseil de l'Europe (CEDH). Il explique ces évolutions comme suit (p. 22):

"Cette nouvelle relativité s’explique par le pouvoir exorbitant de l’immunité de juridiction qui annihile toute action en justice et constitue l’incarnation institutionnalisée du déni de justice."

La Cour applique donc la théorie de l'immunité de juridiction relative en matière de licenciement et distingue les actes de souveraineté iure gestionis (l'immunité ne peut être invoquée) des actes de souveraineté iure imperii (l'immunité peut être invoquée) au p. 55:

"comme le relève M. l’avocat général (...), en l’état actuel de la pratique internationale, cette immunité n’a pas une valeur absolue, mais elle est généralement reconnue lorsque le litige concerne des actes de souveraineté accomplis iure imperii. Elle peut être, en revanche, exclue si le recours juridictionnel porte sur des actes accomplis iure gestionis, lesquels ne relèvent pas de la puissance publique."

 

Au terme de l'application de la théorie de l'immunité relative à l'espèce, la Cour conclut que les actes de souveraineté en cause relèvent d'actes de iure gestionis. Partant, l'immnuité de juridiction invoquée par l'Algérie ne peut être valablement invoquée et faire obstacle à la possible application du règlement de l'UE (la qualification d'ambassade en tant qu'"établissement" est davantage développé dans la troisième et dernière section):

"56      Dès lors, au vu du contenu dudit principe de droit international coutumier sur l’immunité juridictionnelle des États, il y a lieu de considérer qu’il ne s’oppose pas à l’application du règlement n° 44/2001 dans un litige, tel que celui au principal, par lequel un travailleur demande le versement d’indemnités et conteste la résiliation du contrat de travail qu’il a conclu avec un État, lorsque la juridiction saisie constate que les fonctions exercées par ce travailleur ne relèvent pas de l’exercice de la puissance publique ou lorsque l’action judiciaire ne risque pas d’interférer avec les intérêts de l’État en matière de sécurité. Sur la base de cette constatation, la juridiction saisie d’un litige tel que celui au principal peut également considérer que ce litige entre dans le champ d’application matériel du règlement n° 44/2001.

57.  Il ressort de ce qui précède qu’il y a lieu de répondre à la première question que l’article 18, paragraphe 2, du règlement n° 44/2001 doit être interprété en ce sens qu’une ambassade d’un État tiers située sur le territoire d’un État membre constitue un «établissement» au sens de cette disposition, dans un litige relatif à un contrat de travail conclu par celle-ci au nom de l’État accréditant, lorsque les fonctions accomplies par le travailleur ne relèvent pas de l’exercice de la puissance publique. Il appartient à la juridiction nationale saisie de déterminer la nature exacte des fonctions exercées par le travailleur."

 

II. La Cour rappelle que l'UE doit respecter le droit international, l'Avocat Général en relèle les limites

De jurisprudente constante, le droit de l'UE doit respecter le droit international (y-compris le droit international coutumier). Plus précisément, les normes de droit dérivé de l'UE (directives, règlements) doivent être interprétées à la lumière du droit international. C'est le cas en l'espèce: il s'agit du règlement n° 44/2001. L'Avocat Général et la Cour se sont donc penchés sur le droit international régissant la matière des immunités de juridiction.

Le fondement de l'immunité de juridiction en droit international

La Cour fait référence à la Convention  de Vienne sur les relations diplomatiques, conclue à Vienne le 18 avril 1961 (article 3§1): 

«Les fonctions d’une mission diplomatique consistent notamment à:

a)       Représenter l’État accréditant auprès de l’État accréditaire;

b)       Protéger dans l’État accréditaire les intérêts de l’État accréditant et de ses ressortissants, dans les limites admises par le droit international;

c)       Négocier avec le gouvernement de l’État accréditaire;

d)       S’informer par tous les moyens licites des conditions et de l’évolution des événements dans l’État accréditaire et faire rapport à ce sujet au gouvernement de l’État accréditant;

e)       Promouvoir des relations amicales et développer les relations économiques, culturelles et scientifiques entre l’État accréditant et l’État accréditaire.»

 

De son côté, l'Avocat Général ne fait pas référence à la Convention de Vienne mais à la Convention du Conseil de l'Europe sur l'immunité des Etats du 16 mai 1972

"Article 5

 

  1. Un Etat contractant ne peut invoquer l'immunité de juridiction devant un tribunal d'un autre Etat contractant si la procédure a trait à un contrat de travail conclu entre l'Etat et une personne physique, lorsque le travail doit être accompli sur le territoire de l'Etat du for.
  2. Le paragraphe 1 ne s'applique pas:
    1. lorsque la personne physique a la nationalité de l'Etat employeur au moment de l'introduction de l'instance;
    2. lorsqu'au moment de la conclusion du contrat, elle n'avait pas la nationalité de l'Etat du for, ni n'avait sa résidence habituelle sur le territoire de cet Etat; ou
    3. lorsque les parties au contrat en sont convenues autrement par écrit, à moins que, selon la loi de l'Etat du for, seuls les tribunaux de cet Etat ne soient compétents à raison de la matière.
  3. Lorsque le travail est exécuté pour un bureau, une agence ou un autre établissement visés à l'article 7, les dispositions du paragraphe 2, lettres a et b, du présent article ne sont applicables que si la personne avec laquelle le contrat a été conclu avait sa résidence habituelle sur le territoire de l'Etat employeur au moment de la conclusion du contrat."

 

 

et à la Convention des Nations Unies (Convention de New York) sur les immunités juridictionnelles des États et de leurs biens ouverte à la signature depuis le 17 janvier 2005.

 

"Article 11 Contrats de travail

1. À moins que les États concernés n’en conviennent autrement, un État ne peut invoquer l’immunité de juridiction devant un tribunal d’un autre État, compétent en l’espèce, dans une procédure se rapportant à un contrat de travail entre l’État et une personne physique pour un travail accompli ou devant être accompli, en totalité ou en partie, sur le territoire de cet autre État.

2. Le paragraphe 1 ne s’applique pas :

a) Si l’employé a été engagé pour s’acquitter de fonctions particulières dans l’exercice de la puissance publique ;

b) Si l’employé est :

i) Agent diplomatique, tel que défini dans la Convention de Vienne sur les

relations diplomatiques de 1961 ;

ii) Fonctionnaire consulaire, tel que défini dans la Convention de Vienne sur les relations consulaires de 1963 ;

iii) Membre du personnel diplomatique d’une mission permanente auprès d’une organisation internationale, ou d’une mission spéciale, ou s’il est engagé pour représenter un État lors d’une conférence internationale ; ou

iv) S’il s’agit de toute autre personne jouissant de l’immunité diplomatique ;

c) Si l’action a pour objet l’engagement, le renouvellement de l’engagement ou la réintégration d’un candidat ;

d) Si l’action a pour objet le licenciement ou la résiliation du contrat d’un employé et si, de l’avis du chef de l’État, du chef du gouvernement ou du Ministre des affaires étrangères de l’État employeur, cette action risque d’interférer avec les intérêts de l’État en matière de sécurité ;

e) Si l’employé est ressortissant de l’État employeur au moment où l’action est engagée, à moins qu’il n’ait sa résidence permanente dans l’État du for ; ou

f) Si l’employé et l’État employeur en sont convenus autrement par écrit, sous réserve de considérations d’ordre public conférant aux tribunaux de l’État du for juridiction exclusive en raison de l’objet de l’action."

L'Avocat Général relève que ces deux Conventions de sont pas entrées en vigueur. 

 

De plus, l'interprétation du principe de l'immunité de juridiction des Etats quant aux contrats de travail au niveau national est divergente selon l'Avocat Général (p. 23):

"Cela étant, force est également de reconnaître qu’aucune théorie de l’immunité relative de juridiction des États ne se dégage véritablement. Pour revenir à l’État employeur, les solutions nationales sont très diverses et les juridictions nationales font prévaloir tantôt la nature des fonctions exercées, tantôt le but desdites fonctions, tantôt la nature du contrat. Parfois, ces critères doivent être remplis de manière cumulative pour que l’immunité soit levée. La question de l’immunité peut, en outre, être envisagée de manière différente selon qu’il s’agit d’une contestation portant sur le recrutement, le licenciement ou l’exercice même des fonctions."

Statut du principe: valeur coutumière

S'agissant du statut juridique du principe, la Cour n'a pas suivi l'Avocat Général et a reconnu au principe de l'immunité de juridiction des Etats une valeur coutumière en droit international.

En effet, la Cour reconnaît au principe le statut de règle coutumière:

"À cet égard, il y a lieu de relever que des principes de droit international généralement reconnus en matière d’immunité juridictionnelle excluent qu’un État puisse être attrait en justice devant la juridiction d’un autre État dans un litige tel que celui au principal. Une telle immunité de juridiction des États se trouve consacrée dans le droit international et se fonde sur le principe par in parem non habet imperium, un État ne pouvant être soumis à la juridiction d’un autre État" (p. 54)

"Dès lors, au vu du contenu dudit principe de droit international coutumier sur l’immunité juridictionnelle des États (...)" (p. 56).

La Cour n'a pas suivi l'Avocat Général qui doutait que le principe de l'immunité de juridiction ait acquis en droit international le statut de règle coutumière (p. 24):

"Ces divergences nationales sont à ce point prononcées que toute codification au niveau international, d’une part, est très difficile à opérer (9) et, d’autre part, peut même faire douter de la véritable existence, au-delà d’une incontestable tendance, d’une règle de droit international coutumier en la matière."

 

L'Avocat Général se réfère à la CEDH au soutien de la théorie de l'immunité relative de juridiction

La Cour de l'UE ne le fait pas mais l'Avocat Général se réfère dans ses Conclusions à la jurisprudence de la CEDH. Cette jurisprudence semble abonder et soutenir la théorie de l'immunité de juridiction relative en matière de licenciements (voir  entre autres les arrêts Fogarty c. Royaume Uni du 21 novembre 2001, Cudak c. Lituaie du 23 mars 2012, et Sabeh El Leil c. France du 29 juin 2011).

Bien que l'Avocat Général se réfère à la jurisprudence de la CEDH pour soutenir le choix de la théorie relative de l'immunité de juridiction, il convient de relever que cette jurisprudence diffère pourtant quant au statut du principe de l'immunité: alors que (comme vu plus haut) l'Avocat Général doute que le principe de l'immunité de juridiction relative ait acquis le statut de règle de droit de valeur coutumière, la CEDH reconnaît ce statut au principe d'immunité de juridiction relative (l'Avocat le relève d'ailleurs lui-même) . Voir par exemple de façon très claire l'arrêt Sabeh El Leil c. France du 29 juin 2011 (p.11):

 

"L’immunité de juridiction des Etats est régie par le droit international coutumier, dont la codification a été réalisée par la Convention des Nations Unies du 2 décembre 2004 sur l’immunité juridictionnelle des Etats et de leurs biens(« Convention de 2004 »). Elle repose sur la distinction entre acte de souveraineté ou d’autorité (acte jure imperii) et acte de commerce ou de gestion (acte jure gestionis)."

Ainsi, la jurisprudence de la CEDH s'accode avec la jurisprudence de la Cour de l'UE: le principe d'immunité relative de de juridiction a acquis valeur coutumière, contrairement a ce que semble soutenir l'Avocat Général.

Au passage, on peut relever que la CEDH ne s'embarasse pas de ce que la Convention de nEw-York ne soit pas entrée en vigueur. Ce que critique l'Avocat Général:

"(La CEDH a affirmé) que l’article 11 de la convention – non ratifiée – de New York qui prévoit, en son paragraphe 1, le principe selon lequel «un État ne peut invoquer l’immunité de juridiction devant un tribunal d’un autre État compétent en l’espèce, dans une procédure se rapportant à un contrat de travail entre l’État et une personne physique pour un travail accompli ou devant être accompli, en totalité ou en partie, sur le territoire de cet autre État» a force contraignante dans la mesure où, toujours d’après la Cour européenne des droits de l’homme, il refléterait le droit international coutumier. Le caractère non contraignant de la convention elle-même a été surmonté par la Cour européenne des droits de l’homme, à chaque fois, en considérant que les États défendeurs n’avaient pas, au moment de l’élaboration dudit article 11, formulé d’objections particulières et ne s’étaient pas davantage opposés à la convention de New York. Cette série d’affirmations n’est pas sans soulever cependant quelques interrogations. Les divergences nationales que j’ai évoquées plus haut pourraient d’ailleurs plaider pour un point de vue plus nuancé."

Si l'on peut comprendre l'étonnement de l'Avocat Général, il est bon de garder à l'esprit que la CEDH se fonde très réglièrement sur les règles de droit international dans ses arrêts. Les règles de droit international coutumier ne font pas exception. 

III. Dimension internationale du Règlement n°44/2001 et l'ambassade "établissement"

La Cour relève que le Règlement a vocation à harmoniser "les règles de compétence des États membres et cela tant pour des litiges internes à l’Union, que pour ceux comportant un élément d’extranéité, dans l’objectif d’éliminer les obstacles au fonctionnement du marché intérieur pouvant découler des disparités des législations nationales existantes en la matière" (p. 39).

restait alors à déterminer si l'ambassade algérienne en Allemagne pouvait être qualifiée en l'espèce d'"agence", de "succursale" ou de "tout autre établissement".

La Cour relève tout d'abord que ces notions doivent être interprétées de façon autonome (c'est à dire indépendamment des interprétations nationales): l'objectif est en effet que l'interprétation "soit commune à l'ensemble des Etats" (p. 42).

La Cour applique une méthode d'interprétation téléologique. L'objectif du Règlement est de protéger la partie la plus faible (ici l'employé): une protection adéquate du travailleur doit être assurée. 

La Cour rappelle les deux critères appliqués dans l'interprétation des notions d'"agence", "succursale" ou "tout autre établissement" (p. 48):

 

- La notion de «succursale», d’«agence» et de «tout autre établissement» suppose l’existence d’un centre d’opérations qui se manifeste d’une façon durable vers l’extérieur, comme le prolongement d’une maison mère. Ce centre doit être pourvu d’une direction et être matériellement équipé de façon à pouvoir négocier avec des tiers qui sont ainsi dispensés de s’adresser directement à la maison mère

- Le litige doit concerner soit des actes relatifs à l’exploitation de ces entités, soit des engagements pris par celles-ci au nom de la maison mère, lorsque ces derniers doivent être exécutés dans l’État où elles sont situées 

La Cour applique ces critères à l'ambassade algérienne en Allemagne. Elle met alors en exergue, bien que "les fonctions d’une ambassade, comme il ressort de l’article 3 de la convention de Vienne sur les relations diplomatiques, consistent essentiellement à représenter l’État accréditant, à protéger les intérêts de celui-ci ainsi qu’à promouvoir les relations avec l’État accréditaire" (p. 49), "(d)ans l’exercice de ces fonctions, l’ambassade, comme toute autre entité publique, peut agir iure gestionis et devenir titulaire de droits et d’obligations à caractère civil, à la suite notamment de la conclusion de contrats de droit privé. Tel est le cas lorsqu’elle conclut des contrats de travail avec des personnes qui n’accomplissent pas de fonctions relevant de l’exercice de la puissance publique" (p. 49).

La Cour relève que l'ambassade peut être "assimilée à un centre d’opérations qui se manifeste d’une façon durable vers l’extérieur et qui contribue à l’identification et à la représentation de l’État dont elle émane" (p. 50) et que "l’objet du litige au principal, à savoir une contestation dans le domaine des relations de travail, présente un lien suffisant avec le fonctionnement de l’ambassade en cause en ce qui concerne la gestion de son personnel" (p. 51).

 

Partant, "s’agissant des contrats de travail conclus par une ambassade au nom de l’État, celle-ci constitue un «établissement» au sens de l’article 18, paragraphe 2, du règlement n° 44/2001, lorsque les fonctions des travailleurs avec lesquels elle a conclu ces contrats se rattachent à l’activité de gestion accomplie par l’ambassade dans l’État accréditaire" (p. 52).

Dès lors, la Cour a conclu à  l'application du droit de l'UE (Règlement n°44/2001) à l'ambassade d'un Etat non membre de l'UE  (et donc hors du champ d'application du Règlement) située sur le territoire d'un Etat membre de l'UE.

 

Conclusion

Cet arrêt se situe dans le prolongement des arrêts, entre autres, C-366/10 du 21 décembre 2011 (note Sentinelle) et C-347/10 du 17 janvier 2012 (note Sentinelle).

Dans ces arrêts les juridictions de l'UE ont eu à se prononcer sur m'applciation du droit de l'UE à des zones qui relèvent du droit international (arrêt C-366/10, haute mer) ou de la compétence limitée des Etats membres et encadrée par le droit international (C-347/10 plateau continental). Dans ces arrêts, la Cour de l'UE a conclu à la validité (C-366/10) et à l'application du droit de l'UE (C-347/10). 

Cette question du champ d'application du droit de l'UE se double de la question de l'interprétation et de l'application du droit international. Tout comme dans l'affaire C-366/10, la Cour de l'UE s'est reconnue la compétence de "dire le droit international". Dans ces deux affaires la Cour s'est plus particulièrement attachée au droit international coutumier. Dans l'arrêt qui fait l'objet de cette note la Cour a reconnu la valeur coutumière du principe d'immunité de juridiction relative.Mais, comme nous l'avons vu, cette reconnaissance ne va pas de soi: l'Avocat Général ne reconnaissait pas cette valeur.

L'aspect de cet arrêt qui a été majoritairement traité dans cette note est celui du principe de l'immunité de juridiction des Etats. La Cour de l'UE a retenu lal conception relative de ce principe et en a écarté l'applciation à l'espèce: l'employé licencié n'exerçait pas de fonctions qui puissent être assimiliées à des actes de souveraineté de jure imperii. 

L'Etat employeur tout comme l'Etat commerçant (les mots sont de l'Avocat Général) ne peuvent donc, selon la Cour, valablement invoquer l'immunité de juridiction de manière absolue.

Ce qui était en jeu était la tension entre d'une part le principe selon lequel un Etat ne peut être attrait devant les juridictions d'un autre Etat, et d'autre part la protection juridictionnels du requérant. 

Il convient de relever que l'immunité en cause dans cette affaire est l'immunité de juridiction (c'est à dire une question de compétence) et non pas l'immunité d'exécution (c'est à dire la potentielle contrainte administrative ou juridictionnelle à l'issue du jugement devant les tribunaux allemands). La question et l'application de l'immunité d'exécution reste donc entière. 

 

Arrêt du 3 février 2012, Immunités juridictionnelles de l'Etat (Allemagne c. Italie; Grèce (Intervenant). Metou Brusil Miranda

 

M. Dominique Strauss Kahn bénéficiait apparemment de l'immunité de juridiction au moment de son arrestation. Weckel Philippe

Perquisition au domicile du juge roumain. Immunités des juges de la Cour européenne des droits de l’homme.  Gabard Valérie

 

- CPI/ Soudan : L’inviolabilité, frein à une coopération effective ? Ndiaye Sidy Alpha

- ITER : projet de loi autorisant l’accord de siege avec la France. Florina Costica

 

- CJCE : Affaires Yassin Abdullah Kadi et Al Barakaat International Foundation / Conseil et Commission (3 septembre 2008). Anne RAINAUD

- Cour de cassation, Chambre sociale, Arrêt du 25 janvier 2005. Banque africaine de développement. Refus de l'immunité en l'absence de voie de recours international. Philippe Weckel

Bulletin numéro 314