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Soumis par Weckel Philippe le 29 January 2012

« c’est un appel à la cohérence de l’action de ce Conseil que je lance : le Printemps arabe constitue un bouleversement sans précédent du Moyen-Orient et le Conseil ne peut manquer d’adapter son action à cette nouvelle réalité. Elle nous impose une obligation morale de répondre aux aspirations légitimes du peuple palestinien. Elle souligne le caractère impérieux d’une réaction unanime du Conseil à la crise en Syrie qui menace l’ensemble de la région. Alors que la Ligue arabe et le Conseil de coopération des Etats du Golfe contribuent activement à la résolution des crises régionales, il en va de la légitimité de l’action du Conseil de sécurité dans la région que d’exercer pleinement ses responsabilités au regard du maintien de la paix et de la sécurité ».
Gérard Araud, Représentant de la France devant le Conseil de sécurité le 24 janvier 2012

 

Prologue, de la liberté des peuples et des intérêts de puissance

Situé sur la côte syrienne en face de Chypre le port de Tartous constitue un élément clé de la politique navale de la Russie. Rattaché au secteur de la Mer Noire il est l'utile complément de la base de Sébastopole et détermine la présence russe en Méditerranée. L'intérêt stratégique du port semble d'autant plus important que la Mer Noire est de moins en moins une mer semi-fermée russe. Les Russes s'agacent de voir une présence croissante de l'OTAN et de la Marine américaine en Mer Noire. Au delà de cette intégration au dispositif stratégique de la Mer Noire, Tartous est aussi important en ce qu'il est devenu la dernière base russe située hors de son territoire. On sait qu'à toutes époques la puissance navale de la Russie a été entravée par le handicap de sa position septentrionale. L'absence de base fixe à distance limitée des principales zones stratégiques fragilise le statut de grande puissance que les responsables politiques russes aspirent à rétablir. Le changement politique en Libye et au Yémen prive la Russie de solutions alternatives au port de Tartous. 

Ainsi la Russie est-elle animé par un double sentiment dans la crise syrienne. D'une part, la situation avive son impression d'encerclement qui est une orientation fondamentale de sa politique extérieure. D'autre part, elle réagit très vivement à l'évolution d'un processus politique dans le monde arabe qui échappe totalement à son contrôle. Elle regrette sa posture d'abstention en Libye qui n'a conduit qu'à sa marginalisation et dont elle n'a tiré aucun avantage. L'effet domino qui est attendu de la chute du régime Assad en Syrie ne peut que réduire son influence au Proche Orient.
L'attitude de la Russie est donc essentiellement défensive. Elle est d'autant plus crispée sur une position de principe, refus de toute intervention militaire extérieure et neutralité dans les crises politiques internes, que les concessions acceptées dans les crises ivoirienne et libyenne ne lui ont assuré aucune contrepartie. Néanmoins elle prend le risque de cristalliser et de rendre manifeste cette marginalisation. Ainsi, elle n'a aucun intérêt à paralyser le Conseil de sécurité, parce qu'en mettant ce dernier hors jeu elle se priverait du moyen de peser sur la crise par son droit de veto.
On remarque que la diplomatie américaine évite de s'impliquer en première ligne et qu'elle tient un discours mesuré et conciliant dans la forme. En position de force dans un processus qui se développe à son avantage, elle joue sur du velours. L'initiative revient essentiellement à une coalition composée des Etats arabes, européens et de la Turquie, maîtres de l'espace méditerranéen.

La Russie perd la main, l'Ours acculé, mais pas aux abois.


Au mois de décembre la Russie et la Syrie avaient réussi un coup de maître. Moscou paralysait le Conseil de sécurité en prenant l'initiative d'un projet de résolution. La Syrie neutralisait dans le même temps la Ligue arabe en acceptant, mais à ses conditions, l'envoi d'observateurs pour suivre la mise en oeuvre du plan de paix. Néanmoins ces initiatives concertées présentaient une double faiblesse. Elles n'étaient destinées qu'à gagner du temps et n'avaient aucune influence positive sur la dégradation de la situation dans le pays. Surtout elles avaient été décidées en catastrophe pour prévenir la saisine du Conseil de sécurité par les Etats arabes. Voilà essentiellement ce que révèle cet épisode de la crise syrienne : les Russes n'ont rien appréhendé de plus qu'un appel de la Ligue arabe à un soutien du Conseil de sécurité. Or un mois plus tard, ils se trouvent face à la situation qu'il redoutaient. L'expérience est évidemment intéressante pour comprendre le rôle et l'autorité des mécanismes régionaux. 
Apparemment les événements se déroulent de la manière dont ils avaient été envisagés dans le protocole entre la Ligue arabe et la Syrie. Le groupe des observateurs a bien remis un rapport préliminaire au Caire à l'issue de la première période mensuelle de sa mission. Ce rapport n'a pas été publié. Les experts ont parait-il été assez critiques en ce qui concerne le respect du plan de paix par le Gouvernement syrien et l'opposition. Ils ont surtout demandé le renforcement des moyens la mission. La Ligue a décidé, sans surprise, de renouveler la présence des observateurs pour un second mois. La Syrie y a consenti sans admettre les aménagements qui auraient permis d'améliorer l'efficacité de leur travail.

Néanmoins, les Etats arabes du Golfe ont retiré la cinquantaine d'observateurs qu'ils avaient envoyée en Syrie. La mission de la Ligue arabe n'a donc pas sombré, mais elle n'est plus qu'une épave flottante. Finalement, la Ligue arabe a décidé le 29 janvier de la suspendre. E finita la commedia. Les experts étaient occupés à prendre le thé et à deviser avec leur hôtes qui accaparaient leur attention, pendant que les massacres s'intensifiaient hors de leur regard.
Au demeurant, la mission convenue entre la Syrie et la Ligue arabe est désormais largement dépassée. En effet, la Résolution adoptée par la Ligue arabe le 22 janvier dernier établit un plan de transition fortement inspiré de l'expérience du Yémen. Elle fixe un processus de réconciliation politique suivant un calendrier devant aboutir à des élections générales. Durant cette période un gouvernement d'union nationale serait chargé d'en assurer la préparation et le Président assad passerait la main à l'un de ses deux vice-président.


Le dispositif de la Résolution du 22 janvier se lit comme suit :


"1. All acts of violence and killings from whatever source must stop, of necessity, to protect Syrian citizens.
2. To request the following from the Syrian government:Release the detainees; clear all armed manifestations from cities and populated neighborhoods; give unhindered access to the pertinent League organizations and to the Arab and international media so they can move freely across Syria to ascertain the reality of conditions and monitor events on the ground.
Withdraw the Syrian army and any variety of armed forces back to their barracks and original positions.
Guarantee freedom of all manner of demonstrations and refrain from confronting demonstrators.
(The Council also) calls upon the Syrian government to facilitate the observers’ mission and permit the entry of all their equipment, chiefly telecommunications gear
3. To continue supporting, and to boost up the ranks of, the Arab League observer mission by providing it with the necessary technical, financial and administrative assistance in cooperation with the United Nations secretary-general.
4. To call upon the Syrian government and all opposition constituents to engage in a serious political dialogue under Arab League auspices within a maximum of two weeks from this date, the objective being:
Formation of a national unity government in conjunction with the opposition to be led by a consensual public figure within two months from this date. Its task would be to implement the Arab roadmap and pave the way for multiparty legislative and presidential elections by virtue of a law stipulating they be held under Arab and international supervision.
For the president of the Republic to give his first deputy comprehensive authority to fully cooperate with the national unity government so it can fulfill its duties in the transition period.
For the national unity government to declare as soon as it is formed that its objective is to establish a democratic and pluralistic system (of governance) in which all citizens are equal irrespective of their affiliations, sects and denominations and that the transfer of power is done peacefully.
For the national unity government to restore security and stability in the country and restructure and reinforce policing services so they can undertake security duties of a civic nature. The Arab states take it upon themselves to fund this endeavor in coordination with the Arab League.
Creation of an independent inquiry commission, which will be mandated to investigate and clear up abuses against citizens and decide on matters of redress for victims.
5. To direct the Arab League secretary-general to appoint a special envoy to follow through the political process.
6. To invite the international community to give a helping hand to the national unity government so it can fulfill its duties.
7. To ask the (Syria) committee chairman and the secretary-general to notify the Security Council of this plan pursuant to the Arab League resolutions.”

La Résolution a bénéficié d'une large approbation des Etats membres de la Ligue arabe. Seul le Liban s'y est opposé et l'Algérie a émis des réserves.
On observe que le texte prévoit la saisine tant redoutée par la Syrie et la Russie du Conseil de sécurité. Aussi dès le lendemain, Lundi 23 la Russie a fait circuler une version amendée de son projet de résolution. Le mardi, les membres du Conseil en ont débattu. Le projet russe qui s'abstenait de toute condamnation ferme du régime syrien a fait l'objet de fortes critiques et de nombreuses propositions d'amendements. La Russie s'est défendu d'agir en violation du droit international en Syrie et a montré son intention de ne pas se laisser forcer la main.
Après la lettre adressée par le Secrétaire général de la Ligue arabe au Secrétaire général de l'ONU un projet de résolution a rapidement été mis en circulation dont l'objet serait de soutenir le plan de transition pour la Syrie. Elaboré par la France et le Royaume-Uni en coopération avec la Qatar et soutenu par l'Allemagne et le Portugal, ce projet a été formellement présenté par le Maroc au cours d'une séance à huis-clos du Conseil de sécurité le vendredi 27 janvier. Mardi 31 le Secrétaire général de la Ligue arabe devrait présenter le plan de transition et la mise au vote du projet pourrait intervenir dans le courant de la semaine prochaine. Les promoteurs du projet ont visiblement répondu à deux ordres de préoccupations. D'une part, ils ont entendu limiter l'objet de cette décision à un soutien ferme apporté par le Conseil à la Ligue arabe. Qui parmi les membres pourrait refuser cela, même la Russie ? D'autre part, ils se sont efforcés de désamorcer les objections russes : non, on ne demande pas la démission du Président Assad, il est simplement invité à déléguer son pouvoir ; non, on n'adopte pas des sanctions, mais on salue l'adoption de telles mesures par la Ligue arabe et on invite d'autres Etats à suivre cet exemple. Il en résulte une rédaction quelque peu... malicieuse. Ainsi on annonce un examen de l'exécution par la Syrie des mesures adoptées dans la Résolution. Quelles mesures visant la Syrie, s'exclame le représentant de la Russie ? Certes la décision n'est pas prise en vertu du Chapitre VII de la Charte, mais en dehors des pouvoirs spécifiques qui lui sont dévolus par des dispositions particulières de la Charte, les membres restent tenus de reconnaître l'autorité des décisions du Conseil aux termes du paragraphe 1er de l'Article 24. Il en résulte notamment que les mesures prises contre la Syrie ne pourront plus être qualifiées de sanctions unilatérales. Et au demeurant la combinaison du chapitre VIII de la Charte et du droit de la Ligue arabe fonde les obligations de la Syrie.
La Russie ne semble pas décidée à céder, mais peut-elle prendre le risque de s'isoler par son veto et de s'opposer ouvertement aux Etats arabes ? Au demeurant, une résolution « vétoisée » (un projet de résolution soutenu très largement, mais dont l'adoption a été empêchée par l'exercice du droit de veto) n'est pas dépourvu de tout effet : la carence de l'organe compétent peut aussi constituer un titre à agir. On se souvient peut être du précédent du Zimbabwe.

Un assouplissement de la position de la Russie n'est pas exclue. On observe qu'elle ne s'est exprimée qu'oralement.

La décision de la Ligue arabe de suspendre la mission des observateurs modifie la situation en ce qu'elle implique une forme de passage du témoin à l'ONU. Le projet de résolution serait, dit-on, remanié pour tenir compte de cette évolution.

Les violences en Syrie tendent à prendre un caractère intercommunautaire, opposant notamment Alaouites et Sunnites. Il devient très urgent d'agir pour éviter la "libanisation" de la Syrie.   

Documents


1.Projet arabo-européen de résolution

"The Security Council,
pp1 Recalling its presidential statement of 3 August 2011,
pp2 Recalling General Assembly resolution A/Res/66/176 of 19 December, as well as Human Rights Council resolutions S/16-1, S/17-1 and S/18-1,
pp3 Recalling the League of Arab States’ request in its decision of 22 January 2012 [UNSC document #],
pp4 Expressing grave concern at the deterioration of the situation in Syria, and profound regret at the death of thousands of people and calling for an immediate end to all violence,
pp5 Welcoming the League of Arab States’ Action Plan of 2 November 2011 and its subsequent decisions, including its decision of 22 January 2012, and supporting full implementation with the aim of a peaceful resolution of the crisis,
pp6 Noting the deployment of the League of Arab States' observer mission, noting the decision of the League of Arab States of 22 January 2012 to reinforce and extend the mission for one month, urging the Syrian authorities fully to cooperate with the mission through implementing all the terms of the Protocol of 19 December 2011 and the Action Plan of 2 November 2011, and recalling the Syrian authorities’ responsibility to protect the observers,
pp7 Underscoring the importance of ensuring the voluntary return to their homes in safety and security of those who have fled from violence, including Syrians who have fled to neighboring countries,
pp8 Expressing grave concern at the continued transfer of weapons into Syria which fuels the violence and calling on Member States to take necessary steps to prevent such flow of arms,
pp9 Mindful that stability in Syria is key to peace and stability in the region,
pp10 Reaffirming its strong commitment to the sovereignty, independence and territorial integrity of Syria, emphasizing the need to resolve the current crisis in Syria peacefully, and stressing that nothing in this resolution compels States to resort to the use of force or the threat of force,
pp11 Welcoming the engagement of the Secretary-General and all diplomatic efforts aimed at addressing this situation,


1. Condemns the continued widespread and gross violations of human rights and fundamental freedoms by the Syrian authorities such as the use of force against civilians, arbitrary executions, killing and persecution of protestors and members of the media, arbitrary detention, enforced disappearances, and interference with access to medical treatment, torture, sexual violence, and ill-treatment, including against children;
2. Demands that the Syrian Government immediately put an end to all human rights violations and attacks against those exercising their rights to freedom of expression, peaceful assembly and association, protect its population, fully comply with its obligations under applicable international law and fully implement the Human Rights Council resolutions S-16/1, S-17/1, S-18/1 and the General Assembly resolution A/RES/66/176;
3. Demands that all parties in Syria, including armed groups, immediately stop all violence or reprisals, including attacks against State institutions, irrespective of where it comes from, in accordance with the League of Arab States’ initiative;
4. Recalls that all those responsible for human rights violations, including acts of violence, must be held accountable;
Implementation of the League of Arab States’ decisions
5. Demands that the Syrian Government, in accordance with the Plan of Action of the League of Arab States of 2 November 2011 and its decision of 22 January 2012, without delay:
(a) cease all violence;
(b) release all arbitrarily detained persons due to the recent incidents;
(c) withdraw all Syrian military and security forces from cities and towns, and return them to their barracks;
(d) guarantee the freedom of peaceful demonstrations;
(e) allow full and unhindered access and movement for all relevant League of Arab States’ institutions and Arab and international media in all parts of Syria to determine the truth about the situation on the ground and monitor the incidents taking place; and
(f) allow full and unhindered access to the League of Arab States’ observer mission".


Political roadmap


6. Calls for an inclusive Syrian-led political process conducted in an environment free from violence, fear, intimidation and extremism and aimed at effectively addressing the legitimate aspirations and concerns of Syria's people, and encourages Member States to work with the Syrian opposition and all sections of the Syrian society to contribute to this process;
7. Fully supports in this regard the League of Arab States’ initiative set out in its 22 January 2012 decision to facilitate a political transition leading to a democratic, plural political system, in which citizens are equal regardless of their affiliations or ethnicities or beliefs, including through commencing a serious political dialogue between the Syrian government and the whole spectrum of the Syrian opposition under the League of Arab States’ auspices, in accordance with the timetable set out by the League of Arab States, aimed at:
(a) formation of a national unity government;
(b) delegation by the President of Syria’s of his full authority to his Deputy to fully cooperate with the national unity government in order to empower it to perform its duties in the transitional period; and
(c) transparent and free elections under Arab and international supervision;
7bis. Encourages the League of Arab States to continue its efforts in cooperation with all Syrian stakeholders;

Observer mission


8. Calls upon the Syrian authorities to cooperate fully with the League of Arab States’ observer mission, in accordance with the League of Arabs States’ Protocol of 19 December 2011, including through granting full and unhindered access and freedom of movement to the observers;

9. Stresses the need for all to provide all necessary assistance to the mission;
International support and cooperation
10. Demands that the Syrian authorities cooperate fully with the Office of the High Commissioner for Human Rights and with the Commission of Inquiry dispatched by the Human Rights Council, including by granting it full and unimpeded access to the country;

10. Calls upon the Syrian authorities to allow full and unimpeded access for humanitarian relief personnel in order to ensure the timely delivery of humanitarian aid to persons in need of assistance;

11. Requests the Secretary-General to take all necessary measures to provide support for the efforts of the League of Arab States, including its observer mission, in promoting a peaceful solution to the Syrian crisis;
12. Takes note of the measures imposed by the League of Arab States on the Syrian authorities on 27 November 2011, and encourages all States to adopt similar steps and fully to cooperate with the League of Arab States in the implementation of its measures;


Follow-up


13. Requests the Secretary General to report on the implementation of this resolution, in consultation with the League of Arab States, within 15 days after its adoption and to report every 15 days thereafter;

14. Decides to review Syria’s implementation of this resolution with 15 days and, in the event that Syria has not complied, to adopt further measures, in consultation with the League of Arab States;

15. Decides to remain seized of the matter.

position de la France

- Point de presse du 27 janvier

6 - Syrie
Q - Est-ce que les discussions progressent à New York au sujet de la Syrie?

R - Je voudrais faire un nouveau bilan des personnes qui ont trouvé la mort hier en Syrie. Le chiffre s’élève à plus de 75 personnes pour une seule journée, cela fait beaucoup. Cela souligne, comme nous le dénonçons depuis si longtemps, la sauvagerie de la répression qui continue à s’exercer.

S’agissant de la mobilisation diplomatique pour essayer de changer le cours de l’histoire dans ce pays martyrisé par son propre régime, je voudrais dire que les discussions se poursuivent à New York. Il doit y avoir des discussions cet après-midi sur un projet de résolution au Conseil de sécurité. Mardi prochain il doit y avoir une réunion du Conseil de sécurité devant lequel se présentera le secrétaire général de la Ligue arabe pour exposer le bilan de la mission d’observation de la Ligue arabe et pour présenter le plan que la Ligue arabe a établi pour faire cesser la violence et engager une transition politique. Notre objectif est que les choses aillent vite. C’est la raison pour laquelle nous travaillons avec tout le monde.

Nous attachons un grand prix au fait que ce soit la Ligue arabe qui ait demandé à s’exprimer devant le CSNU pour présenter son plan de retour à la paix civile et de transition politique.

Nous travaillons avec la Ligue arabe à ce qu’une telle réunion permette au Conseil de sécurité de sortir de son silence scandaleux qui dure depuis trop longtemps.

Nous pensons qu’avec les propositions de la Ligue arabe, la communauté internationale dispose d’une base sérieuse pour que cesse le martyr du peuple syrien et pour que s’ouvre une nouvelle étape pour ce pays.

Nous souhaitons l’adoption le plus rapidement possible d’une résolution du Conseil de sécurité qui apporte son soutien à la Ligue arabe.

Q - Est-ce que vous pouvez nous dire quelque chose sur le contenu du nouveau projet de résolution ?

Est-ce que vous êtes en mesure de confirmer que le nouveau projet contient uniquement un appel à la transition politique sans aborder la question des sanctions ?

R - Je ne suis pas en mesure de rentrer dans le détail du texte. Ce sont des premières discussions qui doivent se tenir aujourd’hui à New York. Dans le processus qui s’ouvre à New York il y aura une étape importante qui est celle de mardi prochain : la réunion du Conseil de sécurité avec le secrétaire général de la Ligue arabe. Nous souhaitons que les choses bougent, que le Conseil de sécurité puisse rapidement s’exprimer c’est-à-dire adopter rapidement une résolution parce que pendant que le Conseil de sécurité ne s’exprime pas, ce sont les Syriens qui meurent et il est grand temps de faire cesser cette violence. Nous travaillons dans un contexte diplomatique différent puisque c’est la Ligue arabe qui a demandé à venir au Conseil de sécurité pour présenter le résultat de la mission d’observation et pour présenter son plan. Dans ce contexte général, c’est un développement tout à fait important que nous soutenons avec certains de nos partenaires.

Q - J’ai remarqué au cours des derniers mois que très souvent vous avez précédé les bilans annoncés par l’ONU, c’était le cas je crois pour la barre des 4.000, des 5.000, des 5.400. L’ONU a récemment dit qu’elle n’était plus en mesure de donner des bilans. Qu’est-ce que vous allez faire ? Allez-vous continuer à établir vos propres bilans et les annoncer ou est-ce que vous considérez que vous êtes liés par ce que vient de dire l’ONU ?

R - Nous avons nos propres bilans. L’opposition fait également ce travail jour après jour. Le chiffre que je donnais tout à l’heure venaient de l’Observatoire syrien des droits de l’Homme.

Q - Vous n’avez pas des bilans globaux ?

R - Nous avons nos propres sources d’évaluation. Nous allons continuer d’observer de très près la situation parce qu’il y a des morts, des blessés, des disparus, parce qu’il y a des réfugiés, des personnes arrêtées, emprisonnées, torturées. On ne doit pas parler d’un bilan, mais de nombreux bilans de la répression qui se déclinent malheureusement en autant de drames. C’est pour cela que nous souhaitons l’adoption rapide d’une résolution du Conseil de sécurité et que nous appelons aujourd’hui à la fin de la violence pour qu’il soit mis un terme au martyre du peuple syrien.

Q - Est-ce que la France accepterait une résolution où il n’y aurait pas de sanctions internationales où il n’y aurait pas de blocus ?

R - Nous, ce qui nous importe c’est l’objectif.

L’objectif premier c’est la prise en compte de cet élément qu’on a vu monter en puissance au cours des dernières semaines et c’est pour cela que nous n’avons pas arrêté de dire que nous soutenons  la mission de la Ligue arabe.

C’est une donnée tout à fait nouvelle. C’est pour cela que moi-même ici j’ai été appelé à dire que ce que faisait la Ligue arabe sur la Syrie, c’était au mois de novembre, était tout à fait inédit dans l’histoire de cette organisation.

Derrière tout cela, l’objectif est de ne plus avoir de bilan à faire sur les morts en Syrie.

Q - Pour la première fois ou presque le Conseil national syrien a tenu des propos rassurants adressés à l’opinion libanaise en affirmant notamment que s’il y avait un changement en Syrie en leur faveur, il n’y aurait pas de changement et que des dossiers délicats tels que le tracé des frontières et le problème des détenus en Syrie seraient ouverts ainsi que le respect par un éventuel nouveau régime de toutes les résolutions en général. Est-ce que cela vous inspire un commentaire, vous qui vous intéressez aux deux pays ?

R - Je rappelle que la France est l’amie du Liban. Ce qui nous intéresse c’est un Liban qui soit serein face à lui-même, à son environnement, à son avenir, un Liban qui soit mobilisé. Je crois que s’agissant du Liban, tout a été dit par le président de la République il y a exactement une semaine. Il faut reprendre mot à mot, virgule par virgule, la citation complète de ce qu’il a dit sur le Liban qui résume toute la position française vis-à-vis de ce pays et qui qualifie la relation que nous avons avec le Liban. Le président de la République a tout dit ce jour-là. A l’avenir, ce que nous voulons c’est que le Liban et la Syrie parviennent à régler tous leurs problèmes et contribuent l’un et l’autre à des relations entre les deux pays qui soient des relations apaisées, qui soient des relations de coopération et qui soient des relations tournées vers l’avenir. Ces déclarations d’intention du Conseil national syrien vont tout à fait dans le bon sens. Nous sommes trop attachés à la stabilité du Liban, à son développement, au respect de l’intégrité et de la souveraineté internationale du Liban pour ne pas prêter attention à de telles déclarations d’intention qui vont dans le bon sens.

Je rappelle combien malheureusement en différentes occasions nous avons condamné l’attitude des autorités syriennes qui se sont livrées à des incidents frontaliers, à des violences contre des citoyens libanais tout à fait inacceptables que nous avons condamnées.

J’ai en tête cet incident qui s’est passé au large des côtes la semaine dernière, je crois, où nous avons vu un enfant de 14 ans qui a été tué, l’un de ses oncles arrêté, un autre membre de sa famille blessé également. Tout cela est évidemment inacceptable. La France est très attentive à tout cela.

Q - Pendant que la diplomatie internationale suit son cours, ce qui doit sembler assez long pour certains Syriens, la situation sur le terrain évolue. Il y a de plus en plus d’affrontements armés entre l’armée dite libre syrienne et les forces de sécurité syriennes. Le Conseil National syrien demande non pas des armes mais de l’aide comme du matériel de communication et de la nourriture. Est-ce que vous avez été saisis par le Conseil d’une telle demande ? Est-ce que l’Europe envisage d’intervenir pour une aide quasi-humanitaire mais de défense ?

R - D’abord, en ce qui concerne la situation à laquelle nous assistons actuellement, c’est précisément sur l’arrêt de la violence que nous sommes mobilisés. Si les Syriens se retrouvent dans cette situation, c’est la responsabilité totale du régime syrien. C’est le premier point et je crois qu’il est important de le rappeler.

S’agissant du Conseil National syrien, je redis comme on l’a indiqué très souvent, le ministre lui-même l’a montré, nous sommes en contact avec toute l’opposition syrienne partout et tout le temps. Nous les recevons tous. Nous sommes en contact avec eux tout le temps.

Troisième point, s’agissant de ces demandes d’aide que vous rappelez, je crois que s’il y a des pays qui peuvent intervenir directement, ce sont les pays arabes. Nous allons voir aussi ce qu’ils ont à dire. Nous allons voir de quelle manière la Ligue arabe pourrait répondre à ces appels. Nous avions engagé il y a quelques mois à la demande du Conseil National syrien une réflexion sur des accès humanitaires. La situation ne l’a pas encore permis mais il est évident que le point central est de tout mettre en œuvre pour que le régime de Damas arrête de tirer sur sa population. C’est l’évidence même.

- Point de presse du 26/01/2012

27 janvier 2012 - Syrie - Remarques à la presse de M. Gérard Araud, représentant permanent de la France auprès des Nations Unies


Nous avons présenté un texte au Conseil de sécurité, un texte de résolution sur la Syrie qui prend acte de la paralysie du Conseil de sécurité. La Russie avait présenté un texte mais, comme vous le savez, la grande majorité du Conseil s’est prononcée contre ce texte. Cela fait d’ailleurs trois semaines que la Russie n’a plus tenu de réunion de négociation. Nous avons donc présenté un texte qui soutient les initiatives de la Ligue arabe. Nous considérons tout simplement que l’initiative de la Ligue arabe est la seule initiative politique qui permette d’aller vers une solution politique de la crise syrienne.

We had a Russian text on the table, a clear majority of the Council requested to amend it deeply and Russia has not circulated any new text for the last three weeks. Meanwhile the Arab League took new decisions. We have therefore decided to reflect this situation in a text which is simply supporting the initiative of the Arab League in all its dimensions, that is the four demands : about the observers ; on the release of political prisoners ; on the access of media and on the withdrawal of armed forces from the centres of the cities. It also includes the political proposals of the Arab League.

Objections have been raised. There are three or four main objections. One is about the arms embargo ; but there is no arms embargo in the text. Yet we can look at the text even if there is no arms embargo. The second one is on the sanctions ; the text reflects the sanctions taken by the Arab League. The third one is on regime change. Again, let’s look at the text : we have taken the wording of the Arab League and the Arab League was speaking of delegation of authority by the President.

So we will have a first meeting of experts which will allow us to “clean up” the text, to identify the three or four main issues. We will hear the strong message of the Arab League on Tuesday and I guess that on Wednesday we can start the negotiations of the three or four political issues at the level of the Permanent Representatives. I guess that we will have a very determined negotiating process in the coming week and I do hope that we will agree on a resolution by the end of next week.

Q : Does the text mention any threat of sanctions which the Russian Ambassador just said he will oppose ?

I’m sure that this is one of the questions which will be raised. It can be interpreted as sanctions, several countries have expressed their reluctance of accepting sanctions or even the prospect of sanctions. It will be one of the three or four political issues that we have to handle. Negotiating is precisely about trying to find a way to solve these issues.

Q : Are the Arabs and yourself willing to negotiate and give concessions on that ?

If you look at the text, what we are trying to do in a very faithful way is to reflect the decisions of the Arab League. That’s what we are trying to do and we are trying to do it in the fairest way. It means that the objections which have been raised have actually been raised against the Arab League. I think it will be important for the countries which have objected to the Arab League requests or demands to hear the Arab League on Tuesday. It will allow us to have an informed discussion at the political level on these issues and in particular the way the Arab League is seeing the transition. It will be a good opportunity for these countries to ask questions to the Arab League, if it is regime change or if it is not. And I trust the Arab League will be in a position to answer to these questions.

Q : Withdrawal of the president and regime change : what’s the difference ?

We’ll need to ask this question to the Arab League. If you read the text it is not withdrawal ... We are trying to put the Arab League request in the draft resolution because it’s the only game in town ; we have tried to transform it in a Security Council text so that the Arab League has behind itself the weight of the Security Council. For those who know our jargon, the text is under chapter VI of the UN Charter which means that it is not imposition. This is a chapter which is clearly about mediation, negotiation. To answer some objections, we are not imposing mandatory measures.

Q : What do you think of South Africa’s argument that the Council did not give the same deference to the African Union on Libya, there was no presidential statement no meeting, how do you distinguish the two ?

I’m talking about Syria. South Africa could have organized meetings, could have circulated texts, could have done what we are doing right now. Nobody prevented South Africa to act on Libya in the same way so I don’t see where the problem is. Every question is handled in its own way and merits and every question has its own logic.

Q : We all know that most of Arab states are not represented by elected rulers, how come you consider them beacons of democracy and follow the Arab League lead in this case ?

We are in an organization of states, and we are handling foreign relations with states. There is a regional organization which is the League of Arab States, which has taken a decision. We are facing a major crisis. I am not playing with words here. More than 5500 of people have been killed, the country is sinking into civil war, we are desperately looking for a political solution. There is no alternative : we stand here, the League of Arab States is proposing a solution. Our reaction is simply to support it, there is no other option. Our national interests are not at stake, it is simply that we see a country sinking into civil war.

Q : The transfer of power could be temporary ?

Look at the text, there is nothing else but the text of the Arab League : we stick to what the Arab League is doing. But again, we can negotiate, we want to negotiate and have an agreement by consensus among the 15 members. The issue is too serious, the exchanges have been too acrimonious between the members of the Council not to have the 15 members agree now. I think there are elements for an agreement. I don’t think it will be too difficult to reach an agreement.

Q : You are saying that there is no alternative, but what about the people of Syria, and there are many who support not having any intervention whether it would be the Arab League or NATO.

Nobody has spoken about an intervention of NATO. If you read the text, it is under chapter VI and nothing in the text is compelling the use of force. What we want is to allow the Syrian people to express themselves. Allow me to note that for 40 years the Syrian people has never been allowed to express itself.

 

 

Bulletin numéro 291