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Soumis par Djimgou Djomen… le 15 July 2012

Le Conseil de Sécurité des Nations Unies vient de décerner une sorte de satisfecit à la justice pénale internationale. Dans une Déclaration rendue publique le 5 juillet 2012 par le Président du Conseil (le colombien Néstor Osorio), les membres de cette instance de l’organisation onusienne « rappellent la contribution que les tribunaux ad hoc, les juridictions mixtes, la Cour pénale internationale et les chambres spécialisées des juridictions nationales apportent à la lutte contre l’impunité des crimes les plus graves touchant la communauté internationale dans son ensemble. »

Ce satisfécit, dans lequel le Conseil de Sécurité prend note, au passage, du dixième anniversaire de la Cour pénale internationale (CPI), intervient dans le contexte du premier jugement de condamnation de la CPI et peut se justifier par un certain nombre de faits judiciaires, tout autant qu’il peut être relativisé par la prise en compte de quelques difficultés de déploiement auxquels fait face la justice pénale internationale.

Le satisfecit apparait à maints égards justifié au regard notamment des résultats obtenus par la justice pénale internationale. En effet, un peu plus de 18 ans après leur création, les tribunaux pénaux internationaux affichent un bilan positif dans une grande mesure. Non seulement ils ont permis la poursuite et la condamnation de nombre d'auteurs des génocides rwandais et ex-yougoslaves, mais aussi, elles ont, dans une grande mesure, contribué au développement d’un droit international pénal plus élaboré; elles ont contribué à développer un corps de jurisprudence pénale internationale et surtout, permis des avancées sur le plan de la théorie juridique en matière pénale. A qui en douterait, il suffirait par exemple de rappeler le développement de la doctrine de l'entreprise criminelle commune née sur le prétoire du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY), dans le cadre de l'affaire Le Procureur c. Radoslav  BrÄ‘anin (Cf. Jugement de la chambre de première instance II (1er  septembre 2004) et Arrêt (du 3 avril 2007) de la Chambre d’appel du TPIY). Ils ont également, au niveau de la procédure, pu développer un véritable code de procédure pénale internationale à travers l’élaboration et la mise en œuvre (au moyen de retouches successives) de leurs règlements de procédure et de preuve. 

Les tribunaux spéciaux ont, quant à eux, permis de mettre dans le champ de la répression internationale, des criminels qui seraient restés impunis autrement, parce que auteurs de crimes susceptibles de tomber dans l'oublie en raison du niveau de violence apparemment faible par comparaison aux crimes de masse commis en ex-Yougoslavie et au Rwanda. Ainsi ont-ils rendu possibles, le jugement (ou à tout le moins l'ouverture d'enquêtes contre) des ennemis du genre humain en Sierra Leone, au Liban, au Cambodge, malgré et selon les cas, l'apparente faible gravité des crimes ou leur passé lointain. 

Dans son déploiement et sa croisade contre l'impunité, la justice pénale internationale a marqué les esprits, faisant bouger des lignes que les immunités souveraines semblaient avoir figé. Grâce à la CPI, aux tribunaux pénaux internationaux et aux tribunaux spéciaux, la fonction officielle (actuelle ou passée) du suspect est désormais sans pertinence devant la poursuite des crimes commis. La justice pénale internationale a ainsi déjà émis deux mandats d’arrêt à l’encontre de chefs d’Etats encore en fonction. En outre, elle reste vigilante à chaque flambée de violence sur la planète, et ouvre des enquêtes sur des situations nationales lorsqu’elle estime que des crimes ont pu y être commis. 

Toutefois, ce satisfecit ne devrait pas masquer les insuffisances de la justice pénale internationale dans la lutte contre l'impunité. Les tribunaux pénaux internationaux sont loin d’avoir accompli toute leurs missions. De nombreux auteurs des génocides rwandais et ex-yougoslave restent hors d’atteinte. Un Mécanisme international chargé d’exercer les fonctions résiduelles des Tribunaux pénaux internationaux a certes été crée (par la résolution 1966 (2010) du 22 décembre 2010 du Conseil de sécurité), mais l’on ne peut s’empêcher de s’interroger sur sa capacité à faire mieux que ses devanciers que sont le TPIY et le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR).

En outre, de pans entiers d'actes répréhensibles échappent encore à la répression. La géographie des origines des personnes poursuivies ne semble pas suffisamment recouper le planisphère du théâtre des forfaits commis contre la conscience universelle. A tort ou à raison, des voix, et pas des moindres, s'élèvent pour dénoncer une fonction de poursuite mâtinée d'un discriminant politique ou géopolitique et surdéterminée par des considérations de puissance. Le fléau de la balance de la justice internationale serait-il donc mal tenu ? Nombre d'Etats, africains notamment, y répondraient par l'affirmative, persuadés qu'ils sont - si l'on en juge par les résolutions prises au sein de l'instance panafricaine - que la justice pénale internationale ne fonctionne que contre les « faibles ». Nemesis, la Déesse grecque de la justice, avait coutume de s'en prendre aux puissants dont la vanité poussait à se vanter de leurs dons au détriment de ceux envers lesquels la nature n'avait pas été généreuse. Il semble, si l'on n'en abuse, que la justice pénale internationale, si elle a contribué à la lutte contre l'impunité, éprouve encore des difficultés à agir, à l'image de Némésis, sans laisser l'impression d'être une justice limitée dans ses capacités de déploiement, et sans souffrir le martyr de la volonté de puissance des Léviathans.

 

 

Observations (Philippe Weckel)

Cette justice internationale qui supplée la carence des autorité nationales s'applique à des personnes pour des faits individuels, non à des nations ou des peuples. De quelle catégorie relève le Président Al Béchir, celle des faibles ou celle des puissants ?

 

 

 

Bulletin numéro 313