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Soumis par Weckel Philippe le 17 June 2012

Lors d'une réunion de la Conférence du désarmement à Vienne le 5 juin dernier, l'Union européenne a présenté la dernière mouture de son projet de code de conduite international sur les activités dans l'espace. La Conférence examinait la question de la prévention d'une course aux armements dans l'espace. Néanmoins le projet européen n'est pas une version "molle" du projet de traité anti-armes dans l'espace. Il ne concerne pas directement le désarmement. D'ailleurs, les négociations sur ce texte seront engagées lors d'une réunion spéciale ouverte à la participation de tous les Etats qui se tiendra en octobre 2012, le but étant de parvenir à une adoption du code en 2013 (communiqué de presse de l'UE). Son objet n'est pas de renforcer la paix et la sécurité internationales, mais d'assurer la sécurité et la sûreté des activités spatiales. L'incidence du Code sur les relations pacifiques devrait être réel, mais seulement indirect, dans la mesure où, en développant la transparence, il pourrait améliorer le climat de ces activités, voire prévenir certains malentendus dans les rapports entre les Etats. 

Le représentant de la France à la réunion de Vienne a observé que

"Les usages de l’espace et les technologies spatiales sont de nature duale. De même, les problèmes que nous avons à résoudre ne sont pas seulement d’ordre militaire. Ainsi, l’augmentation du nombre d’acteurs et le fort développement des activités dans l’espace font encourir des risques à la sécurité des objets qui y sont placés et l’une des toutes premières menaces contre les activités spatiales est ainsi la multiplication des débris d’objets spatiaux. Les problèmes auxquels nous avons à faire face sont des problèmes de sécurité entendue dans son sens le plus large, rendant nécessaire des réponses englobant les aspects civil et militaire" (lien).

Il est important par conséquent de clarifier l'objet de l'iniative européenne.

Le développement des activités humaines dans l'orbite terrestre impose la coopération de tous les Etats pour résoudre deux problèmes qui deviendront critiques dans un avenir prévisible.

D'une part, l'installation d'armes dans l'espace extra-athmosphérique représente une menace pour les relations pacifiques. Il pourrait s'agir de moyens de destruction de satellites ou d'armes dirigées vers le sol. Dans tous les cas, la course aux armements serait relancée et il appartient donc à la Conférence de désarmement de poursuivre l'adoption d'un traité anti-armes dans l'espace. Le projet de traité présenté par la Russie et la Chine en 2008 sous-estimait certainement la complexité des problèmes et il s'est heurté à une opposition nette des Etats-Unis. En effet, les expériences menées par la Chine ont démontré la capacité de détruire des satellites à partir du sol. De telles armes devraient donc être incluses dans le traité. Par ailleurs, pour que les Etats renoncent aux armes dans l'espace, il est nécessaire qu'ils aient des garanties sérieuses de transparence et de contrôle. Par conséquent, l'élaboration de ce traité est une entreprise de longue haleine. La résolution 65/68 de l'Assemblée générale de l'ONU a relancé ce processus. Elle a, en effet, établi un groupe d'experts sur les mesures de transparence et d'instauration de la confiance pour les activités dans l'espace, dont la première réunion se tiendra au mois de juillet prochain.

Image retirée.

le projet américain de "guerre des étoiles" Nouvelobs images  

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D'autre part, l'orbite terrestre est de plus encombrée d'objets d'origine humaine. De 6O à 100 lancements par an installent jusquà 200 nouveaux objets dans l'espace extra-athomosphérique. L'apparition des microsatellites (par exemble des cubes d'un kilogramme et de 10 centimètres d'arête) pourraît accroître ce nombre dans de fortes proportions. Les satellites sont loin de concurrencer les météorites (100 tonnes de matière minérale extraterrestre serait absorbée par la Terre chaque jour). Néanmoins le danger vient de la conséquence de cette activité humaine, à savoir l'accumulation de débris dans l'orbite terrestre. Il peut s'agir d'épaves de satellites ou de fragments en tous genres. Ils  présentent, sur le plan juridique, la double caractéristique de provenir d'un Etat lanceur et d'avoir échappé à son contrôle. Selon le CNES, 4600 lancements et 200 explosions depuis 1957 ont généré 13 000 objets de plus de 10 cm, 200 000 compris entre 1 et 10 cm et 35 000 000 compris entre 0,1 et 1 cm. Il estime également que "pour les objets d'une taille inférieure à 0.001 cm et d'une taille supérieure à 0.1 cm, la pollution créée par l'Homme est maintenant devenue supérieure à l'environnement naturel dû aux météorites".

Image retirée.

CNE

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On mesure bien le danger de faire de mauvaises rencontres dans la banlieue de la Terre par cette observation du CNES : "une sphère d'aluminium d'un diamètre de 1 mm se déplaçant à une vitesse de 10 km/s perfore une paroi d'aluminium de 4 mm d'épaisseur par exemple. Cette sphère a alors la même énergie cinétique qu'une boule de pétanque lancée à 100km/h". Or les objets d'une taille comprises entre 1 et 10 cm sont trop gros pour qu'un blindage soit efficace et trop petits pour être répertoriés et, donc, évités. Ainsi il n'y a  pas de solution pour prévenir les collisions catastrophiques avec ces débris.

Image retirée.

CNES - impact sur une surface d'un satellite

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La présence même ténue d'une atmosphère ralentit la course de ces objets qui finissent par rentrer sur Terre. La "durée de vie" d'un débris en orbite géostationnaire (36 000 km) est tout de même évaluée en millions d'années (un objet sur l'orbite de la Station spatiale internationale (400 km X 400 km) met de 6 mois à un an).

En conclusion, il faut ralentir l'accumulation des objets d'origine humaine dans l'orbite de la Terre sous peine de compromettre le développement d'activités spatiales dont l'humanité est de plus en plus dépendante. 

Plusieurs agences spatiales nationales ont élaboré des standards destinés à prévenir la prolifération des débris spatiaux. En 1993 elles ont formé un groupe d'agences gouvernementales ayant pour objet l'harmonisation des pratiques. L'IADC (Inter Agency Space Debris Coordination Committee) forme un regroupement non doté de la personnalité juridique de douze agences étatiques (voir son site). 

Des standards communs ont été adoptés par l'IADC en 2002 : Space Debris Mitigation Guidelines IADC-02-01Ce guide a été approuvé en 2007 par le Sous Comité Scientifique et Technique du COPUOS (Committee for Peaceful Uses of Outer Space, organe subsidiaire de l'Assemblée générale de l'ONU, voir).

En 2008, le Conseil de l'Union européenne a franchi un pas supplémentaire en adoptant le Code de Conduite pour les activités menées dans l'espace extra-atmosphérique. Le 27 septembre 2010, il a adopté une version révisée du code européen destinée à servir de modèle à un code international. On remarque que les Etats-Unis, qui sont sur la défensive dans ce domaine, sont demeurés jusque là à l'écart du mouvement de coopération interagences. Ils sont néanmoins sortis de leur réserve en janvier 2012 pour affirmer leur soutien de principe au Code européen. La déclaration de la Secrétaire d'Etat américaine du 17 janvier 2012 exprime clairement la détermination à préserver l'environnement des activités spatiales pour les générations futures, l'adhésion au projet européen et le souci de préserver les intérêts de sécurité des Etats-Unis et de leurs alliés. Cet arbitrage national sur la position des Etat-Unis a ouvert la voie à l'élaboration du code international. Le 29 mai 2012 le Conseil de l'Union européenne a, par une décision PESC (sur la compétence de l'Union, la position britannique), pris des mesures visant à soutenir la proposition de code de conduite international pour les activités menées dans l’espace extra-atmosphérique, présentée par L'Union.

Le Code de conduite a pour objet de favoriser une "utilisation responsable de l'espace", selon l'heureuse formule du représentant canadien. Il repose sur trois principes : la liberté des activités pacifiques dans l'espace, leur sécurité et la légitimité de celles qui sont menées dans un but de sécurité nationale. Le Code ne sera pas la source de nouvelles obligations pour les Etats. Néanmoins le droit de l'espace n'est pas une coquille vide. Les obligations internationales et la responsabilité des Etats ont été fixées par le Traité sur l'espace et la Convention sur la responsabilité pour les dommages causés par le lancement d'engins spatiaux. Plus qu'un guide, le Code de conduite enrichira l'interprétation de ces instruments conventionnels et il ne sera donc pas dépourvu de tout effet de droit.

Bulletin numéro 309