La Conférence Rio+20 s’ouvre officiellement le 20 juin prochain au Brésil. Il s’agit de la plus grande conférence de l'ONU jamais réalisée avec plus de 50.000 participants issus aussi bien des gouvernements des différents pays que de la société civile et du secteur industriel. Les premières discussions ont déjà commencé depuis quelques jours en coulisses et on sait que le débat sera difficile : « ça passe ou ça casse » a résumé sans ambages Sha Zukang, secrétaire général du sommet de Rio pour les Nations unies. Gestion de l’environnement, développement durable, accès à l’eau, économie verte : les questions se bousculent, un peu trop sans doute. Après le choc de l’échec de la réunion de Copenhague sur le réchauffement climatique, le pessimisme semble de mise chez les commentateurs. Sentinelle dresse dans ce numéro les enjeux de la première grande Conférence internationale organisée par les Nations Unies en ce troisième millénaire
I. Négociations préliminaires prolongées jusqu'à la dernière minute
Les grandes conférences internationales constituent des moments charnières du droit international public contemporain. Au cours de ces Conférences, les discussions font ressortir avec plus d’acuité la traditionnelle opposition entre le nord et le sud au sujet des nouveaux domaines de droit international. La Conférence Rio+20, qui marquera sans doute une autre phase du développement du droit international public en ce 21e siècle n’échappe pas à ce clivage nord-sud qui dessine depuis longtemps les relations internationales contemporaines. En effet, de nouvelles négociations ministérielles pour le développement durable se sont ouvertes mercredi 13 juin à Rio de Janeiro pour dix jours. Elles se prolongeront jusqu’au sommet officiel des chefs d’États et de gouvernements du 20 au 22 juin, où doit être défini un accord en discussion depuis des mois.
En dépit des phases de négociations et de préparations entre les participants et au sein des groupes de participants à la Conférence RIO+ 20 pour harmoniser leurs positions respectives, un goût d’inachevé semblait encore planer sur le texte du projet de document final qui, sous le beau titre "L'avenir que nous voulons", reste plein de trous et de parenthèses, soulignant les nombreux désaccords entre les pays. Ainsi, le groupe des pays en développement et de la Chine (77+Chine) insiste sur l'idée d'une "responsabilité collective et différenciée" et sur le transfert de technologies, que les Etats-Unis n'acceptent que "volontaire", au nom des droits de propriété intellectuelle. La création d'un fonds du développement durable demandée par les 77+Chine suscite aussi de profonds désaccords. Si l’objectif annoncé était de trouver une série d’accords pour un développement durable, de sérieux doutes planent sur la possibilité d'arriver à un consensus suffisamment ambitieux d'ici le 22 juin.
L’agenda prévoit que les représentants des pays du monde entier consacrent les trois prochains jours à définir un accord en discussion depuis des mois, sachant qu’un tiers seulement des propositions a fait l'objet d'un consensus. Les négociations ministérielles se poursuivront ensuite jusqu'au sommet officiel des chefs d'Etat et de gouvernement du 20 au 22 juin. Les délégations ont cependant exprimé leurs doutes sur la possibilité d'arriver à un consensus au moment où de nombreux gouvernements sont confrontés à la crise économique.
Les derniers pourparlers de début juin sont ainsi marqués par la persistance de profonds désaccords entre pays. Dans le projet de déclaration, 75 paragraphes bénéficiaient d’un accord et 249 marquaient des désaccords non résolus malgré des mois de négociation. Le texte négocié couvre environ 81 pages, avec 97 articles sur les principaux sujets définis par les Nations unies : la gouvernance qui manque d'autonomie et d'autorité, le projet d'"économie verte" et la fixation d'objectifs du développement durable. Une cinquantaine de pages sont aussi consacrées à des pistes d'action sur des angles thématiques : éradication de la pauvreté, eau, énergie, réchauffement climatique, santé, océans, etc. Il reste dans le projet de déclaration finale "beaucoup de paragraphes" entre parenthèses, sur lesquels les dirigeants devront trancher à Rio.
Du côté de la société civile, l’impatience commence à se faire ressentir et des pressions diverses sont exercées sur les gouvernements afin que soient prises en considérations des préoccupations touchant directement les populations. D'ores et déjà, nombre d'ONG s'attendaient à ce qu'on ne parvienne à Rio à aucun accord contraignant, mais seulement à des déclarations de principe. "Nous voulons un document final fort et ambitieux", a insisté cependant M. Figueiredo. A 40 kilomètres de là, la société civile mettait la touche finale à l'organisation du Sommet des peuples, qui ouvrait ses portes le 15 juin 2012, et auquel participera le chef indien brésilien Raoni, qui combat la construction de l'énorme barrage de Belo Monte, en Amazonie. "Je vais demander qu'on nous respecte, nous les indigènes, qu'on respecte nos droits", a déclaré à l'AFP le chef Raoni, qui est âgé de 82 ans. "Je vais demander qu'on ne fasse pas ce barrage pour que l'eau puisse continuer de couler normalement et que les poissons puissent vivre dans les rivières, pour que nous et nos enfants et petits-enfants puissions manger", a-t-il ajouté. Parallèlement, des milliers de militants de la société civile tiendront un sommet des peuples à Rio du 15 au 23 juin, espace de protestations contre le "capitalisme vert" prôné par la conférence officielle. Ces organisations l’accusent de mettre sur pied une autre étape d’accumulation capitaliste. « Nous appelons à un changement de paradigme, à une nouvelle civilisation d’amour pour l’humanité, qui place la dignité et le bien-être des hommes et des femmes au cœur de toute action », interpelle le réseau mondial Caritas, dont le Secours Catholique, qui seront à ce sommet. Ces divergences d’avant Conférence marqueront sans doute les travaux et le document final risque fort bien d’en être profondément entaché.
II. Primauté de l'économie sur l'écologie
Parmi les 26 domaines de discussions envisagés, les plus importants concernent entre autres la sécurité alimentaire, l'énergie et l'eau. Il s’agit en fait de concilier croissance économique et préservation des ressources. La Conférence Rio + 20 survient au moment où les préoccupations économiques et financières ont pris le pas sur les préoccupations purement écologiques.
- Les enjeux concernant la gestion environnementale de la planète augmentent en gravité, notamment le changement climatique et la dégradation de la biodiversité ;
- Les écarts de développement continuent de s’accentuer, entre les pays les plus riches et les plus pauvres et au sein des Etats, avec dans le même temps le décollage des pays émergents ;
-L’Europe est confrontée depuis fin 2011 à une crise économique et financière sans précédent et lutte entre la politique de croissance et la politique d’austérité. En effet, l’Europe fait face à une crise économique qui s'enracine, des gouvernements qui vacillent, des positions politiques divergentes sur la manière de résoudre les problèmes. La crainte d'un échec des négociations sur le développement durable est palpable
- L’Afrique s’est résolument tournée vers l’optique de développement avec une course tous azimuts aux bailleurs de fonds pour assurer son développement industriel et à l’exploitation des ressources naturelles pour relever le niveau de vie de sa population, sans pour autant parvenir à éradiquer les guerres et les tensions politiques.
- Le multilatéralisme est en crise et la capacité de prendre des décisions collectives au plan international a nettement régressé au cours de la dernière décennie.
Dépasser ces difficultés appelle à un sursaut et à la mise en place d’un nouveau processus. D’où l’adoption de la formule « Rio+20 », qui n’a pas vocation à tirer uniquement le bilan des années passées, mais bien plus à pousser la réflexion et l’action sur le chantier que nous devons ouvrir pour réussir « le futur que nous voulons ».
III. Entre bonnes intentions et réalités de terrain
Rio+20 doit aborder deux thèmes : "l'économie verte" et "le cadre institutionnel du développement durable". L’enjeu principal est de réussir à trouver des compromis acceptables pour l’ensemble des États, afin de faire avancer les solutions concrètes aux problématiques de développement durable. Il s’agit de faire converger les gouvernements pour bâtir ensemble le monde de demain. À cela, s’ajoutent des enjeux de calendrier afin que la communauté internationale s’organise sans attendre pour agir en adéquation avec l’urgence décrite par les scientifiques.
A. Deux conceptions difficilement conciliables de l'économie verte
Le débat tournera beaucoup autour de la notion d’économie verte, qui, en gros, se décline selon deux visions, en particulier depuis le début des difficultés économiques en 2008. Pour faire simple, l’une, plus orientée vers l’économie, voit l’environnement comme une opportunité pour de nouveaux marchés, en même temps qu’elle tente d’évaluer le coût à prévoir s’il n’en est pas tenu compte. ( www.uncsd2012.org.)
- D’une part, l’économie de l’environnement (promue notamment par l’OCDE ou le PNUE) dans laquelle l’environnement est un facteur de production économique, pouvant promouvoir des secteurs verts comme les énergies renouvelables, les constructions à haute qualité environnementale mais aussi l’appropriation de plus de terres, de forêts, d’espèces, de gènes… dans une logique d’extension de l’économie marchande au vivant. L’effet attendu est d’en faire un nouveau moteur de croissance.
- D’autre part, il y a l’économie écologique, qui se pose en alternative au modèle économique actuel. Partant du constat des limites des ressources de la planète et de la pression excessive sur l’environnement, l’économie se réaffirme au service d’une société soutenable sur tous les plans : écologique, social, financier et économique, mais aussi démocratique. Ce qui signifie sortir du modèle économique libéral actuel pour renforcer les modes de régulation.
Les délégations buttent encore sur les éléments constitutifs de l’économie verte et les moyens d’en faire l’instrument du développement durable. Quant au cadre institutionnel de ce développement, les discussions portent sur la manière de renforcer le Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE) et de rendre la Commission du développement durable plus apte à répondre aux questions urgentes et émergentes.
D’autres questions se posent : cette économie verte est-elle accessible aux pays en développement ? Seront-ils soutenus pour cela par les pays développés au niveau des technologies et de l’aide publique au développement ? Ou au contraire cette économie verte ne risque-t-elle pas de justifier un protectionnisme à travers des normes exclusives ? Il faut donc clarifier le contenu de ce concept. L’économie verte devrait permettre de :
- revoir les modes de production et de consommation et conduire à se désengager dans les décennies qui viennent des combustibles fossiles (charbon, pétrole et gaz),
- valoriser les énergies renouvelables qui découlent directement ou indirectement du rayonnement solaire et qui sont par nature inépuisables,
- recycler les matières premières minérales et des matériaux,
- rechercher une haute qualité de construction, adaptée aux climats,
- privilégier l’agroforesterie et des agricultures durables,
- promouvoir des modes de vie simples,
- rechercher une alimentation équilibrée avec une part carnée réduite dans les pays les plus riches,
- assurer le retour de la matière organique au sol pour les terres agricoles,
- protéger la biodiversité et les écosystèmes naturels,
- généraliser une écoconception des produits et des services,
- privilégier des circuits courts,
- favoriser une économie circulaire et mixer les fonctions urbaines pour réduire les besoins de déplacements,
- privilégier un tourisme de long séjour pour réduire les déplacements,
- rechercher des modes de production dans le cadre d’une économie sociale et solidaire qui favorise l’intégration des travailleurs et respecte des normes sociales et d’équité dans le partage des richesses,
- privilégier le droit d’usage sur le droit de propriété dans le cadre d’une économie de fonctionnalité,
- mettre en place des outils de planification afin de prendre en compte des objectifs collectifs (dont la réduction des émissions de gaz à effet de serre),
- affecter un prix aux ressources rares et aux polluants,
- mettre en place de nouveaux indicateurs qui rendent compte à la fois de la création de richesses, de la qualité de vie et de l’optimisation de l’utilisation des ressources,
- instaurer des capacités de régulation économique à tous les niveaux afin de faire prévaloir des principes d’intérêt général sur les intérêts particuliers et les règles de concurrence.
Malgré des conceptions diverses de l’économie verte, un point est clair : les relations internationales sont de plus en plus déterminées par une géopolitique des matières premières avec l’augmentation des prix et une croissance forte de la demande. Cette situation ne fera que s’aggraver au fil des années. Ce débat ne sera sûrement pas tranché au cours de la Conférence, on parlera des actions à envisager, dans des domaines précis comme le maintien de la biodiversité, le développement des énergies renouvelables ou l’accès à l’eau potable.
B. Développement durable et gouvernance internationale, la réforme institutionnelle
Au cœur des enjeux de Rio+20 se trouve aussi la désignation ou la création d’une agence susceptible de traiter de l'ensemble des énergies "vertes", de définir et de réguler leur emploi, une nécessité pour les pays "émergents" (comme la Chine ou l'Inde) qui augmentent massivement leur consommation d'énergie. La France cherche activement à mettre en place une Organisation mondiale de l'environnement (OME). Le pari est loin d’être gagné au vu de l'opposition de certains Etats. La nécessité de réformer le cadre institutionnel du développement durable fait consensus. Beaucoup d’Etats constatent que le dialogue entre les trois composantes du développement durable est quasi inexistant, souvent au détriment de l’environnement, et que la Commission du Développement Durable n’a pas suscité l’implication nécessaire au plus haut niveau politique. Cette question entend d’être abordée non seulement au niveau international mais aussi dans ses implications nationales et territoriales. La gouvernance du développement durable devrait s’inscrire dans un triple rôle : politique, normatif et opérationnel. Les principales options en discussion avant la conférence sont :
- la mise en place d’un Conseil de Développement Durable,
- un renforcement du Conseil Economique et Social des Nations Unies (l’ECOSOC),
- la création d’une Organisation Mondiale de l’Environnement (ou d’une Organisation des Nations Unies pour l’Environnement),
- une représentation plus forte de la société civile et des collectivités locales dans les institutions des Nations Unies,
- la définition du mandat d’un Forum ministériel mondial pour l’environnement dans une perspective plus globale de développement durable et
- l’établissement d’un Haut-Commissariat pour les générations futures…
Il va sans dire que le chantier est vaste et que les accords sont difficiles à trouver. Il s’agit d’alternatives comprenant chacune plusieurs solutions juridiques possibles. Néanmoins, il faudra s’assurer que la réforme, quelle que soit l’option choisie, permette plus de cohérence, de transparence, un engagement politique à haut niveau, une réelle participation de la société civile et davantage de présence sur le terrain. Une transformation institutionnelle seule ne garantit pas l’efficacité de l’action. Un renforcement des capacités, des sources de financements, innovantes ou transférées des secteurs néfastes à l’environnement, mais également la mise en place de dispositions administratives et de mise en oeuvre opérationnelle efficace et rapide des programmes et des actions seront indispensables.
- Les issues des négociations reflètent aussi l’état du faible niveau de confiance entre pays et du manque total de vision partagée du futur à construire. Répondre de manière équitable et durable aux besoins alimentaires, énergétiques et sanitaires de l’ensemble des populations tout en préservant l’environnement est possible à condition d’opérer un profond changement. Résoudre ces questions planétaires passe par la reconnaissance préalable et unanime d’une « responsabilité universelle » de tous.
C. Développement durable et démocratie
Classiquement, le développement durable est basé sur trois composantes : économie, environnement et social. Or, cette description est devenue insuffisante dès lors que l’on en appelle à une amélioration des comportements individuels. En fait, dès la Conférence de Rio de 1992, une 4e composante fondamentale du développement durable a été reconnue, celle de la démocratie. L’accent mis sur cet aspect résulte de trois constats.
D’abord, aucun accord international sur la gestion de l’environnement ne sera envisageable sans la promesse d’un accès au développement pour les pays les plus pauvres. Ce qui renvoie en fait à la question, centrale, de l’équité. Ensuite, la réduction de la ponction de ressources et de la pression sur l’environnement exige des progrès dans les comportements individuels (d’abord dans les pays riches). Or, ceux-ci ne pourront être durablement obtenus sans un grand effort éducatif et sans une profonde adhésion des personnes. C’est à dire sans une implication directe des populations dans la prise de décision qui déterminent leur vie. Dans ce sens, la Charte de Curitiba de 1992 lançait la réalisation d’Agenda 21, consistant en des programmes d’actions en faveur du développement durable à tous les échelons territoriaux, notamment locaux.
Enfin, la résolution des défis environnementaux ne pourra réussir sans la mise en place d’instances de décision au plan international, permettant que les engagements pris par les pays soient effectivement mis en oeuvre. Sans cela, le doute existant sur la réalité des actions réalisées par les autres pays aura vite raison des motivations de la plupart. L’agenda adopté devra contenir cette question déterminante du respect des engagements pris et donc de possibilités de sanctions proportionnées au plan international.
D. Quel modèle de développement ?
Les enjeux exigent une prise en charge à la fois par la communauté internationale et par les territoires. Ces derniers auront un rôle crucial à jouer en termes d’éducation, de formation continue, de renforcement de capacités et surtout de fonctionnement démocratique.
Ainsi, l’humanité a trois rendez-vous, à un horizon de temps semblable, vers 2050 : la fin de la croissance démographique de l’humanité, la nécessité de diviser par deux les émissions de gaz à effet de serre au plan mondial et la confrontation au déclin de certaines ressources. Une nouvelle vision du monde émerge, celle d’une humanité qui va, pendant des siècles et peut-être des millénaires, devoir assurer son développement en trouvant un équilibre avec sa planète, en la protégeant, en résolvant les écarts dramatiques de développement hérités du XXème siècle. Leurs destins sont inexorablement liés. L’humanité devra vivre sur des ressources finies, à épargner et recycler. En outre, la crise financière et économique pointe la nécessité d’une régulation mondiale qui encadre l’économie, renforce les droits sociaux et organise la gestion collective de la planète, ce que l’économie de marché ne peut directement réaliser. Le chantier qui est devant nous est immense. Il implique de faire le meilleur usage possible de nos ressources, de privilégier ce qui est renouvelable tant au niveau des richesses naturelles que de l’énergie renouvelable et ainsi ouvrir le chemin vers un développement durable pour tous, condition évidente de la cohésion sociale et de la paix dans le monde.
1. Fixation des Objectifs de Développement Durable
Un débat a émergé à l’automne 2011 au sein des négociations : celui de la fixation d’Objectifs du Développement Durable (ODD). Ils se situeraient dans la même logique d’engagements tangibles et de suivi des progrès accomplis dans le passage à l’action que les Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD). Début 2012, les ODD suscitaient un consensus de plus en plus large, qui depuis est plus discuté. Car se pose en même temps la question de l’échéance des OMD en 2015, sachant que ceux-ci ne s’appliquent qu’aux pays en développement et que les ODD tendent à élargir cette approche pour le développement durable à tous les pays, y compris les pays développés.
Ils ciblent plusieurs thèmes prioritaires quantifiés, à caractère volontaire et universel, avec échéancier, et appuyé sur des indicateurs qui seront à adopter au niveau national. Si le principe rallie de nombreux pays, leur contenu exact et leurs conditions de mise oeuvre restent à préciser. L’accès aux énergies renouvelables pour tous est un thème fortement mis en avant comme l’un des ODD possibles. Rio peut lancer le processus de leur élaboration et définir le mandat approprié.
2. Caractère transversal du développement durable
Le caractère transversal du développement durable est traduit dans le texte en préparation par 21 thématiques et domaines allant de la santé aux océans, en réaffirmant l’éducation comme enjeu prioritaire au coeur de la coopération internationale ou au contraire en relançant le débat des financements pour les défis climatiques.
Le financement de l’aide est toujours mis en avant, au moins que les pays développés répondent à hauteur des 0,7% de leur PIB, comme ils s’y sont engagés en 2000. Une demande contrebalancée par une explication sur le contexte de crise. Des références, trop faibles, sont faites aux besoins de financements innovants. La place du secteur privé, polémique, est évoquée. L’autre thème majeur de cette section est celui du développement et du transfert de technologies, qui fait largement débat et renvoie à des questions de droits de propriété intellectuelle. Le texte de consensus reconnait les limites du PIB comme indicateur de bien-être et du développement durable. Les Etats décident d’avancer plus loin dans le développement de méthodes de mesure du bien-être social, de la santé et l’identification d’indicateurs de progrès. Rio pourrait lancer un cadre de travail à l’échelle des Nations-Unies.
E. Quelle définition de la gouvernance économique à l'échelle mondiale ?
La vision jusqu’alors diffusée du développement durable revient à faire prendre en charge par les collectivités publiques, les entreprises et les citoyens des obligations nouvelles afin d’assurer un équilibre avec l’environnement et assurer les conditions de développement des générations futures. Cette attente, essentielle, ne comporte pas encore en contrepartie une promesse à la personne, une vision de ce que peut être une vie réussie pour chacun dans ce nouveau contexte. Dès lors, le concept de développement durable peut être perçu comme intellectuel et froid, même s’il est de tous les discours politiques.
Parmi les grands projets à discuter, figure notamment la création d’un fonds de 30 milliards de dollars par an pour financer le développement durable, proposé par le G77 qui regroupe la plupart des pays en développement et la Chine. Le principal négociateur du Brésil pour Rio+20, Luiz Alberto Figueiredo Machado a fait cette annonce en précisant que, selon lui, les économies émergentes ne sont pas disposées à assumer la dette des pays riches en matière de coopération internationale d’où les tensions à craindre au cours du sommet.
Une des propositions les plus ambitieuses est partie des pays latino-américains. Elle consiste à approuver des objectifs de développement durable qui impliquent tous les pays dans des domaines allant de la sécurité alimentaire à l'énergie durable. En parallèle de la conférence se déroule le Sommet des peuples, organisé par 200 organisations écologistes et mouvements sociaux du monde entier. Il s’agira de protester contre le "capitalisme vert" prôné par la conférence officielle. En effet, pour les ONG ce terme est trompeur et dissimule une autre étape d'accumulation capitaliste.
III. Une déclaration sans force obligatoire
Depuis novembre, l’élaboration d’une Déclaration de Rio est en cours de négociation entre les pays dans le cadre des Nations Unies. Elle réaffirme d’abord les principes des sommets antérieurs. Néanmoins, cette conférence ne débouchera pas directement sur de nouveaux accords internationaux ayant force juridique. Cette déclaration proposera des orientations qu’il faudra ensuite concrétiser :
- L’inscription dans la perspective d’une économie verte équitable, de l’éradication de la pauvreté dans un cadre de développement durable ;
- Le renforcement du cadre de gouvernance du développement durable au sein des nations Unies ;
- Le renforcement de la mise en oeuvre des Objectifs du Millénaire pour le Développement et la préparation de nouveaux objectifs pour après 2015 ;
- L’élaboration d’Objectifs de Développement Durable qui devraient concerner tous les pays dans le cadre d’un processus à convenir. Il s’agira là d’orientations dont la mise en oeuvre s’inscrit dans un cadre d’engagements volontaires des pays. Ceux-ci pourront être consignés dans un registre.
-La définition d’une feuille de route : La déclaration adoptée aura besoin d’être renforcé par une feuille de route Rio+20 fixant des processus et des étapes.
IV. De nombreuses attentes exprimées
Pour la Présidente brésilienne Dilma Rousseff à Rio+20, "nous aurons une mission difficile qui sera de proposer un nouveau modèle de croissance qui ne semble pas trop fumeux ou fantaisiste. Nous devons faire des propositions en tenant compte du fait que des millions et des millions de personnes n'ont pas accès à des conditions minimum de vie". Pour elle, le but de ce sommet mondial est ainsi "de formuler un plan de croissance durable grâce auquel le monde sera meilleur si nous respectons l'environnement, si nous sortons les gens de la misère et arrivons à nous développer".
De son côté, Brice Lalonde, ancien ministre français de l'environnement, estime que "les gouvernements se débattent dans leurs crises, les yeux rivés sur l'immédiat, alors que Rio+20 les invite à dessiner sereinement un avenir pour le monde". S’il admet que faire les deux est difficile, il estime que "c'est en principe le rôle des chefs d'Etat". Il souligne par ailleurs, qu’"à Rio+20, la famille des nations doit baliser le chemin vers des objectifs universels de développement durable pour l'humanité, tout en maintenant, voire accentuant, ses efforts pour éliminer la misère. Ce serait une nouvelle étape pour les Nations unies d'organiser l'action commune, plus que le simple face à face entre pays développés et pays en développement".
Pour Manish Bapna, du groupe américain World Resources Institute, "le monde a profondément changé au cours des 20 dernières années, avec une classe moyenne en expansion : nous consommons plus, nous utilisons plus d'énergie, nous faisons peser plus de pression sur les ressources naturelles. La pauvreté est en déclin, mais l'inégalité est en hausse. Rio est une occasion de mettre le développement durable au centre de l'agenda politique et économique".
Le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, a souligné qu'il "restait encore beaucoup à faire" pour réussir le sommet de Rio+20. Il a ainsi invité les dirigeants mondiaux à en faire "une priorité personnelle. Cette conférence Rio+20 devra permettre d’"inventer un nouveau modèle [qui permette la croissance et l'inclusion sociale] un modèle plus respectueux des ressources limitées de notre planète", a expliqué Ban Ki-moon. Celui-ci a en effet rappelé que le sommet devait favoriser l'émergence d'une "économie verte" et définir de nouveaux "objectifs du développement durable".
Troisième cycle informel des négociations préalables à la Conférence des Nations Unies sur le développement durable Rio+20 (CADENA GARCIA Felipe)