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Soumis par Weckel Philippe le 24 June 2012

L'accord relatif aux pêches dans le Sud de l'Océan Indien (SIOFA,Southern Indian Ocean Fisheries Agreement) signé en 2006 est entré en vigueur le 21 juin 2012, soit 90 dix jours après le dépôt auprès de la FAO de  l'instrument de ratification de l'Australie. L'accord avait déjà été ratifié par les Seychelles le 5 novembre 2007, les Îles Cook le 5 juin 2008, l'Union européenne le 15 octobre 2008 et l'Île Maurice le 10 décembre 2010. Si l'article 24 de cet accord précise qu'il entre en vigueur après la ratification par quatre parties contractantes, celle des Îles Cook n'a pas été prise en compte à cette fin, parce que cet Etat n'est pas signataire de l'instrument, ni riverain de la zone couverte par le traité : l'accession de cet Etat ne prend effet qu'après l'entrée en vigueur du SIOFA (article 23 et 24).

L'entrée en vigueur de l'accord soulève une seconde question de caractère technique, mais qui, dans le contexte régional, prend une acuité particulière. L'Île Maurice avait accompagné son engagement à être lié d'une réserve qui se lit comme suit :

(i) The State of Mauritius is defined in the Laws of Mauritius as
including the island of Mauritius, Rodrigues, Agalega, Tromelin, Cargados
Carajos and the Chagos Archipelago, including Diego Garcia and any other
island comprised in the State of Mauritius.
(ii) The State of Mauritius reiterates its rights to exercise complete and
full sovereignty over its territory, including the territory and maritime
zones of the Chagos Archipelago and Tromelin as defined in the
Constitution of Mauritius.
(iii) Membership acquired to the Southern Indian Ocean Fisheries Agreement
through territories found partly within the South West Indian Ocean region
covered by the Agreement shall not constitute a basis for denying the
rights of the Republic of Mauritius regarding the exercise of its
sovereignty or territorial and maritime jurisdiction on the Chagos
Archipelago, Tromelin and surrounding maritime areas.

En formulant cette réserve Maurice a ainsi entendu préserver ses droits dans les différends territoriaux et maritimes qui l'opposent au Royaume-Uni au sujet de l'archipel des Chagos et à la France au sujet de l'île de Tromelin. 

Image retirée.

http://www.cyclonextreme.com/cyclonereunioncartevierge.htm

Il convient d'observer que les Etats visés par la réseve mauricienne sont membres de l'Union européenne qui est partie au SIOFI en vertu de la compétence exclusive qu'elle exerce en matière d'accords de pêche.

Cet accord établit un régime particulier pour les réserves reposant sur un mécanisme d'approbation tacite par les autres parties :

"Article 28

Réserves

1. La ratification, l'acceptation, ou l'approbation du présent Accord, peut être soumise à des réserves qui ne prennent effet qu'après avoir été acceptées unanimement par toutes les Parties contractantes à cet Accord. Le dépositaire notifie immédiatement toute réserve aux Parties contractantes. Les Parties contractantes qui n'ont pas répondu dans les trois (3) mois suivant la date de notification sont supposées avoir accepté la réserve. A défaut de cette acceptation, l'État ou l'organisation d'intégration économique régionale formulant la réserve ne devient pas Partie contractante à cet Accord.

2. Rien dans le paragraphe 1 n'empêche un État ou une organisation d'intégration économique régionale au nom d'un État d'émettre une réserve en ce qui concerne la participation au titre de territoires et des zones maritimes qui les entourent, sur lesquels l'État affirme ses droits à exercer sa souveraineté ou sa juridiction territoriale et maritime".

Une seule objection/opposition fait obstacle à ce que l'auteur de la réserve devienne partie au traité. Néanmoins l'approbation est acquise lorsque les autres parties contractantes, Etats ou Organisations internationales d'intégration, s'abstiennent de répondre dans un délai de trois. Le régime des réserves qui est inspiré de la pratique relative aux traités multilatéraux restreints peut donc être analysé comme une procédure d'amendement simplifiée. Le paragraphe 2 de l'article en question écarte ce mécanisme pour les réserves qui ont pour objet d'exclure certains territoires du champ d'application de l'accord.

La réserve mauricienne appelle deux remarques : 

  • Le SIOFA n'est pas une "organisation régionale de pêche" au sens de l'article 63 de la Convention de Montego Bay, mais un "arrangement régional de pêche" au sens de l'Accord de 1995 sur les stocks chevauchants. 

Aux termes de l'article 1er :

"On entend par "arrangement" un mécanisme de coopération créé conformément à la Convention et au présent Accord par deux ou plusieurs États afin notamment d’instituer dans une sous-région ou région des mesures pour la conservation et la gestion d’un ou plusieurs stocks de poissons chevauchants ou stocks de poissons grands migrateurs".

En l'occurence les poissons grands migrateurs sont exclus de l'objet du SIOFA.

Le champ d'application du SIOFA (la "Zone") est défini par des coordonnées géographiques qui en écartent les zones économiques exclusives où les Etats côtiers exercent des droits souverains limités. L'accord s'applique ainsi seulement à la haute mer. Les compétences maritimes de l'Etat côtier n'interfèrent donc pas dans l'application du SIOFA (sauf pour les espèces sédentaires peuplant le plateau continental au delà de 200 milles marins...). Les obligations mises par l'accord à la charge des parties visent seulement l'action de l'Etat de pavillon ou de la nationalité, ainsi que celle de l'Etat du port. Finalement un accord sur la haute mer n'emporte pas reconnaissance de la souveraineté des Etats parties sur un territoire ou un espace maritime adjacent aux côtes.

Certes l'article 22 de l'accord réserve la signature de cet instrument aux Etats et aux Organisations d'intégration qui "ont juridiction sur les eaux adjacentes à la Zone". néanmoins, cette formule neutre inclut aussi des situations de possession contestée par un autre Etat.

La "réserve" mauricienne n'affecte donc en rien les droits et obligations des parties à l'accord et peut, à cet égard, être qualifié de déclaration interprétative.

  • La réserve de Maurice n'appelait pas de réponse.

Si l'Union européenne est partie au SIOFA, elle n'a aucune compétence pour discuter les prétentions d'Etats tiers au sujet de territoires qui sont sous la juridiction de ses Etats membres. Elle n'est donc pas supposée avoir accepté la réserve en cause.

Si, aux termes de l'article 216.2, les Etats membres sont liés par les traités conclus par l'Union européenne, ils n'en sont pas parties et n'avaient donc pas la capacité d'objecter à une réserve que confère le SIOFA aux parties contractantes.

 

 

 

Bulletin numéro 310