Du 4 juin au 11 juin se sont réunies à New-York au siège de l’ONU, les délégations des 162 Etats parties à la convention des Nations-Unies sur le droit de la mer. Cette réunion s’inscrivait cette année dans le cadre particulier des commémorations des trente ans de la signature de cette convention à Montego Bay (Jamaïque).
L’objet de cette réunion était de passer en revue les activités des trois organes établis par la convention : le tribunal international du droit de la mer (annexe VI), la commission des limites du plateau continental (annexe II) et l’autorité internationale des fonds marins (partie XI). Les délégations sont revenues ainsi pendant une semaine sur l’ensemble des dossiers et affaires suivies par ces trois organes, ont procédé aux différentes élections prévues par la convention et envisagé les améliorations à apporter au système afin de développer le cadre de règlement pacifique des différends relatifs au droit de la mer et la coopération entre les Etats pour le développement de la protection des Océans. La conseillère juridique de l’ONU, Mme Patricia O’Brien n’a pas manqué de rappeler que la convention des Nations Unies sur le droit de la mer est « l’un des instruments juridiques les plus importants existant dans les relations internationales du monde moderne » (écouter son intervention).
Cette 22ème réunion avait la particularité, au-delà de la célébration du 30ème anniversaire de la signature de la convention de Montego Bay, de se tenir à quelques semaines de la conférence Rio+20 qui aura lieu du 20 au 22 juin prochain. Lors de cette conférence, les océans occuperont une large partie des débats.
Il ressort de cette réunion et au travers de l’activité présentée par les trois organes établies par la convention, que le droit de la mer a marqué en 30 ans une réelle avancée en droit international pour le développement de la paix et de la sécurité internationale. Cette avancée est due à une très large adhésion de la communauté internationale à cette convention mais aussi aux modes de résolution des différends qui ont été développés et à la confiance des Etats dans l’expertise technique de la commission des limites du plateau continental et de l’autorité internationale des fonds marins.
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Tribunal international du droit de la mer (TIDM)
Le président du TIDM (M. Shunji Yanai, du Japon) a présenté à la réunion des Etats parties le rapport annuel pour 2011 (voir le rapport). Parmi les éléments marquants de cette année, il est à note que le TIDM aura pour la première fois rendu un arrêt relatif à un différend de délimitations maritimes (affaire de la délimitation de la frontière maritime entre le Myanmar et le Bangladesh dans le golfe du Bengale du 14 mars 2012).
Le nombre d’affaires présentées au tribunal a augmenté ces dernières années de manière significative et les domaines d’interventions se sont diversifiés et complexifiés : contentieux des délimitations maritimes, contentieux relatifs aux pêcheries, contentieux relatifs au milieu marin, etc.
Le tribunal a notamment nommé, cette année, trois arbitres dans la procédure arbitrale instituée en vertu de l’annexe VII de la convention pour le règlement du différend existant entre l’ile Maurice et le Royaume-Uni concernant la « zone marine protégée » de l’archipel des Chagos (voir Marie Bourrel, "Archipel des Chagos : le différend relatif à l'aire marine protégée des Chagos et la gouvernance internationale de l'environnement", Bulletin Sentinelle n°305).
Le tribunal doit encore se prononcer dans deux affaires soumises en 2010 et 2011 : l’affaire du navire Louisia (Saint-Vincent-et-les-Grenadines / Royaume d’Espagne) et l’affaire du navire Virginia G (Panama/Guinée-Bissau).
Enfin, le 1er février 2011, la chambre pour le règlement des différends relatifs aux fonds marins du « tribunal de Hambourg » a rendu un avis consultatif à la demande du conseil de l’Autorité internationale des fonds marins sur les responsabilités et obligations des Etats qui patronnent des personnes et entités dans le cadre d’activités menées dans la Zone (voir l'avis).
Une partie de la réunion des Etats parties à la convention de Montego Bay a été consacrée à la question du financement du TIDM. Un budget biennal de 21 239 120 euros a été adopté pour 2013-2014.
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L’autorité internationale des fonds marins (L’Autorité)
L’Autorité est l’organe par lequel « les Etats parties organisent et contrôlent les activités menées dans la zone » (article 157 CNUDM), la zone étant « les fonds marins et leur sous-sol au-delà des limites de la juridiction nationale » (article 1 CNUDM). L’objectif est de mettre en valeur le patrimoine commun de l’humanité que sont les fonds marins en les gérant « de façon méthodique, sûre et rationnelle […] en évitant tout gaspillage » (article 150 CNUDM).
Cette année le constat est le même que pour les deux autres institutions établies par la convention des Nations unies sur le droit de la mer : l’autorité connaît un accroissement substantiel de ses travaux et cela depuis environ trois ans. Elle a ainsi reçu cinq nouvelles demandes pour des explorations à mener dans les océans Indiens, Atlantique et Pacifique. Le secrétaire général de l’autorité a précisé durant cette semaine qu’il s’agissait de deux demandes portant sur des gisements de sulfures polymétalliques et de trois sur des nodules polymétalliques.
Si toutes les demandes sont acceptées par l’Autorité, il y aura 12 contrats d’exploration en 2012 contre 8 en 2010.
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La commission des limites du plateau continental (CLPC)
La CLPC a présenté les travaux effectués lors de la tenue de la 29ème session du mois d’avril dernier (voir le rapport de la 29ème session). Lors de cette session, la CLPC avait notamment adoptée quatre recommandations pour les demandes d’extension du plateau continental faites par la France pour les Antilles françaises et les îles Kerguelen, par le Japon, par les Philippines pour le plateau de Benham, et par la Barbade.
Lors des débats qui ont suivi la présentation des travaux de la commission, il est ressorti que la charge de travail ne cesse d’augmenter allongeant par la même les délais de réponse fournis par la commission. Il apparait de plus en plus nécessaire de trouver une solution d’après les Etats parties à la CNUDM. L’une des solutions évoquées pourrait être l’allongement des sessions de travail de la CLPC.
Lors de cette 22ème réunion, les Etats parties ont voté pour les nouveaux membres de la commission. 19 experts en géologie, géophysique ou hydrographie ont été élus le 6 juin (voir le communiqué). Un vingtième a été élu le 7 juin (voir le communiqué). Le dernier membre sera quant à lui élu dans les trois mois qui suivront la fin de la réunion. Le groupe des Etats d’Europe orientale dont doit provenir ce dernier candidat a demandé le report de son élection en raison de l’absence d’un candidat.
Les nouveaux experts de la CLPC prendront leurs fonctions le 16 juin prochain pour une durée de cinq ans.
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Rapport du secrétaire général de l’ONU
Conformément à l’article 319 de la CNUDM, le secrétaire général de l’ONU, dépositaire de la convention et des amendements qui s’y rapportent, fait rapport aux Etats parties de toutes les questions de caractère général qui ont surgi à propos de la convention. En prévision de la 67ème session de l’assemblée générale de l’ONU et de la 13ème réunion du processus consultatif informel ouvert à tous sur les océans et le droit de la mer, le rapport qui a été présentée aux Etats parties traite en grande partie du développement des énergies marines renouvelables (voir le rapport).
Faisant écho au discours de Ban Ki-Moon lors du forum d’Abou Dhabi de l’agence internationale du développement durable (IRENA) en janvier (voir le communiqué), la rapport souligne qu’il « importe de disposer de mécanismes économiques, réglementaires et politiques pour appuyer la diffusion généralisée des techniques des énergies renouvelables, stimuler l’innovation et les investissements et promouvoir la diffusion à grande échelle des modèles qui ont fait leurs preuves. Les sources d’énergie marine renouvelables sont des options essentielles pour le développement durable ».
Il est à noter que lors de la réunion des Etats parties, deux contentieux ont resurgi lors des débats. Le premier tenait à la présence d’un siège réservé pour la délégation de l’autorité palestinienne. En effet, les Etats-Unis (Etat observateur), le Canada et Israël ont vivement « regretté » la présence de ce siège tout en soutenant la « solution de deux Etats vivant côte à côte ».
Durant les débats, le contentieux entre le Venezuela et le Guyana sur le territoire de l’Essequibo est ressorti. Tout en affirmant leur souhait de trouver une solution pacifique, le Venezuela réclame que la CLPC suspende la demande d’extension des limites du plateau continental faite par le Guyana (voir Jérémy Drisch, "Différend sur la frontière Guyana / Venezuela : une nouvelle étape dans le processus pacifique de résolution du différend", Bulletin Sentinelle n°306).
La réunion des Etats parties à la CNUDM s’est déroulée alors que 2012 est l’année des trente ans de la CNUDM. Les différents organes mis en place par la convention et certains Etats parties en ont profité pour présenter leurs initiatives pour célébrer cet anniversaire.
A quelques jours de la conférence des Nations Unies sur le développement durable (RIO+20), plusieurs pays ont tenu à rappeler l’importance de la convention et des océans dans les travaux préparatoires à la conférence.