En vertu des articles 1er et 4 du Mémorandum d’accord sur les règles et procédures régissant le règlement des différends, de l’article XXIII:1 de l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce de 1994 – GATT de 1994, de l’article 30 de l’Accord sur les subventions et les mesures compensatoires – Accord SMC, et de l’article 17.3 de l’Accord sur la mise en œuvre de l’article VI du GATT de 1994 – Accord antidumping, les Etats-Unis ont demandé, le 15 septembre 2010, des consultations avec la Chine au sujet de mesures qu'elle avait prises et qui imposaient des droits compensateurs et des droits antidumping sur certains aciers en provenance des Etats-Unis (WT/DS414/1).
En effet, la Chine avait déterminé que les dispositions imposant d’acheter américain (US Buy American Laws) de l’American Recovery and Reinvestment Act de 2009 (Recovery Act) et des lois relatives aux marchés publics de plusieurs Etats des Etats-Unis conférait, à ces derniers, un avantage illicite au regard du droit de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Elle a donc décidé d’imposer sur les aciers dits magnétiques laminés, à grains orientés qui provenaient des Etats-Unis (principalement utilisés dans l’industrie électromécanique, notamment pour la fabrication des transformateurs électriques), des droits compensateurs et des droits antidumping.
Les Etats membres de l’OMC peuvent en effet imposer, après avoir mené une procédure d’enquête, des droits compensateurs ou des droits anti-dumping (c’est-à-dire des mesures de représailles tarifaires) à d’autres Etats membres s’ils estiment que ces derniers ont pu retirer un avantage en octroyant des subventions à une entreprise, ou en la laissant mener des pratiques constitutives de dumping, qui ont causé (ou menacent de causer) un dommage important à une branche nationale de production.
Or, selon les Etats-Unis, la Chine a décidé d’imposer ces droits d’une manière qui n’était pas compatible avec les obligations qu’elle tient de l’Accord SMC (articles 10, 11.2, 11.3, 12.3, 12.4.1, 12.7, 12.8, 15.1, 15.2, 15.5, 19, 22.2 iii), 22.3 et 22.5), de l’Accord antidumping (articles 1er, 3.1, 3.2, 3.5, 6.9 et 12.2) et du GATT de 1994 (article VI).
Aucun règlement amiable n’étant intervenu dans les 60 jours suivant la date de réception de la demande de consultations (article 4:5 du Mémorandum d’accord), les Etats-Unis ont entamé une procédure juridictionnelle et demandé, le 11 février 2011, l’établissement d’un groupe spécial.
Dans son rapport du 15 juin 2012 (WT/DS414), le Groupe spécial a, à titre principal :
- confirmé que le ministère du Commerce chinois avait ouvert des enquêtes en matière de droits compensateurs sans éléments de preuve suffisants pour le justifier ;
- confirmé que la Chine n’avait pas fourni des résumés non confidentiels adéquats de renseignements communiqués à titre confidentiels ;
- confirmé que le ministère du Commerce chinois « improperly resorted to facts available in calculating the dumping and subsidy rates for exporters that were unknown to it » ;
- confirmé que la Chine « did not disclose the essential facts, or provide in sufficient detail in its final determination the findings and conclusions leading to the application of facts available to “unknown” United States exporters » ;
- confirmé que l’analyse des effets sur les prix opérée par les autorités chinoises « was conclusory, failed to reflect an objective examination of the evidence, and was not based on positive evidence » ;
- confirmé que la Chine n’avait pas divulgué les faits essentiels à l’appui de son analyse des effets sur les prix et n’avait pas offert d’explications adéquates pour ses conclusions ;
- confirmé que l’analyse menée par le ministère chinois « erroneously concluded that the rapid increase in the capacity of the domestic GOES industry during the period of investigation could not have been a cause of injury to the domestic industry » et que « it did not comply with the “objective examination” and “positive evidence” requirements embodied in those provisions ».
Mais, le Groupe spécial a également :
- rejeté allégations américaines selon lesquelles les autorités chinoises n’avaient pas divulgué les données et les calculs qu’elles avaient utilisés pour établir les marges de dumping, dans la mesure où il n’existe pas d’obligation, au titre de l’article 12.2.2 de l’Accord antidumping, d’inclure dans l’avis public ou le rapport des données confidentielles et les calculs permettant d’évaluer la marge de dumping ;
- rejeté les allégations des Etats-Unis selon lesquelles le ministère du Commerce chinois n’avait pas suffisamment expliqué, ni dans ses déterminations préliminaires, ni dans ses conclusions finales, pourquoi l’exclusion des producteurs étrangers du processus d’appel d’offres avait pu conduire à ce que les prix en résultant ne soient pas les prix du marché. Le Groupe spécial a, en effet, jugé que l’article 22:3 de l’Accord SMC « does not discipline the substantive adequacy of an investigating authority's reasoning » et que les autorités chinoises avaient inclus dans leur avis public les résultats et les conclusions sur les questions de droit qu’elle entendaient aborder, en mentionnant les faits sur lesquels elles s’appuyaient ;
- et rejeté, enfin, les allégations américaines selon lesquelles le ministère du Commerce chinois « improperly resorted to facts available to calculate the subsidy rates for the two known respondent exporters », même si le Groupe spécial relève tout de même sur ce point que « the manner in which [the ministry] applied facts available was inconsistent with Article 12.7 SCM Agreement ».
La Chine dispose désormais d'un délai de 6 mois pour se conformer aux recommandations du Groupe spécial. Il n’a pas encore été précisé si l’une des Parties en présence entendait faire appel de la décision auprès de l’Organe d’appel permanent.