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Soumis par Moubitang Emmanuel le 15 April 2012

INTRODUCTION

Depuis la fin de la guerre froide et à partir de la crise du Golfe de l’été 1990, on observe une extension du recours au Chapitre VII de la Charte des Nations Unies et en particulier aux dispositions relatives aux sanctions.

On peut définir les sanctions comme des « mesures prises par un Etat ou collectivement par un groupe d’Etats ou par une organisation internationale visant à faire cesser ou à obtenir réparation d’un acte illicite commis par un autre Etat ». Plusieurs pays sont déjà tombés sous le coup des sanctions onusiennes : la Rhodésie du Sud en 1966 (résolution 232 et suivantes) ; l’Afrique du Sud de 1977 à 1994 (résolutions 418 et 919) ; l’Irak en 1990 ( résolution 661) ; la Yougoslavie en 1991 (résolution 713) ;  la République fédérale de Yougoslavie en 1992 et 1993 (résolutions 757,787,820) ; la Libye de 1992 à 1999 (résolution 748) ; la Somalie en 1992 (résolution 733) ; Haïti de 1993 à 1994 (résolution 841) ; l’Angola (UNITA) en 1993 (résolution 864) ; le Rwanda en 1994 et 1995 (résolutions 918 et 997) ; le Libéria en 1992 (résolution 788) ; la Sierra Leone (rébellion) en 1997 (résolution 1132). La liste des mesures établie à l’article 41 de la Charte n’est pas limitative et peut varier au gré des besoins du Conseil de sécurité dans l’exercice de son pouvoir de police internationale.

Si le Conseil de sécurité a le pouvoir de décider des sanctions, il n’en a pas le monopole. Les Etats et les organisations internationales peuvent également infliger des sanctions privatives de droits ou de qualités aux Etats membres qui méconnaîtraient leurs obligations. C’est ainsi que l’Union européenne (UE) a instauré des sanctions contre la République islamique d’Iran (ci-après l’ « Iran ») en vertu du règlement (CE) n°423/2007 concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran (http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=CONSLEG:2007R0423:20070606:FR:PDF) , qui donne effet à la position commune 2007/140/PESC et met en œuvre les mesures prévues dans la résolution 1737 (2006) du Conseil de sécurité des Nations Unies. Depuis lors, l’UE a renforcé les sanctions conformément aux résolutions 1747 (2006), 1803 (2008) et 1929 (2010) du Conseil de sécurité. Le 25 octobre 2010, le Conseil a adopté le règlement (UE) n°961/2010 concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran et abrogeant le règlement (CE) n°423/2007 (http://economie.wallonie.be/Licences_armes/LexUriServ.pdf) afin de donner effet à la décision 2010/413/PESC du Conseil  (http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=CONSLEG:2010D0413:20110523:FR:PDF) .

Conformément au mandat reçu du Conseil européen le 9 décembre 2011, l’UE a adopté, le 23 janvier 2012, la décision 2012/35/PESC prévoyant des mesures restrictives supplémentaires à l’encontre de l’Iran  (http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=OJ:L:2012:019:0022:0030:FR:PDF).

L’objectif de ce nouveau train de sanctions est d’accroître la pression sur l’Iran, soupçonné de vouloir se doter de l’arme nucléaire. Ainsi, l’embargo commercial et financier (II), qui, selon les termes de l’article 12 de la proposition conjointe de règlement du Conseil n°2012/0030 (NLE) abrogeant le règlement (UE) n°961/2010, n’entrerait pleinement en vigueur qu’à partir du 1er juillet 2012, rentre parfaitement dans le cadre de l’ « action en cas de menace contre la paix, de rupture de la paix et d’acte d’agression » (I).

 

 

I)- LA BASE JURIDIQUE DES SANCTIONS : Le Chapitre VII de la Charte

Le Chapitre VII de la Charte des Nations Unies consacré à la sécurité collective constitue le cadre juridique de la politique de sanctions de l’Organisation. Dans ce cadre, il est prévu à l’article 41 que le Conseil de sécurité puisse décider ou recommander des mesures coercitives non militaires en fonction de l’importance de l’atteinte à la paix internationale. Ces mesures, au centre des mécanismes de sécurité collective, s’inspirent des représailles non militaires pratiquées de longue date individuellement par les Etats. De même, le Pacte de la Société des Nations (SDN) laissait à la discrétion des Etats le déclenchement de ces mesures.

Les résolutions du Conseil de sécurité imposant des sanctions contre l’Iran et mises en œuvre par l’Union européenne sont considérées comme des décisions unilatérales qui s’imposent aux Etats membres de l’Organisation. Le Conseil a pu ainsi invoquer l’article 25 de la Charte pour justifier le caractère obligatoire de ses décisions dans ce domaine. Cependant, il convient de relever pour ensuite déplorer le fait qu’aucune procédure juridique contradictoire permettant de garantir le respect des droits de la défense du pays faisant l’objet de sanctions n’ait été prévue. D’où la multiplication des critiques sur l’efficacité, le fonctionnement et même « la nécessité des sanctions contre l’Iran ». Le terme même de « sanction » ne figure pas explicitement dans la Charte.

Certes, le Chapitre VII de la Charte restreint l’usage des sanctions au maintien ou au rétablissement de la paix internationale. Néanmoins, les notions vagues figurant à l’article 39 de la Charte pour qualifier les atteintes à la paix (« menace » ; « rupture ») laissent une marge d’appréciation importante au Conseil dans la qualification des situations susceptibles de déclencher la mise en œuvre du système de sanctions. Ainsi, des sanctions peuvent être infligées à un Etat en cas de violation du droit international sans menace à la paix. Par ailleurs, le Conseil de sécurité a pu décider qu’une situation de guerre civile constituait une menace à la paix internationale. Des sanctions ont été prises à l’égard d’entités non étatiques dans le cadre d’un conflit intra-étatique (UNITA en Angola, 1993) ou contre des entités gouvernementales autoproclamées (Serbes de Bosnie en 1994-1995 ; Talibans en 1999-2000).

Au-delà de la liste donnée par l’article 41 de la Charte, les sanctions peuvent prendre plusieurs formes.

II)- LA TYPOLOGIE DES SANCTIONS : L’embargo commercial et financier

Le 23 janvier 2012, le Conseil a adopté la décision 2012/35/PESC prévoyant des mesures restrictives supplémentaires à l’encontre de l’Iran. Ces mesures restrictives comprennent, en particulier, des restrictions supplémentaires aux échanges de biens et technologies à double usage et d’équipements et technologies clés pouvant être utilisés dans l’industrie pétrochimique, ainsi qu’une interdiction d’importer du pétrole brut, des produits pétroliers et des produits pétrochimiques iraniens et d’investir dans l’industrie pétrochimique. Le commerce de l’or, des métaux précieux et des diamants avec le gouvernement iranien, ainsi que la fourniture, à la Banque centrale d’Iran ou à son profit, de billets de banque et de pièces de monnaie nouvellement imprimés ou frappés sont interdits.

-         A propos des « restrictions à l’exportation et à l’importation », l’article 2(1) du texte adopté par les vingt-sept « interdit de vendre, de fournir, de transférer ou d’exporter, directement ou indirectement, les biens et les technologies énumérées aux annexes I ou II, originaires ou non de l’Union, à toute personne, toute entité ou tout organisme iraniens ou aux fins d’une utilisation en Iran ». A titre exceptionnel, les autorités compétentes peuvent délivrer une autorisation pour une opération en rapport avec les biens et technologies visés à l’article 2 (1), à condition que ces biens et technologies aient des fins alimentaires, agricoles, médicales ou toute autre fin humanitaire (article 7-1). L’Etat membre concerné notifie, aux autres Etats membres et à la Commission, au moins dix (10) jours ouvrables avant la délivrance de l’autorisation, son intention d’accorder une autorisation (article 7-2).

-         Concernant les « restrictions au financement de certaines entreprises », sont interdits, aux termes de l’article 17 : « l’octroi d’un prêt ou d’un crédit à toute personne, toute entité ou tout organisme iraniens ; l’acquisition ou l’augmentation d’une participation (…) ; la création de toute coentreprise avec toute personne, toute entité ou tout organisme iraniens visés au paragraphe 2 ». Par dérogation à l’article 17, paragraphe 2, point a, les autorités compétentes des Etats membres peuvent délivrer, dans les conditions qu’elles jugent appropriées, une autorisation pour la réalisation d’un investissement au moyen des opérations visées à l’article 17, paragraphe 1, pour autant que les conditions suivantes soient réunies : « la personne, l’entité ou l’organisme iranien se sont engagés à appliquer des garanties satisfaisantes quant à l’utilisation finale des biens ou des technologies concernés ; l’Iran s’est engagé à ne pas utiliser les biens ou les technologies concernés pour mener des activités nucléaires posant un risque de prolifération ou pour mettre au point des vecteurs d’armes nucléaires (…) » (article 19).

En outre, il est interdit d’accepter ou d’approuver, par la conclusion d’un accord ou par tout autre moyen, qu’une personne ou plusieurs personnes, entités ou organismes iraniens octroient un prêt ou un crédit à une entreprise se livrant à l’une des activités suivantes : « l’extraction d’uranium ; l’enrichissement et le retraitement de l’uranium ; la fabrication de biens ou de technologies figurant sur les listes du groupe des fournisseurs nucléaires et du régime de contrôle de la technologie des missiles » (article 22).

-         Conformément à l’article 23 du texte adopté le 23 janvier 2012 : « sont gelés tous les fonds et ressources économiques appartenant aux personnes, entités et organismes énumérés à l’annexe I de la décision 2010/413/PESC du Conseil (…) ». L’annexe de ladite décision comprend les personnes, entités et organismes désignés par le Conseil de sécurité des Nations Unies ou par le comité des sanctions, conformément au paragraphe 12 de la résolution 1737 (2006) du Conseil de sécurité ; au paragraphe 7 de sa résolution 1803 (2008) ou aux paragraphes 11, 12, ou 19 de sa résolution 1929 (2010). Par dérogation aux articles 23, paragraphe 2 et 3, les autorités compétentes des Etats membres peuvent autoriser, dans des conditions biens définies, la mise à disposition à la Banque centrale d’Iran de certains fonds, jusqu’au 1er juillet 2012 (article 28). Dans le même sens, « les transferts relatifs à des opérations concernant des vivres, des soins de santé ou des équipements médicaux ou répondant à des besoins humanitaires sont effectués sans autorisation préalable. Le transfert est préalablement notifié par écrit aux autorités compétentes des Etats membres s’il est supérieur à 10 000 EUR ou l’équivalent dans une autre devise » (article 31).

 

CONCLUSION

En définitive, le régime des sanctions de l’Union européenne contre l’Iran prend davantage en compte les conséquences humanitaires. Contrairement à l’opinion assez répandue, selon laquelle « le déploiement de sanctions contre l’Iran va à l’encontre du droit international », l’embargo commercial et financier décidé par l’UE est entrepris dans le cadre du concept de « sanctions ciblées », qui prévoit de focaliser la pression sur le régime de Mahmoud AHMADINEJAD, en limitant ainsi les effets néfastes sur le niveau de vie des habitants de son pays. Cela peut-il permettre de retourner la population locale iranienne contre le régime en place ?

 

 

Observations (Philippe Weckel)

Ces sanctions peuvent être reliées à des résolutions du Conseil de sécurité, mais elles ne sont pas imposées par ces résolutions.

L'Union européenne est attachée à l'Etat de droit et cet attachement s'exprime en l'occurrence dans la possibilité pour les personnes visées par ces sanctions de saisir le juge communautaire.

 

La menace iranienne de fermeture du détroit d’Hormuz et le droit international Djimgou Djomeni Michel

Onzième résolution de l'AIEA sur le nucléaire iranien Metou Brusil Miranda

Nucléaire : Rapport du Directeur général de l'AIEA sur l'Iran et Conseil des Gouverneurs de l'AIEA.  (Anne Rainaud)

Sanctions contre l'Iran: le rapport du Comité 1737, Chalain Hélène, 5 avril 2011

L'AIEA, la non prolifération nucléaire -Iran- Corée du Nord, (A RAINAUD, 13 mars 2005)

IRAN, CS, imposition de sanctions sur le programme nucléaire iranien, ( Sabrina RAHMANI, 5 janvier 2007)

IRAN-nucléaire, position de la France (Anne RAINAUX, 13 juillet 2008) 

Mobilisation de l'AIEA pour une première sortie de crise avec l'IRAN, ( Anne RAINAUD, 25 octobre 2009)

Traité de non-prolifération nucléaire, réunion du comité préparatoire pour la COnférence d'examen du TNP de 2010 (4-5mai 2009), (Anne RAINAUD, 14 juin 2009)

Iran, prolifération nucléaire de l'AIEA sur la fabrication des radio-isotopes médicaux n'est pas accepté par l'Iran (Prof. WECKEL, 1er novembre 2009)

Sommet de washington sur la sécurité nucléaire, (Prof. WECKEL, 18 avril 2010)

Réponse iranienne au Sommet de Washington, la Conférence de Téhéran sur "L'énergie nucléaire pour tout le monde. L'arme nucléaire pour personne" (Hélène CHALAIN, 25, avril 2010)

La réponse des membres permanents au Conseil de sécurité à l'Accord signé entre le Brésil, la Tuquie et l'Iran le 17 mai 2010 (Hélène CHALAIN, 6 juin 2010).

L'Union européenne adopte des sanctions autonomes renforçant la Résolution 1929 (2010) CS visant l'Iran, (Professeur Philippe Weckel, le 27 juin 2010)

Discussions avec l'Iran, un epartie de poker est-elle engagée (Prof. P. Weckel)

Nucléaire et non-prolifération: les laborieuses négociations des 6 avec l'Iran (Anne RAINAUD)

Bulletin numéro 300