La Conférence internationale du travail a adopté une résolution le 13 juin 2012 mettant fin au régime de sanctions sous lequel était placé le Myanmar en raison de la pratique généralisée de recours au travail forcé constatée dans ce pays. Cette évolution heureuse s'explique principalement par les efforts consentis sur le plan législatif. En effet les dispositions contestées de la loi sur les villes et de la loi sur les villages ont été abrogées cette année et une législation incriminant le travail forcé a été établie. Cette réforme ne met pas fin immédiatement et intégralement à la pratique condamnée. Aussi les décisions prises par la Conférence de l'OIT à l'encontre du Myanmar en 1999 et en 2000 ne sont-elles pas non plus intégralement abrogées : une partie de la Résolution de 2000 est seulement suspendue. Concrètement cette mesure signifie que cet Etat demeure sous surveillance pendant cette phase transitoire de mise en oeuvre de la nouvelle législation.
Le Myanmar bénéficie à nouveau de la coopération technique du BIT et peut être invité à ses réunions. Surtout la décision de la Conférence marque la fin d'une mise à l'index de cet Etat. Les sanctions adoptées en 1999 et en 2000 étaient très limitées. Néanmoins, elles avaient une portée morale particulièrement pesante. Le Myanmar est, en un siècle pratiquement, le premier Etat à avoir fait l'objet de la procédure de sanction prévue par l'article 33 de la Constitution de l'OIT. On relève que la levée des mesures contre cet Etat par la Conférence a coïncidé avec la venue d'Aung San Suu Kyi qui a prononcé à l'OIT un discours qualifié d'historique le 14 juin (Aung San Suu Kyi: Nous avons besoin d’aide et d’investissements pour renforcer la démocratie au Myanmar). On rappelle aussi que l'Union européenne a suspendu le 14 mai les sanctions contre la Birmanie (Burma/Myanmar - EU sanctions suspended) et que les Etats-unis ont levé partiellement les mesures prises contre cet Etat dès février de cette année.
Documents
Résolution concernant les mesures sur la question du Myanmar adoptées en vertu de l’article 33 de la Constitution de l’OIT
La Conférence générale de l’Organisation internationale du Travail, réunie en sa 101e session à Genève en 2012
Prenant note des mesures adoptées par la Conférence pour assurer l’exécution par le Myanmar des recommandations de la commission d’enquête qui avait été chargée d’examiner le respect par le Myanmar de ses obligations aux termes de la convention (nº 29) sur le travail forcé, 1930, à savoir la résolution concernant le recours généralisé au travail forcé au Myanmar, adoptée par la Conférence internationale du Travail à sa 8 e session (juin 1999) («résolution de 1999»), et la résolution relative aux mesures recommandées par le Conseil d’administration au titre de l’article 33 de la Constitution de l’OIT au sujet du Myanmar, adoptée par la Conférence internationale du Travail à sa 88e session (mai-juin 2000) («résolution de 2000»);
Ayant été informée par le bureau du Conseil d’administration, le Bureau international du Travail, des Etats Membres et d’autres organisations internationales des progrès réalisés par le Myanmar pour satisfaire aux recommandations de la commission d’enquête;
Prenant note des conclusions adoptées le 4 juin 2012 par la Commission de l’application des normes à la suite de la discussion qui s’est tenue à sa séance spéciale sur le Myanmar lors de la présente session de la Conférence;
Considérant que maintenir les mesures en vigueur n’aiderait plus à atteindre le résultat souhaité, c’est-à-dire le respect des recommandations de la commission d’enquête;
1. Décide que la restriction imposée à la coopération technique ou à l’assistance du BIT au gouvernement du Myanmar, énoncée au paragraphe 3 b) de la résolution de 1999, soit levée avec effet immédiat pour permettre à l’OIT d’aider le gouvernement, les employeurs et les travailleurs du Myanmar à traiter toute une gamme de questions qui entrent dans le cadre du mandat de l’OIT;
2. Décide que la mesure énoncée au paragraphe 3 c) de la résolution de 1999 soit également levée pour permettre au gouvernement du Myanmar de participer, comme n’importe quel autre Membre, aux réunions, colloques et séminaires organisés par l’OIT, les partenaires sociaux du
Myanmar recevant le même traitement;
3. Considère que le reste de la résolution de 1999 cesse de s’appliquer avec effet immédiat;
4. Suspend la recommandation contenue dans le paragraphe 1 b) de la résolution de 2000 avec effet immédiat pendant une année. Cette recommandation devra être réexaminée en 2013 par la Conférence internationale du Travail à la lumière des informations dont elle disposera sur
l’élimination du travail forcé au Myanmar. Le Conseil d’administration est prié d’inscrire cette question à l’ordre du jour de la 102e session (2013) de la Conférence;
5. Demande au Directeur général de préparer, pour la session de novembre 2012 du Conseil d’administration, un rapport sur les priorités de la coopération technique de l’OIT pour le Myanmar, qui fera état des ressources requises à cet effet. Le rapport doit exposer notamment les progrès
réalisés en ce qui concerne la mise en œuvre de la stratégie conjointe pour l’élimination du travail forcé au Myanmar, la mise en application de la nouvelle législation du travail, y compris la liberté d’association, ainsi que l’impact des investissements étrangers sur des conditions de travail décentes dans le pays;
6. Invite le Conseil d’administration à organiser, à sa session de mars 2013, une discussion en vue de faire toute recommandation qu’il jugera appropriée sur les dispositions à prendre pour l’examen, à la 102e session (2013) de la Conférence, de toutes les questions pertinentes relatives au Myanmar;
7. Demande au Bureau international du Travail de s’attacher d’urgence, en étroite consultation avec le gouvernement et les partenaires sociaux du Myanmar, à identifier les priorités de la coopération technique dans le pays. Cela devrait s’ajouter aux priorités déjà définies concernant la réalisation pleine et effective de la liberté d’association et l’élimination du travail forcé, en particulier au moyen de la mise en œuvre effective de la stratégie conjointe. Il convient de ILC101-PR2-4-2012-06-0143-01-Fr.docx/v.4 2-4/11 noter que le gouvernement a reconnu la nécessité d’une action immédiate en ce qui concerne la stratégie conjointe afin qu’elle soit pleinement appliquée avant la date prévue;
8. Prie instamment les Membres et les organisations internationales de mettre à la disposition du BIT les ressources financières nécessaires pour qu’elle fournisse l’assistance technique dont le Myanmar a besoin pour saisir les opportunités et relever les défis de l’évolution rapide de la situation;
9. Invite le Conseil d’administration et le Bureau international du Travail à prévoir une dotation budgétaire suffisante pour soutenir, de manière stable et à un niveau raisonnable, le bureau de liaison de l’OIT au Myanmar;
10. Demande aux Membres et aux organisations internationales de continuer à suivre de près la situation et à communiquer au Chargé de liaison de l’OIT toute information concernant des cas de travail forcé au Myanmar;
11. Demande à l’OIT de coordonner son action avec le système des Nations Unies et les autres organisations internationales afin d’obtenir leur soutien pour les priorités de l’OIT au Myanmar;
12. Demande au gouvernement du Myanmar de faciliter, par des dispositions appropriées, l’élargissement du champ des activités du Bureau international du Travail au Myanmar;
13. Note que les dispositions des alinéas c), d) et e) du paragraphe 1 de la résolution de 2000 ont cessé de s’appliquer;
14. Invite le Directeur général à communiquer aux organisations internationales visées à
l’article 12, paragraphe 1, de la Constitution le texte de la présente résolution.
Résolution concernant le recours généralisé au travail forcé au Myanmar, adoptée par la Conférence internationale du Travail à sa 87e session (juin 1999)
La Conférence internationale du Travail,
Réaffirmant que tous les Etats Membres ont l’obligation d’appliquer pleinement, dans la législation et dans la pratique, les conventions qu’ils ont volontairement ratifiées;
Rappelant que le Myanmar a ratifié, le 4 mars 1955, la convention (n°29) sur le travail forcé, 1930, et la convention (n°87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948;
Prenant note des dispositions de la résolution 53/162 du 9 décembre 1998 de l’Assemblée générale des Nations Unies et de la résolution 1999/17 du 23 avril 1999 de la Commission des droits de l’homme de l’Organisation des Nations Unies, qui traitent également du recours au travail forcé au Myanmar;
Rappelant la décision du Conseil d’administration d’inscrire à l’ordre du jour de sa session de novembre 1999 une question intitulée: «Mesures, y compris celles recommandées en vertu de l’article 33 de la Constitution de l’OIT, pour assurer l’exécution par le gouvernement du Myanmar des recommandations de la commission d’enquête»;
Vivement préoccupée par le défaut d’observation flagrant et persistant de la convention par le gouvernement, ainsi que l’a établi la commission d’enquête chargée d’examiner l’exécution de la convention (n°29) sur le travail forcé, 1930;
Consternée par la poursuite du recours généralisé au travail forcé, y compris pour des projets d’infrastructure et pour fournir des porteurs à l’armée;
Prenant note du rapport (daté du 21 mai 1999) du Directeur général aux membres du Conseil d’administration sur les mesures prises par le gouvernement du Myanmar pour mettre en œuvre les recommandations formulées par la commission d’enquête dans son rapport «Travail forcé au
Myanmar (Birmanie)»
1. Déplore profondément:
a) que le gouvernement n’ait pas pris les mesures nécessaires pour mettre les textes législatifs pertinents – en particulier la loi sur les villages et la loi sur les villes – en conformité avec la convention (n°29) sur le travail forcé, 1930, au 1er mai 1999, comme l’a recommandé la commission d’enquête;
b) qu’à la fin du XXe siècle, le Conseil d’Etat pour la paix et le développement (SPDC) continue d’imposer la pratique du travail forcé – qui n’est rien d’autre qu’une forme contemporaine d’esclavage – au peuple du Myanmar, en dépit des appels répétés lancés par l’OIT et par la
communauté internationale au cours des trente dernières années;
c) qu’il n’existe aucune preuve crédible de ce que des sanctions aient été prises, en vertu de l’article 374 du Code pénal, contre ceux qui exigent un travail forcé au Myanmar.
2. Réaffirme que cette question devrait de nouveau être examinée par le Conseil d’administration en novembre 1999.
3. Décide:
a) que l’attitude et le comportement du gouvernement du Myanmar sont manifestement incompatibles avec les conditions et les principes régissant l’appartenance à l’Organisation;
b) que le gouvernement du Myanmar devrait cesser de bénéficier de la coopération technique ou de l’assistance de l’OIT, sauf s’il s’agit d’une assistance directe pour l’application immédiate des recommandations de la commission d’enquête, tant qu’il n’aura pas mis en œuvre lesdites recommandations;
c) que le gouvernement du Myanmar ne devrait plus dorénavant recevoir d’invitation à participer à des réunions, colloques ou séminaires organisés par l’OIT, en dehors des réunions ayant pour seul objet d’assurer l’application immédiate et entière desdites recommandations, tant qu’il n’aura pas mis en œuvre les recommandations de la commission d’enquête.
Résolution relative aux mesures recommandées par le Conseil d’administration au titre de l’article 33 de la Constitution de l’OIT au sujet du Myanmar, adoptée par la Conférence internationale du Travail à sa 88e session (juin 2000)
La Conférence générale de l’Organisation internationale du Travail,
Réunie en sa quatre-vingt-huitième session à Genève du 30 mai au 15 juin 2000, Considérant les propositions dont elle est saisie par le Conseil d’administration dans le cadre de la huitième question à son ordre du jour (Compte rendu provisoire n°4) en vue de l’adoption, en application de l’article 33 de la Constitution de l’OIT, de mesures visant à assurer l’exécution des recommandations de la commission d’enquête établie pour examiner le respect par le Myanmar de ses obligations aux termes de la convention (n°29) sur le travail forcé, 1930;
Ayant pris connaissance des éléments additionnels d’information contenus dans le rapport de la Mission de coopération technique du BIT dépêchée à Yangon du 23 au 27 mai 2000 (Compte rendu provisoire n°8) et, en particulier, de la lettre du 27 mai 2000 du ministre du Travail au Directeur général qui en est le résultat;
Considérant que, si cette lettre contient des éléments qui semblent refléter des intentions encourageantes des autorités du Myanmar de prendre des mesures en vue de donner effet aux recommandations de la commission d’enquête, la situation de fait sur laquelle s’est fondé le Conseil d’administration pour formuler ses recommandations n’en demeure pas moins inchangée à ce jour;
Estimant que la Conférence ne saurait, sans manquer à ses responsabilités à l’égard des travailleurs victimes des diverses formes de travail forcé ou obligatoire, renoncer à l’application immédiate des mesures recommandées par le Conseil d’administration, à moins qu’une action prompte et concrète des autorités du Myanmar pour établir le dispositif nécessaire à la mise en œuvre des recommandations de la commission d’enquête donne la garantie qu’il sera porté remède de manière plus rapide, et dans des conditions globalement plus satisfaisantes pour tous, à la situation desdits travailleurs,
1. Approuve, en principe, sous réserve des conditions énoncées au point 2 ci-dessous, les mesures recommandées par le Conseil d’administration, à savoir:
a) décider que la question de la mise en œuvre des recommandations de la commission d’enquête et de l’application de la convention n°29 par le Myanmar fasse l’objet d’une séance spécialement consacrée à cet effet de la Commission de l’application des conventions et recommandations lors des futures sessions de la Conférence internationale du Travail et tant qu’il n’est pas avéré que ce Membre se soit acquitté de ses obligations;
b) recommander à l’ensemble des mandants de l’Organisation, gouvernements, employeurs et travailleurs: i) d’examiner, à la lumière des conclusions de la commission d’enquête, les relations qu’ils peuvent entretenir avec l’Etat Membre concerné et de prendre les mesures appropriées afin que ces relations ne puissent être mises à profit par ledit Membre pour perpétuer ou développer le système de travail forcé ou obligatoire visé par la commission
d’enquête et afin de contribuer dans toute la mesure possible à la mise en œuvre de ses recommandations; ii) de faire rapport au Conseil d’administration de manière et à intervalles appropriés;
c) concernant les organisations internationales, inviter le Directeur général: i) à informer les organisations internationales visées à l’article 12, paragraphe 1, de la Constitution, du manquement constaté; ii) à prier les instances compétentes de ces organisations d’examiner, dans le cadre de leur mandat et à la lumière des conclusions de la commission d’enquête, la coopération qu’elles peuvent entretenir avec le Membre concerné et, le cas échéant, de mettre fin le plus rapidement possible à toute activité qui pourrait avoir pour effet de conforter, directement ou indirectement, le travail forcé ou obligatoire;
d) concernant plus spécifiquement l’Organisation des Nations Unies, inviter le Directeur général à demander l’inscription d’une question à l’ordre du jour de la session de juillet 2001 du Conseil économique et social (ECOSOC), qui concernerait le non-respect par le Myanmar des recommandations contenues dans le rapport de la commission d’enquête et viserait l’adoption de recommandations adressées soit par l’ECOSOC, soit par l’Assemblée générale, soit par les deux, aux gouvernements et aux autres institutions spécialisées et incluant des demandes analogues à celles proposées aux alinéas b) et c) ci-avant;
e) inviter le Directeur général à présenter de manière et à intervalles appropriés un rapport au Conseil d’administration sur les actions entreprises suite aux démarches visées aux alinéas c) et d) précédents et à informer les organisations internationales concernées de tout développement survenu dans la mise en œuvre des recommandations de la commission d’enquête par le Myanmar.
2. Décide que ces mesures prendront effet le 30 novembre 2000 sauf si, avant cette date, le Conseil d’administration a pu se convaincre que les intentions manifestées par le ministre du Travail du Myanmar dans sa lettre du 27 mai se sont traduites en un dispositif d’ensemble législatif, gouvernemental et administratif suffisamment concret et détaillé pour montrer que les recommandations de la commission d’enquête ont été mises en œuvre, et que l’application de l’une ou de plusieurs de ces mesures devienne de ce fait inappropriée.
3. Autorise le Directeur général à répondre positivement à toute demande du Myanmar qui aurait pour seul objet de mettre sur pied, dans les délais voulus, le dispositif évoqué dans les conclusions de la Mission de coopération technique du BIT (points i), ii), et iii), Compte rendu provisoire n°8, p. 8/12), avec l’appui d’une présence durable de l’OIT sur place si le Conseil d’administration confirme que les conditions se trouvent réunies pour qu’une telle présence puisse être réellement utile et efficace.
- Rapport du bureau du Conseil d’administration Français [pdf 365KB]
- Compte rendu provisoire de la conférence : décision, prise par la Conférence internationale du Travail
Article 33 de la Constitution de l'OIT
Si un Membre quelconque ne se conforme pas dans le délai prescrit aux recommandations éventuellement contenues soit dans le rapport de la Commission d'enquête, soit dans la décision de la Cour internationale de Justice, selon le cas, le Conseil d'administration pourra recommander à la Conférence telle mesure qui lui paraîtra opportune pour assurer l'exécution de ces recommandations.
La Convention n°29 sur le travail forcé, 1930
La loi sur les villes et la loi sur les villages
"aux termes de l’article 11 d), lu conjointement avec l’article 8, paragraphe 1 g), n) et o), de la loi sur les villages, ainsi que de l’article 9 b) de la loi sur les villes, du travail ou des services peuvent être imposés à toute personne résidant dans un arrondissement rural ou urbain, c’est-à-dire un travail ou des services pour lesquels l’intéressé ne s’est pas offert de plein gré et que la non-obtempération à une réquisition faite en application de l’article 11 d) de la loi sur les villages ou de l’article 9 b) de la loi sur les villes est passible des sanctions pénales prévues à l’article 12 de la loi sur les villages ou de l’article 9 a) de la loi sur les villes. Ainsi, ces lois prévoient l’imposition d’un «travail forcé ou obligatoire» relevant de la définition de l’article 2, paragraphe 1, de la convention".