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Soumis par Tavernier Julie le 15 July 2012

 

Le mois de juin 2012 aura été synonyme d’un renouvellement d’une ampleur significative des juges des Cours européenne et interaméricaine des droits de l’homme. En effet, trois des sept sièges de juges à San José ont été renouvelés, ainsi que cinq des quarante-sept à Strasbourg.

A l’occasion de la 42ème Assemblée générale de l’Organisation des Etats américains, qui s’est tenue du 3 au 5 juin 2012 à Cochabamba (Bolivie), les 24 Etats parties à la Convention américaine des droits de l’homme ont procédé à l’élection de trois juges à la Cour interaméricaine des droits de l’homme. Les récents élus, Eduardo Ferrer Mac-Gregor Poisot (Mexique ; voir son CV), Humberto Sierra Porto (Colombie ; voir son CV) et Roberto de Figueiredo Caldas (Brésil, voir son CV), siégeront pour la période 2013-2018. Ces élections pourvoient au remplacement des sièges de Leonardo Alberto Franco (Argentine) dont le second mandat arrive à échéance, de Rhadys Abreu Blondet (République dominicaine) et de Margarette May Macaulay (Jamaïque), dont le premier mandat respectif s’achèvera à la fin de l’année 2012. Ces deux dernières figuraient parmi les cinq candidats en lice mais n’ont pas été réélues.

Eduardo Ferrer Mac-Gregor Poisot, élu avec 18 voix, est un universitaire mexicain dont la particularité est d’avoir déjà siégé en tant que juge ad hoc à la Cour interaméricaine (voir Cour IADH, Cabrera García y Montiel Flores c. Mexique, 26 novembre 2010, Serie C, n° 220). Il est le troisième mexicain à intégrer la Cour IADH, après Héctor Fix-Zamudio et Sergio García Ramírez, qui ont tous deux présidé cette juridiction. Humberto Sierra Porto, qui a réuni 15 voix sur son nom est un professeur d’université. Depuis septembre 2004, il est juge à la Cour constitutionnelle de Colombie et présida ce tribunal de 2008 à 2009. Il est notamment connu pour être celui qui a œuvré, en tant que magistrat de la Cour constitutionnelle, à la dépénalisation de l’avortement dans certaines circonstances et à la reconnaissance de certains droits civils en faveur des homosexuels. Le brésilien Roberto de Figueiredo Caldas (19 votes), avocat, a également déjà siégé comme juge ad hoc au sein de la juridiction de San José (voir Cour IADH, Gomes Lund et autres c. Brésil, 24 novembre 2010, Serie C, n° 219).

Côté européen, l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe a pourvu cinq sièges à Strasbourg les 26 et 27 juin, lors de sa session d’été (les CV des candidats sont consultables sur le document de travail sur l’élection des juges). Ont été élus: Helena Jäderblom au titre de la Suède (à la majorité absolue des suffrages exprimés), Johannes Silvis au titre des Pays-Bas, Krzysztof Wojtyczek au titre de la Pologne, Ales Pejchal, au titre de la République tchèque et Paul Mahoney au titre du Royaume-Uni (tous quatre élus à la majorité relative des suffrages exprimés). Ce dernier est un familier du Palais des droits de l’homme pour avoir exercé les fonctions de greffier adjoint (1995-2001) puis de greffier (2001-2005) de la Cour EDH. Ce n’est pas la première fois qu’un membre du greffe est élu juge, l’élection de Mark Villiger avait constitué un précédent accueilli non sans certaines réserves (Voir S. Touzé, « CEDH : Election de Mark Villiger comme juge au titre du Liechtenstein », Bulletin Sentinelle n° 62, 16 avril 2006 : « pour la première fois, c’est un membre du greffe qui est élu juge à la Cour, ce qui n’est pas sans susciter quelques interrogations quant à la compatibilité entre les deux fonctions exercées de façon successive. »). Paul Mahoney n’était pas le favori de cette élection qui semblait acquise à Ben Emmerson, avocat spécialisé en droits de l’homme et rapporteur spécial des Nations-Unies sur le contre-terrorisme et les droits de l’homme. C’était sans compter sur la campagne menée contre lui par conservateurs britanniques, semblerait-il jusque dans les rangs de l’APCE, afin d’empêcher son élection (voir The Guardian, 27 juin 2012 et pour plus de détails sur ce point voir Nicolas Hervieu, « Désignation de cinq nouveaux juges à la Cour européenne des droits de l’homme (et ses péripéties électorales) », Lettre ADL, 28 juin 2012).

Le mandat de la juge suédoise débutera au plus tard trois mois à compter du 26 juin 2012 et ceux des autres nouveaux élus le 1er novembre 2012. La série des élections ne devrait pas s’arrêter là. Deux sièges sont vacants: ceux des juges élus au titre de la République de Moldova et de la Bosnie-Herzégovine. Le renouvellement des sièges russe et croate devrait intervenir prochainement, les mandats des juges actuellement en fonction arrivant à échéance le 31 octobre 2012.

D’autre part, la Cour européenne des droits de l’homme a élu un nouveau vice-président en la personne du juge luxembourgeois Dean Spielmann (voir son CV), qui succèdera à la juge belge Françoise Tulkens, atteinte par la limite d’âge de 70 ans, et une nouvelle présidente de section, la juge lettonne Ineta Ziemele (voir son CV). Tous deux sont élus pour un mandat de trois ans qui débutera le 13 septembre 2012 (voir le communique de presse).

Quelques remarques sur la composition des Cours européenne et interaméricaine

Si l’on peut dire de la composition de la Cour européenne qu’elle est relativement équilibrée et diversifiée, tel n’est pas le cas de celle de la Cour interaméricaine qui se caractérise par une certaine homogénéité. Que l’on regarde le sexe des juges ou leur profil professionnel, cette affirmation n’est pas démentie.

- Représentation des femmes

Si au niveau européen on peut relever la présence (en constante augmentation depuis 1999) d’un nombre significatif de juges de sexe féminin (18 sur 45 à compter de la prise de fonction de la juge suédoise), il est à déplorer que la Cour interaméricaine, à ce jour composée de cinq hommes et deux femmes (non réélues), qui siègera à partir de 2013 sera entièrement masculine. La présence féminine à Strasbourg s’explique largement par le travail de l’APCE qui dès 1999 a fait de la mixité une exigence à respecter en imposant aux Etats, sous peine de voir leur liste de candidats rejetée par l’APCE, de présenter au moins une candidature féminine et, afin de laisser un réel choix à l’APCE, de présenter des candidats valeur équivalente (voir notamment la résolution 1366 (2004) telle qu’amendée par les résolutions 1426 (2005) et 1627 (2008)). Peut-être faut-il regretter que cette exigence n’ait pas été inscrite à l’article 22§1 de la Convention EDH par le biais des amendements introduits par le Protocole n° 14. L’explication avancée tient à la volonté de ne pas minimiser l’exigence première que constitue la compétence des candidats (voir le rapport explicatif du Protocole n° 14).

- Profil des juges

Quant au « profil professionnel » des juges, force est encore une fois de constater que San José ne fait pas dans la diversité, le corps des professeurs d’université étant largement surreprésenté. Des sept juges, six sont issus de cette profession, même si, majoritairement, ils ont également occupé d’autres charges. Au contraire, au niveau européen, une certaine ventilation des sièges entre, notamment, universitaires et magistrats est à souligner. Les cinq élections intervenues en juin à Strasbourg confirment cette analyse. On retrouve en effet parmi les nouveaux arrivants deux magistrats, un universitaire, un avocat et…un ancien greffier.

 

 

S. Touzé, « CEDH : Election de Mark Villiger comme juge au titre du Liechtenstein », Bulletin Sentinelle n° 62, 16 avril 2006 

Bulletin numéro 313