Le 3 avril 2012, le Bureau du Procureur a annoncé dans une déclaration concernant la situation en Palestine que « le Bureau n’exclut pas la possibilité d’examiner à l’avenir les allégations de crimes commis en Palestine si les organes compétents de l’ONU, voire l’Assemblée des États parties, élucident le point de droit en cause dans le cadre d’une évaluation au regard de l’article 12 ou si le Conseil de sécurité lui attribue compétence en déférant cette situation conformément aux dispositions de l’article 13-b ». (Déclaration, para. 8).
I. Contenu de la déclaration du Procureur
Ainsi, le Procureur de la Cour Pénale Internationale (CPI) a suspendu l’examen préliminaire en cours et conditionne sa poursuite à une réponse des Nations Unies quant au statut de la Palestine ou à une réponse de l’Assemblée des Etats Parties au sens de l’article 112-2-g du Statut de Rome ou à une saisine de la CPI par le Conseil de Sécurité, comme ce fut le cas pour la Libye et le Darfour.
Le 21 janvier 2009, l’Autorité palestinienne avait demandé par le biais de son ministre de la justice, Ali Kashan, à ce que le Procureur enquête sur des crimes de guerre allégués commis par l’armée israélienne lors de son offensive contre le mouvement islamiste Hamas dans la bande de Gaza, en décembre 2008 et janvier 2009. Ali Kashan avait alors déposé une déclaration consentant à ce que la Cour exerce sa compétence à l’égard d’actes commis sur le territoire de la Palestine à partir du 1er juillet 2002. (Déclaration de l’autorité palestinienne du 21 janvier 2009).
A la suite de ce dépôt, le Procureur a déclenché un examen préliminaire destiné à déterminer s’il était fondé à ouvrir une enquête. Il a ainsi permis à la Commission indépendante d’établissement des faits sur Gaza de la Ligue des États arabes ainsi qu’à la Palestine de présenter leur position. (Déclaration, para. 2).
Au préalable, la Cour doit examiner sa compétence sur l’affaire. Ce n’est qu’une fois sa compétence déterminée qu’elle peut procéder à l’analyse des informations recueillies. (Déclaration, para. 3).
Or, dans le cas d’espèce, la Cour n’est saisie ni par un Etat ni par le Conseil de Sécurité. La Cour s’interroge donc sur ce qu’il faut entendre par « un Etat aux fins de l’article 12 du Statut ». (Déclaration, para. 5).
Le Bureau du Procureur n’est pas à même de déterminer si la Palestine est un Etat « aux fins d’interprétation et d’application de l’article 12 ». (Déclaration, para. 7).
En revanche, il prend acte du fait que la Palestine a été reconnue comme Etat dans le cadre de relations bilatérales par plus de 130 gouvernements et par certaines organisations internationales dont des organes onusiens mais que le statut de la Palestine à l’Assemblée générale des Nations Unies est celui d’observateur et non d’Etat membre. (Déclaration, para. 7).
II Une demande implicite faite à l’Assemblée des Etats parties d’adopter une définition fonctionnelle d’ « Etat partie »
Il est permis de voir dans cette déclaration un manque de courage de la part du Procureur en raison d’un refus évident d’enquêter sur les crimes allégués commis dans la bande de Gaza en décembre 2008 et janvier 2009, ayant causé 1330 morts palestiniens et une dizaine du côté israélien selon l’AFP. Il va de soi que le Conseil de Sécurité ne saurait saisir la CPI de cette situation en raison du veto qui serait posé par les Etats-Unis. Pour la même raison, il parait peu probable que le Conseil de Sécurité réponde de façon positive à la demande de la Palestine de devenir membre des Nations Unies en qualité d’Etat. Le Secrétaire général, se prononçant sur les recommandations de l’Assemble générale des Nations Unies, est une option qui mérite davantage de considération. Cependant, une autre option soulevée par le Procureur retient l’attention, celle de l’Assemblée des Etats parties.
Il est permis au contraire de voir dans cette déclaration une incitation faite à l’Assemblée des Etats parties au Statut de Rome, qui compte désormais 121 Etats depuis l’entrée du Guatemala, de reconnaître « une méthode visant à définir le terme « Etat » au regard de l’article 12-3 » (Déclaration, para. 6).
A cet effet, le Bureau du Procureur indique clairement dans sa déclaration que l’Assemblée des Etats parties au Statut de Rome peut décider d’examiner cette question en temps utile sur le fondement de l’article 112-2-g. (Déclaration, para. 5). Cet article dispose que « l’Assemblée s'acquitte de toute autre fonction compatible avec les dispositions du présent Statut et du Règlement de procédure et de preuve ».
A cet égard, les termes employés par le Bureau du Procureur dans sa déclaration laissent penser qu’il est favorable à une approche fonctionnelle de la notion d’Etat partie. Il est en effet question de définir ce qu’est « un Etat aux fins de l’article 12 du Statut » (Déclaration, para. 5), « un Etat aux fins d’adhésion au Statut » (Déclaration, para. 6) et « aux fins d’interprétation et d’application de l’article 12 » (Déclaration, para. 7). Le message est clair : l’Assemblée des Etats partie est à même d’éclairer le Bureau du Procureur quant au « point de droit en cause dans le cadre d’une évaluation au regard de l’article 12 » (Déclaration, para. 8). Il ne s’agit pas pour l’Assemblée de déterminer in abstracto si la Palestine est un Etat ou non mais d’indiquer in concreto si la Palestine peut être considérée comme un Etat partie au sens de l’article 12 du Statut de Rome.
Il s’agit là d’une déclaration empreinte de sagesse car, si l’Assemblée des Etat parties saisit effectivement l’opportunité présentée par le Bureau du Procureur, cette décision serait moins critiquable dans le sens où elle serait prise par un organe comprenant 121 Etats et non par une seule personne, à savoir le Procureur de la CPI. A l’avenir, ceci serait d’ailleurs bénéfique à la Palestine et constituerait un élément de poids dans son dossier devant les Nations Unies vers la reconnaissance d’un Etat palestinien.
CPI, ouverture d'une enquête sur le Darfour (A. SAMPO, 12 juin 2005)
Palestine :
Demande de reconnaissance d’un Etat palestinien à l’ONU Metou Brusil Miranda