Aller au contenu principal
x
Soumis par Metou Brusil le 30 September 2012

Après quatre jours de discussions au sommet à Addis-Abeba, Khartoum et Juba ont paraphé le 27 septembre 2012  une série d'accords de sécurité et  de coopération sans toutefois s’entendre sur les très sensibles questions du statut de la zone contestée d'Abyei et de la démarcation de leur frontière respective. Les accords ont été conclus à l'issue d'un ultime face-à-face à huis clos entre MM. el-Béchir et Kiir dans une pièce du grand hôtel de la capitale éthiopienne.

I.Des accords conclus sous la pression de la communauté internationale

Il serait difficile de dire que le principe de libre consentement en matière de conclusion des traités a été respecté dans les accords intervenus entre les deux  Soudan. En effet, il n’a pas été facile de trouver un terrain d’entente sur certains points divisant ces deux pays. Les délégations des deux pays font traîner en longueur les discussions, qui ont débuté bien avant que le Soudan du Sud ne proclame son indépendance en juillet 2011, ce qui exacerbe la communauté internationale et l'Union africaine. Il en a été ainsi même cette fois et, le deuxième jour,  les discussions entre le président soudanais Omar el-Béchir et son homologue du Soudan du Sud Salva Kiir avaient  pris fin lundi soir sans un accord. Les pourparlers ont repris mardi, autour de l’avenir des zones frontalières contestées et des questions de sécurité, selon les médiateurs de l’Union africaine. Des progrès avaient été signalés sur le développement économique, le pétrole et les questions commerciales. Les deux chefs de délégation - Idriss Abdel Gadir pour le Soudan et Pagan Amum pour le Soudan du Sud - ont signé un «Accord post-sécession» concernant le statut des ressortissants de chacun des deux Etats sur le territoire de l'autre, et des accords commerciaux portant  notamment sur le pétrole. La communauté internationale, inquiète du risque d'un nouveau conflit à grande échelle entre Juba et Khartoum, a accentué sa pression sur les deux chefs d'Etat pour qu'ils parviennent à un accord définitif sur les questions en suspens. L'ONU avait fixé une date butoir pour la tenue de négociations, qui avait déjà expiré  depuis longtemps. Les Nations unies exigeaient des deux présidents qu'ils résolvent les problèmes clés qui étaient encore en suspens entre eux lorsque la partie méridionale du Soudan est devenue en 2011 un nouvel Etat. Cette date butoir a été annoncée par l'ONU alors qu'éclataient de violents incidents frontaliers en mars, lorsque les troupes sud-soudanaises, appuyées par des blindés, ont brièvement pris le contrôle du champ pétrolifère potentiellement riche d'Heglig et que le Soudan a lancé des raids aériens meurtriers en riposte. Les Nations unies ont brandi la menace de sanctions faute d'une entente entre les deux pays. Le mois dernier, Khartoum et Juba sont parvenus à un accord intermédiaire pour le redémarrage des exportations pétrolières du Soudan du Sud vers la mer Rouge via le Nord. Juba, en désaccord sur les tarifs de transit exigés par Khartoum, avait fermé ses puits. Le secrétaire général de l'ONU,  a appelé les deux dirigeants à "prendre leurs responsabilités pour résoudre les différends subsistant entre eux, afin que le sommet d' Addis -Abeba se termine par un succès marquant la fin d'une ère de conflits". Selon Afp, le ministre soudanais de la Défense, Abdel Rahim Mohammed Hussein, et son homologue sud-soudanais, John Kong Nyuon, ont d'abord signé un « accord sur des mesures de sécurité» à leur frontière commune, comprenant  la mise en place d'un «mécanisme politique et de sécurité conjoint» et d'une «zone frontalière démilitarisée en cours d’activation. Les détails de l'accord n'ont pas été révélés mais les deux porte-parole ont indiqué que celui-ci prévoit une zone tampon d'où les militaires des deux parties devront se retirer, à dix kilomètres de part et d'autre de la frontière de fait, celle-ci n'ayant pas été tracée formellement. Sur le plan économique, les deux parties sont également convenues de permettre la reprise de la production pétrolière au Soudan du Sud (Communiqué de presse (FR).  

1.Accord sur la mise en place d’une zone frontalière démilitarisée : Cette zone tampon devrait également permettre  de couper les routes de soutien aux forces rebelles dans le Kordofan du Sud et le Nil Bleu, où Khartoum accuse Juba de fournir une aide à ses anciens alliés durant la guerre contre le Nord. Selon le conseiller juridique du Groupe de mise en œuvre de haut niveau de l'Union africaine(Ua) Barney Afako, la série d'accords signés hier jeudi 27 septembre 2012 «va permettre à chaque Etat de se développer, particulièrement avec la coopération de l'autre, pour aboutir à deux Etats viables ».  

2.Accord sur le partage de la production pétrolière : Les deux Soudan se sont dont finalement accordés sur un partage de la production pétrolière et la reprise de l’exploitation. Selon le médiateur et ancien président sud-africain Thabo Mbeki : «Les parties se sont mises d'accord sur les détails financiers concernant le pétrole, donc c'est fait» a déclaré l’ancien chef de l’Etat sud-africain. La secrétaire d'Etat américaine Hillary Clinton, qui avait effectué une visite à Juba, avait déjà exhorté les parties à s’entendre pour mettre fin à cette situation absurde qui privait le Soudan du Sud de 98% de ses revenus et qui plongeait Khartoum dans une crise économique néfaste pour toute la stabilité de la région : «Etant donné qu'il y a un accord, il reste à discuter les prochaines étapes, quand les compagnies pétrolières vont devoir se préparer à reprendre la production de pétrole et l'exportation», a  précisé Thabo Mbeki.

Les présidents soudanais et sud soudanais ont aussi  signé un « Accord de coopération » entre les deux pays. A l'issue de la cérémonie de signature, Salva Kiir a déclaré qu’« Aujourd'hui (ndlr, jeudi) est un grand jour dans l'histoire de notre région et en particulier du Soudan et du Soudan du Sud; nous assistons à la signature de l'accord de coopération qui met un terme à un long conflit entre nos deux pays». C’était en présence de son homologue soudanais Omar el-Béchir qu’il a remercié  «pour sa coopération tout au long des négociations». Le président soudanais Omar el-Béchir, qui  a évoqué «une occasion historique» offerte par la signature de ces accords, a dit que M. Kiir est un « partenaire pour la paix». Le président soudanais  a ajouté que tous les deux sont  « résolus à honorer ce que nous avons signé (....) au nom de la paix et de la stabilité de nos deux peuples ». M. Kiir a toutefois estimé « très malheureux » que tous les deux  n’aient pu « se mettre d'accord » sur le statut d'Abyei. Le président el-Béchir s'est engagé à « continuer avec le même esprit à chercher des solutions pour les questions non résolues encore en suspens, à savoir Abyei ».

II.Des questions délicates non résolues

Les accords conclus par les deux présidents ne règlent pas les questions les plus sensibles du statut de la zone contestée d'Abyei ni de la démarcation de leur frontière. Les questions du statut de la zone contestée d'Abyei - revendiquée par les deux Etats - et de la démarcation de la frontière entre les deux pays sont en suspens depuis l’accession du Soudan du Sud à l’indépendance en juillet 2011. C’est la non-résolution de ces questions qui avaient récemment conduit les deux voisins dans des combats meurtriers.  "Les deux pays ne sont pas parvenus à un accord sur deux sujets, celui d'Abyei (...) et celui de la frontière", a déclaré à la presse le porte-parole sud-soudanais à l'issue des pourparlers, mercredi dans la nuit. "Les deux pays sont convenus d'avoir un autre cycle de négociations (...) notamment sur le problème de la frontière, sur les zones contestées", a-t-il ajouté. Son homologue Abdullah s'est montré optimiste à propos des questions qui devraient être réglées plus tard. "Nous avons surmonté beaucoup de divergences... il y a encore quelques unes sur Abyei", a-t-il dit, ajoutant que le réglement des problèmes de frontière revendiquée par les deux parties "allait prendre du temps".

Sur la question du statut de la zone d'Abyei, les parties ont décidé de programmer cette négociation «pour le prochain sommet des présidents», selon Thabo Mbeki. L'équipe de l'Ua a pourtant fait des propositions visant à  régler le différend sur la zone pétrolifère disputée d'Abyei. Le projet préconise la mise en place d’une soi-disant «frontière souple » qui permettrait la libre circulation des personnes, du bétail et des biens entre le Soudan, le Soudan du Sud, et la zone d’Abyei. Dans une lettre adressée à M. Kiir, l'Ua avait appelé les deux parties à décider du statut d'Abyei par des négociations au lieu d'un vote de la population de la région. Pour le principal négociateur de l’Ua, Thabo Mbeki, un vote pourrait susciter la rancune des perdants et rendre la paix plus difficile. Les accords  signés jusqu’ici entre le Soudan et le Soudan  du Sud sont une victoire pour  les deux pays, amis aussi  pour les médiateurs, l’Union africaine, et l’Onu qui avait menacé de sanctionner les deux pays au cas où ils ne relançaient pas les négociations pour parvenir à un accord.

Aucune date n'a été donnée sur un éventuel nouveau tour de négociations. On peut bien se demander si ces accords seront  respectés par les deux pays qui semblent en fait ne céder qu'aux pressions de la communauté internationale.

 

Soudan et Soudan du Sud : La médiation de l’Union africaine à l’épreuve de  la logique de guerre ( Metou Brusil Miranda)

Soudan et Soudan du sud: Négociations interminables et  signature des accords au compte-goutte
Metou Brusil Miranda

Bulletin numéro 317