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Soumis par Metou Brusil le 15 April 2012

Un mois à peine après l’entrée en vigueur de la charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance, le continent se trouve confronté à une vague de tensions politiques dans divers Etats, en particulier en Afrique de l’ouest. En effet, le 22 mars 2012, des militaires se sont emparés du pouvoir au Mali à la suite d’un coup d’Etat orchestré de façon quasi-spontanée par une partie de l’armée, à suite de l’impuissance du pouvoir en place à trouver des solutions efficaces sur la situation qui prévalait dans le nord Mali depuis le mois de janvier 2012. Ce coup d’Etat est apparu comme un véritable coup de massue venu assommer définitivement un Etat en proie à une vague d’insécurité dont il avait déjà du mal à résorber dans le nord. Face aux crises multiformes qui secouaient et qui secouent toujours le Mali (I), la communauté internationale devenue curieusement passive à céder la place à la CEDEAO qui s’est accaparée la résolution de cette crise (II)

I-Crises multiformes et diversifiées dans un seul Etat

En moins d’un trimestre, le Mali a fait face à la fois à une crise politique et institutionnelle au sud et une crise sécuritaire au nord,des  situations qui ont eu comme conséquences immédiates, la tendance vers un dépècement de l’Etat et de son intégrité territoriale, du fait de l’instabilité politique.

  • Une crise politique et institutionnelle dans le sud

Le Mali se trouvait et se trouve encore confronté à une crise politique et institutionnelle du fait du coup d’Etat perpétré le 22 mars par un groupe d’officiers de l’armée régulière.

  • Perpétration d’un Coup d’Etat quasi- spontané

Une junte militaire a renversé le 22 mars le président Amadou Toumani Touré à quelques semaines de la présidentielle du 29 avril. Elle a annoncé la suspension de la constitution, mis en arrêt certains membres du gouvernement en place et même les officiers supérieurs de l’armée.  Au cours de la semaine suivante, elle a annoncé  l'adoption d'un nouvel "acte fondamental", par lequel elle s'engage à ce que ses membres ne se présentent pas aux prochaines présidentielle et législatives. Le Comité national pour le redressement de la démocratie et la restauration de l' État (CNRDRE) "a adopté l'acte fondamental" composé de quelque 70 articles qui, durant la période de transition, "sera exécuté comme Constitution de l'État", indique le texte lu par un militaire sur la télévision publique. Le préambule stipule que le peuple malien "affirme solennellement sa détermination de perpétuer un État de droit et de démocratie pluraliste dans lequel les droits fondamentaux de l'Homme (...) sont garantis".

2. Déferlement des condamnations du coup d’Etat

a-A l’Union Africaine

Le Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine (UA), en sa 315èmeréuniontenue A Addis- Abéba, le 23 mars 2012, a adopté la décision suivant laquelle il a réaffirmé les instruments pertinents de l’UA, en particulier les dispositions de la Charte africaine de la Démocratie, des Elections et de la Gouvernance, qui rejettent tout changement anticonstitutionnel de Gouvernement, y compris la prise du pouvoir par la force. Dans son communiqué, l’organe de maintien de la paix et de la sécurité sur le continent a rappelé sa décision issue de sa 314e réunion tenue à Bamako, au Mali, le 20 mars 2012, sur la situation au Mali, en particulier la nécessité de mettre un terme rapide aux attaques des mouvements rebelles et a fermement condamné la rupture de l’ordre constitutionnel au Mali, intervenue à la suite du coup d’État du 22 mars 2012 et de la prise du pouvoir par des éléments de l’armée malienne.  Dans ce communiqué, le Conseil souligne que ce coup d’État, qui s’est produit juste avant l’élection présidentielle du 29 avril 2012, constitue un sérieux recul pour le Mali et pour les processus démocratiques en cours sur le continent et décide, conformément aux instruments pertinents de l’UA, de suspendre, avec effet immédiat, la participation du Mali à toutes les activités de l’Union africaine jusqu’à la restauration effective de l’ordre constitutionnel. En outre, le CPS/UA demande aux militaires de retourner immédiatement dans leurs casernes et de faire valoir leurs revendications par des voies démocratiques et, à cet égard, souligne la nécessité de la restauration immédiate de l’ordre constitutionnel. Le Conseil demande au Président de la Commission, en étroite collaboration avec la CEDEAO et les Nations unies, de prendre toutes les dispositions nécessaires pour prendre contact avec les acteurs maliens concernés, afin de hâter la réalisation de l’objectif de restauration de l’ordre constitutionnel, conformément à la Charte africaine de la Démocratie, des Elections et de la Gouvernance. Le Conseil exhorte les parties prenantes maliennes à prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la tenue de l’élection présidentielle à la date prévue, le 29 avril 2012. Par ailleurs, le CPS/UA  a exprimé son appréciation des, et son appui total aux efforts du Président de l’Union, le Président Thomas Yayi Boni du Benin, du Président en exercice de l’Autorité de la CEDEAO, le Président Alassane Ouattara de Côte d’ivoire, et le Président de la Commission de la CEDEAO, Désiré K. Ouédraogo, visant à faciliter la restauration de l’ordre constitutionnel et de la normale au Mali. Le Conseil attend avec intérêt les résultats de la Mission que la CEDEAO, l’UA et les Nations unies ont dépêchéeau Mali. Le Conseil demande aux parties maliennes concernées de recevoir la Mission et de lui apporter leur entière coopération. (Le Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine (UA), en sa 315èmeréuniontenue à Addis Abéba,le 23 mars 2012, a adopté la décision qui suitsur la situation en République du Mali)

b. A l’ONU et en Occident

            De son côté, le conseil de sécurité des Nations Unies a d’abord condamné le coup d’état dans une déclaration présidentielle sur la situation au Mali et dans la région du Sahel. Le Conseil de sécurité s’est dit « gravement préoccupé »,  par l’insécurité et la rapide dégradation de la situation humanitaire dans la région du Sahel, que viennent compliquer la présence de groupes armés et de groupes terroristes, et leurs activités, ainsi que la prolifération d’armes en provenance de la région et d’ailleurs, et qui menacent la paix, la sécurité et la stabilité des États de la région ». Aux termes de cette déclaration présidentielle, le Conseil de sécurité a prié les autorités nationales et les organisations internationales, régionales et sous-régionales de prendre d’urgence des mesures pour faire aboutir l’action concertée qu’ils mènent pour régler ces problèmes de manière efficace et constructive La déclaration a été lue ce matin devant les membres du Conseil par le représentant du Royaume-Uni, M. Mark Lyall Grant, qui préside le Conseil de sécurité en ce mois de mars 2012. (http://www.un.org/News/fr-press/docs//2012/CS10592.doc.htm). Le Conseil de sécurité de l’ONU a fermement condamné « le coup d’Etat militaire » et exigé que les « soldats mutinés contre le gouvernement démocratiquement élu » retournent dans leurs casernes.

La France a estimé pour sa part que, « Amadou Toumani Touré est toujours le Président du Mali ». Le ministre délégué à la Coopération Henri de Raincourt a indiqué que ni Paris, ni les autres pays africains, n’avaient réussi à entrer en contact avec le dirigeant. Il a également précisé que Paris n’a jamais abandonné le chef de l’Etat en raison d’un manque d’efforts du Mali pour combattre Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) qui détient six otages français. Il a toutefois reconnu que si le Niger et la Mauritanie faisaient de gros efforts pour combattre l’organisation terroriste, une certaine faiblesse et une fragilité ont été constatées au niveau du Mali. Les Etats-Unis ont même annoncé la suspension de plusieurs dizaines de millions de dollars d'aide au pays.En outre, le nouveau pouvoir s'est attiré la condamnation de la majeure partie de la classe politique malienne. Les principaux partis du pays ont créé dimanche un "Front uni pour la sauvegarde de la démocratie et de la République (FUDR)", pour dénoncer le coup d'Etat

            B-Crise sécuritaire dans le nord du pays  

Le coup d’Etat a favorisé la progression rapide de la rébellion dans le nord du Mali. Les putschistes ont dénoncé l'incapacité du régime déchu à la stopper,  mais leur action a paradoxalement contribué à nourrir un flou susceptible de profiter aux rebelles du MNLA (Mouvement national de libération de l'Azawad). Ces derniers avaient prévenu qu’ils ne feraient pas de trêve et qu’ils profiteraient de ce flottement à la tête de l'Etat pour gagner du terrain. Ils ont ainsi conquis tour à tour, presque sans heurts Kidal, la grande métropole du nord, puis Gao, et Tombouctou. La crise au nord du pays caractérisée par une rébellion armée soutenue par Aqmi, dont les conséquences sont : attaques récurrentes, massacre de soldats désarmés, hostilité à l’administration et aux forces armées et de sécurité, insécurité alimentaire, déplacement massif des populations civiles. L’incapacité du régime défunt à circonscrire la crise par la mise en place d’un dispositif militaire et de sécurité des soldats Maliens en guerre contre les rebelles : soldats en nombre insuffisant, sans armes et munitions.

1.Une conséquence de la crise libyenne

L’insécurité qui prévaut actuellement dans le nord Mali est une conséquence directe de la crise en Lybie, qui a causé la mort du Colonel Kadafi, permettant ainsi à ses ex fidèles d’envahir le septentrion du territoire Malien avec bagages et armes. Bien avant, par prudence et mesure de sécurité proactive, certains gouvernements comme ceux du Niger, de la Mauritanie, de l’Algérie et même du Burkina Faso, avaient mis en place des dispositifs sécuritaires pour contrecarrer les effets de la crise Lybienne. En conséquence, les combattants ont choisi de récidiver les actes d’une rébellion touareg datant des heures de l’indépendance en 1960 et dont des bases juridiques semblent lui avoir été offertes par la signature du Pacte National en 1992 et l’Accord d’Alger en 2006.   Finalement, l’intervention du CN CRDE en date du 22 Mars 2012 n’a été que l’aboutissement d’une situation politique fragile marquée par l’indélicatesse des gouvernements du Mali depuis 1960, face à une situation qui demande une solution énergique et définitive afin que triomphe le règne de la démocratie et de la prospérité socio économique et politique d’un Mali unifié. Le coup d’Etat du 22 mars traduisait une réaction à un malaise social et politique créé surtout par le régime en place qui  pensait surtout à tenir des élections, organiser un référendum sur la constitution du pays, instituer un nouveau découpage territorial du pays qui consistera à créer une région de Taouidéni (d’où l’esprit sécessionniste tant réclamé par la rébellion touareg).  

  • Proclamation d’indépendance de l’Azawad et rejet par la communauté internationale:Les rebelles touaregs du Mouvement national de libération de l'Azawad (MNLA), ont proclamé l'indépendance de l'Azawad le 6 avril 2012 à la chaîne de télévision française France 24. La proclamation est apparue aussi depuis sur le site du mouvement touareg. L'Azawad, immense territoire aride d'une surface équivalente à celle de la France et de la Belgique réunies, est situé au nord du fleuve Niger et comprend les trois régions administratives de Kidal, Tombouctou et Gao. Cette déclaration d’indépendance a renforcé la confusion régnant dans cette vaste zone, au bord du "désastre humanitaire", qui compte plus de 210.000 réfugiés et déplacés depuis le déclenchement de la rébellion du MNLA mi-janvier. Elle a officialisé la division du Mali entre le sud des militaires putschistes et le nord en proie à l'anarchie.

En proclamant leur indépendance, les Touareg du Nord-Mali ont, semble-t-il, réalisé un vieux rêve dont les origines remontent aux années 60. Le 10 janvier 1957, la France adopte une loi portant création d’une Organisation commune des régions sahariennes (OCRS), rapporte l’historien Patrice Gourdin dans un article publié sur le site Tamoudre. « Cette instance, destinée à définir et conduire une politique commune à l’ensemble du "Sahara français", devait englober les départements sahariens d’Algérie (des Oasis et de Saoura, créés en août 1957), les régions saharo-sahéliennes du Soudan (devenu le Mali, en 1960), du Niger et du Tchad. Dès février 1959, le champ fut restreint aux seuls départements algériens car le statut d’autonomie des territoires d’Afrique subsaharienne adopté en 1956 interdisait d’interférer dans l’administration de leur bande saharo-sahélienne ». Par ailleurs, il n’est pas question pour le Front de libération national (FLN) que le nouvel Etat soit amputé de la frange saharienne de son territoire. Le général de Gaulle s’aligne sur la position du mouvement indépendantiste lors d’une conférence de presse le 5 septembre 1961. Ses déclarations constituent une fin de non-recevoir pour les Touareg qui avaient réclamé, un an plus tôt, après avoir tenté de rallier le FLN à leur cause, « un statut politique au sein de l’OCRS ». « Puisque vous quittez le pays touareg, rendez-nous notre bien tel que vous nous l’avez arraché [...] Nous ne voulons pas que les Noirs ni les Arabes nous dirigent […] Puisque l’indépendance s’annonce et que vous la donnez, alors nous les Touaregs nous voulons nous diriger nous-mêmes et rassembler notre société tout entière là où elle se trouve, dans notre pays. Nous voulons que notre pays soit un seul pays », écrivent les Touareg au général Charles de Gaulle. Cette lettre réitère des doléances déjà exprimées dans la lettre du 30 mai 1958, auxquelles s’ajoute, cette fois-ci, une demande d’autonomie.

Très vite, l'Union africaine (UA), l'Union européenne (UE), les Etats-Unis, des pays voisins du Mali et la France, ex-puissance coloniale, ont rejeté cette déclaration unilatérale comme "nulle et non avenue" ou "sans aucune valeur", selon Jean Ping, président de la Commission de l'UA. « Cette déclaration d’indépendance est nulle, non avenue et sans aucune valeur. Au nom du principe fondamental de l’intangibilité des frontières, j’appelle toute la communauté internationale à soutenir pleinement cette position de principe de l’Afrique », a martelé Jean Ping, président de la Commission de l’Ua. « La France est attachée à l’intégrité territoriale du Mali, il n’est pas question de remettre en cause la souveraineté de ce pays », a ajouté le ministre français des Affaires étrangères, Alain Juppé. « L’Algérie n’acceptera jamais une remise en cause de l’intégrité territoriale du Mali », a renchérit le Premier ministre algérien Ahmed Ouyahia dans une interview publiée vendredi dans le journal français Le Monde.  La Cédéao "dénonce" et juge "nulle" la proclamation de l'indépendance de l'Azawad, vaste zone dominée par des groupes armés islamistes et criminels, selon les termes de son communiqué. Elle "réaffirme son attachement à l'unité et à l'intégrité territoriale" du Mali.

Il faut dire que la proclamation d’indépendance de l’Azawad change complètement la donne des termes de négociations pour le retour de la paix au nord  Mali. En effet, les enjeux de la rébellion sont désormais différents, puisqu’il ne s'agit plus seulement d'obtenir l'intégration de Touaregs dans l'administration et dans l'armée, ou de confier la sécurité du nord du Mali aux Touaregs, comme le prévoient le pacte national signé en 1992 et les accords conclus en 2006 à Tamanrasset (Algérie). Il y a en jeu, à défaut d’une forte autonomie du nord du pays, l’indépendance de l'Azawad, terre mythique dont les frontières diffèrent que l'on soit Songhaï ou Touareg. Pour les premiers, le territoire se limite à la région située au nord de Tombouctou. Pour les seconds, il est bien plus vaste et englobe les trois régions de Kidal, Gao et Tombouctou - pas moins de 800 000 km2, soit les deux tiers du pays, pour seulement 1,4 million d'habitants, à peine le dixième de la population malienne.

II-Accaparement de la résolution de la crise par la CEDEAO

LA CEDEAO a été créée en 1975 avec pour but de promouvoir la coopération et l'intégration entre ses membres. En 1990, son pouvoir a été étendu au maintien de la stabilité sous-régionale avec la création d'un groupe militaire d'intervention.  La CEDEAO compte à ce jour 15 Etats membres dont le Mali. Dès le début de la crise malienne qui a éclaté le 22 mars avec la prise du pouvoir par une junte militaire dirigée par le capitaine Amadou Sanogo, la CEDEAO s'es illustrée par une réaction ferme et rigoureuse condamnant l'accession illégla au pouvoir.  Sous la houlette du président ivoirien Alassane Ouattara, président en exercice de la structure, l'organisation sous- régionale a affiché dès les premières heures sa détermination à tout mettre en oeuvre pour le retour de l'ordre constitutionnel au Mali.  "Il était question pour la CEDEAO de développer des initiatives pour que les belligérants arrêtent les hostilités et que la légalité constitutionnelle soit rétablie", avait déclaré le ministre burkinabé des Affaires étrangères, Djibril Bassolé, s'exprimant devant la presse sur la crise malienne au nom du médiateur Blaise Compaoré, président du Burkina Faso. (http://www.ecowas.int/?lang=fr).

L’organisation sous-régionale a pris un certain nombre de sanctions à l’encontre de la junte au pouvoir à Bamako : Ultimatum, "embargo total", et menace d’intervention militaire. La Cédéao a multiplié les initiatives pour tenter de sortir le Mali de la crise. La tâche était  complexe avec la présence de groupes islamistes locaux et d’Al-Qaïda au Maghreb islamique. Toutefois, la CEDEAO qui jouait sa crédibilité devait agir avec prudence, c’est-à dire en trouvant une solution à la crise politique et institutionnelle sans encourager ou favoriser l’avancée des rebelles Touareg et des milices armées dans le nord du pays.

A-Avalanche des sanctions

D’abord  empêchés d’atterrir le jeudi 29 mars à l'aéroport international Bamako-Sénou, le président en exercice de la CEDEAO et ses homologues burkinabè, béninois, nigérien, et libérien, se sont repliés à Abidjan pour un sommet de crise.  A l’issue de cette assise, ils ont d’abord menacé de sanctions politiques, économiques et financières si le capitaine Amadou Haya Sanogo n'abdiquait pas dans les 72 heures.  Puis, lors du sommet de Dakar, le 2 avril, la Cedeao a décidé d’imposer un embargo total à la junte malienne, et de créer une force de 2 000 hommes pour intervenir au Mali. Une décision ferme qui masque cependant des approches parfois très différentes entre les chefs d’État d'Afrique de l'Ouest. La junte n’a pas attendu le deadline pour donner des gages de bonne volonté : d'abord avec les excuses présentées aux «indésirables» par les nouveaux occupants du palais de Koulouba ; puis avec la délégation expédiée à Ouagadougou la 31 mars pour échanger avec l'expert ès médiation de Kosyam avant que Djibril Bassolet, le ministre burkinabè des Affaires étrangères, ne se rende dans la soirée même à Bamako pour poursuivre les discussions. Résultat de ce chassé-croisé diplomatique, les nouveaux maîetres du pays se disent disposés à décamper dans les meilleurs délais. La batterie de mesures préconisée était pour le moins dissuasive. Etaient envisagés :

- la suspension du Mali de toutes les instances de la CEDEAO ;

- le rappel des ambassadeurs des Etats membres de la CEDEAO accrédités au Mali pour consultation ;

- l'interdiction aux membres du CNRDRE et à leurs associés de voyager dans l'espace de la CEDEAO ;

- la fermeture des frontières des Etats membres de la CEDEAO sauf pour les cas humanitaires;

- le gel des avoirs des différents responsables du CNRDRE et de leurs associés dans les pays membres de la CEDEAO ;

- la fermeture au Mali de l'accès aux pays côtiers de la CEDEAO ;

- le gel des comptes du Mali à la BCEAO ;

- le non-approvisionnement des comptes de l'Etat malien dans les banques privées à partir de la BCEAO ;

- le gel des concours financiers à partir de la BOAD et de la BIDC.

Le mini-sommet d’urgence de la Communauté des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) qui s’est tenu le 2 avril à Dakar, en marge de la cérémonie de prestation de serment du nouveau président sénégalais Macky Sall, a permis aux chefs d’États présents de parvenir  à s’entendre pour imposer un embargo à la junte militaire malienne. Ils ont mis cette menace à exécution à partir du lundi 02 Avril 2012, alors qu’à l’issue de la rencontre à Ouagadougou (Burkina Faso) d’une délégation du CNRDRE avec le Président du Burkina Faso qui joue le rôle de médiateur, le Capitaine Amadou Haya Sanogo avait accepté le retour à l’ordre constitutionnel. Les sanctions dont il s’agit se traduisent en autres par :

- la suspension du Mali de toutes les instances de la CEDEAO,

- le rappel des ambassadeurs de l’organisation pour consultation,

- la fermeture des frontières,

- le gel des avoirs du Mali à la Banque Centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) et le non approvisionnement des banques nationales,

- la suspension des programmes d’aide au développement

b-Eventualité d’une intervention militaire de la CEDEAO au Mali

La CEDEAO a envisagé lhypothèse d'une intervention militaire pour rétablir l'ordre constitutionnel au mali, ce qui pouvait s'avérer problématique et contestable à plusieurs égards. Le levier militaire prévu devait se traduire par la montée en puissance de la Force en attente de la CEDEAO pour parer à toute éventualité. En effet, le bras armé de l'organisation ouest-africaine, l’Ecomog compte déjà à son actif plusieurs interventions dans des crises antérieures dont le déploiement au Libéria en 1990 et en Sierra Leone en 1997. Seulement, la probabilité d'une intervention militaire au mali demeurait soumise à de nombreux autres facteurs, tel le soutien explicite de l’Union africaine et des Nations unies.  Si tel devait être le cas, il aurait fallu définir au préalable le mandat de cette force  et le contenu de sa mission au Mali : devait-elle être une force d'interposition, une force d'intervention visant à remettre en place Amadou Toumani Touré, le président déposé par les putschistes le 22 mars ou alors une force  de confrontation avec les rebelles du Nord ayant pour but de préserver l’intégrité du pays et assurer la sécurité des civils ? Légitimement, l’hypothèse d’une intervention militaire au Mali dans ce contexte illustrait l’immaturité des décisions de la CEDEAO et la non prise en compte de tous les paramètres de la crise. De même, l’organisation sous-régionale s’est illustrée par sa tendance à vouloir agir seule dans une situation qui interpellait non seulement l’Union Africaine, mais aussi et surtout le conseil de sécurité des Nations unies.

Si une intervention avait été décidée, elle aurait été  inédite : la force armée de l’organisation sous-régionale ne s’était jusque-là déployée que sur demande d’un État en proie à une guerre civile. L’intervention est d’abord sollicitée par un Etat membre et l’organisation se prononce par la suite. Or en l’absence d’une autorité légitime en place à Bamako, il était difficile d’envisager la possibilité d’intervenir au Mali sur demande de la CEDEAO. Une décision unilatérale de la CEDEAO aurait supposée en tout état de cause une substitution au conseil de sécurité des Nations agissant dans le cadre du chapitre 7 de la charte qui constate d’abord une menace ou une atteinte à la paix et à la sécurité internationale avant de décider d’une intervention militaire. Dans le cas présent, la CEDEAO n’avait même pas encore qualifié la situation au Mali comme étant une menace ou une rupture de la paix et de la sécurité sous-régionale. D’ailleurs, elle se gardait bien de se prononcer sur les mesures à prendre pour rétablir la sécurité dans le nord du pays.

c. Soutien post-fact du conseil de sécurité et de l’Union africaine à l’organisation sous-régionale

Dans une déclaration de la Présidence du Conseil adoptée par les 15 membres, le Conseil de sécurité, tout en demandant  aux éléments des forces armées maliennes qui ont pris par la force le pouvoir « de garantir la sûreté et la sécurité de toutes les personnalités maliennes et exigeant la libération immédiate de celles qui sont détenues» a réitéré « son appel en faveur du rétablissement immédiat de l'ordre constitutionnel et du gouvernement démocratiquement élu ainsi que la poursuite du processus électoral. » Le Conseil  a déclaré soutenir l'action menée par la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) et salue les efforts déployés par le Président Blaise Compaoré, en sa qualité de médiateur nommé par la CEDEAO, pour favoriser le retour complet de l'autorité civile et le rétablissement effectif de l'ordre constitutionnel au Mali. Il prend acte du fait que les mutins ont annoncé le rétablissement de l'ordre constitutionnel à compter du 1er avril 2012 et compte que « ces derniers prendront immédiatement des mesures pour donner effet à cet engagement ». Le Conseil de sécurité condamne fermement les attaques et les pillages que continuent de mener des groupes rebelles dans le nord du Mali. « Il demande aux rebelles de cesser immédiatement toute violence et exige de toutes les parties au Mali qu'elles s'emploient à trouver une solution pacifique grâce au dialogue politique », selon la déclaration de la Présidence. S'agissant de l'insécurité et de la situation humanitaire dans la région du Sahel, le Conseil redit sa vive préoccupation. Il rend hommage aux organisations humanitaires pour leur intervention et demande à toutes les parties au Mali de permettre l'acheminement de l'aide. Il réclame « une mobilisation plus énergique de la communauté internationale pour appuyer les opérations humanitaires. » (http://www.un.org/News/fr-press/docs//2012/CS10600.doc.htm)

B-Processus de rétablissement de l’ordre constitutionnel

Le chef de la junte entre pressions diplomatiques et l'avancée de la rébellion,  a annoncé la 1er avril le rétablissement de "la Constitution et les institutions, tout en promettant des "consultations avec les forces vives du pays" dans le cadre d'une "transition". Ce discours d'apaisement s'explique par le fait que la junte fait à la fois face aux fortes pressions diplomatiques et à l'avancée de la rébellion qui a pris la ville de Tombouctou, divisant ainsi le Mali en deux.

                        1-Conclusion d’accord-cadre de transition

La junte militaire a signé le 6 avril 2012 avec la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (Cédéao) un «accord-cadre» pour le retour de l'ordre constitutionnel complet, avec un intérim assuré par le chef du parlement, selon un proche de la junte. «Il y a eu un accord signé» par le chef de la junte, le capitane Amadou Sanogo, avec le ministre burkinabè Djibrill Bassolé, représentant du médiateur pour la crise malienne. Le texte de 5 pages prévoit que la cour Constitutionnelle « constate la vacance de la présidence» et investisse pour l'intérim du pouvoir le président de l'Assemblée nationale, a expliqué une source proche de la junte. Des ministres chargés des questions de diplomatie - un Ivoirien et un Nigérian - en ont été les témoins officiels, selon la même source.  Le texte, prévoit également  la désignation d'un «Premier ministre de transition, chef du gouvernement et ayant pour mission de conduire la transition, de gérer la crise dans le nord du Mali et d'organiser des élections libres, transparentes et démocratiques».

Dans la foulée, le Secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, a salué les efforts continus de la Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) pour faciliter le retour à l'ordre constitutionnel au Mali, notamment la signature, le 6 avril, d'un accord entre la junte militaire et l'équipe de médiation de la CEDEAO. Le Représentant spécial du Secrétaire général pour l'Afrique de l'Ouest, Saïd Djinnit, s'est rendu du 6 au 7 avril dans la capitale malienne Bamako, pour réitérer la position de l'ONU, selon laquelle un retour rapide à l'ordre constitutionnel et le respect de l'unité et l'intégrité territoriales du Mali sont nécessaires. « Sa visite a fait suite aux consultations ces dernières jours entre le Secrétaire général Ban Ki-moon et un certain nombre de dirigeants ouest-africains concernant la situation au Mali. Elle était destinée aussi à soutenir, sur le terrain les efforts de médiation du Président Compaoré du Burkina Faso au nom de la CEDEAO », a précisé le Bureau des Nations Unies pour l'Afrique de l'Ouest dans un communiqué de presse publié samedi. (http://www.un.org/apps/newsFr/storyF.asp?NewsID=27948&Cr=Mali&Cr1)

De son côté, L'Union africaine (UA) s'est "félicitée" de l'accord et a exhorté "tous les acteurs maliens concernés" à le mettre en oeuvre "de bonne foi pour permettre à leur pays de relever les défis majeurs auxquels il doit faire face pour rétablir son processus démocratique, ainsi que l'autorité de l'Etat sur l'ensemble de son territoire national".(Communiqué de Presse (FR)) Le ministre français des Affaires étrangères Alain Juppé a "salué" un accord qui "crée les conditions pour avancer vers la recherche d'une solution politique concernant le Nord", ajoutant que dès l'installation des autorités civiles, "la France reprendra sa coopération bilatérale civile et militaire" interrompue après le putsch.

                        2-Instauration d’un gouvernement de transition

La signature de l’accord- cadre avec le médiateur de la CEDEAO, représenté par le burkinabé Djibril Bassolé, signifiait que les putschistes abandonnent le pouvoir et permettent un retour à "l'ordre constitutionnel". Conformément à l'article 36 de la Constitution malienne de février 1992, l'intérim de la présidence revenait de facto au président de l'Assemblée nationale, Dioncounda Traoré (http://unpan1.un.org/intradoc/groups/public/documents/cafrad/unpan002746.pdf). Ainsi, une fois la vacance du pouvoir constatée à travers la démission du Président Amadou Toumani Touré intervenue le 8 mars 2012, le président de l'Assemblée nationale a été investi président. A cet égard, la Cour constitutionnelle du Mali a pris un arrêt le 10 avril désignant le président de l'Assemblée nationale, Dioncounda Traoré, comme président de la République par intérim. Dans cet arrêt, la Cour constitutionnelle a cité l'article 36 de la Constitution du 25 février 1992 qui stipule: "En cas de vacance de la présidence de la République pour quelque cause que ce soit ou d'empêchement absolu ou définitif constaté par la Cour constitutionnelle saisie par le président de l'Assemblée nationale et le Premier ministre, les fonctions de président de la République sont exercées par le président de l'Assemblée nationale ". En même temps, selon l'arrêt, Dioncounda Traoré devra déposer son mandat de député, conformément à l'article 34 de la Constitution qui dispose que "les fonctions de président de la République sont incompatibles avec l'exercice de toute autre fonction politique, de tout autre mandat ou de tout emploi public, de toute autre activité professionnelle et lucrative".

La Cour constitutionnelle estime qu'il est impossible d'organiser une élection présidentielle dans le délai constitutionnel, compte tenu de la situation sécuritaire dans le nord du pays, occupé par les rebelles touareg et des groupuscules islamiques. Selon la Constatation du Mali, la vacance de la présidence de la République donne lieu à l'organisation d'un scrutin en vue de l'élection d'un nouveau président qui doit se dérouler 21 jours au moins et 40 jours au plus.

Une premier ministre sera nommé et disposera des pleins pouvoirs. Il prendra la tête la tête d'un Gouvernement d'union nationale, pour gérer les urgences : préparer des élections, faire face à la crise humanitaires, et trouver une solution pour mettre fin aux rébellions dans le nord du pays. Une structure de suivi a été créée pour les putschistes qui avaient demandé, pendant les négociations, que leur immunité soit garantie. Une loi devrait être votée en ce sens, comme le garantit l'accord cadre. Des élections devraient être organisées, de préférence dans les mois qui viennent. Dans l'intervalle, des négociations pourront être engagées avec les rébellions touaregs. Djibril Bassolé, le représentant du président burkinabé Blaise Compaoré, a mené les négociations jusqu'à ce premier succès. Il a prévenu que la mission du gouvernement serait de mettre fin à la situation de la moitié nord du pays, sous contrôle de plusieurs mouvements rebelles qui semblent au bord d'un affrontement, et que les deux options seraient au nombre de deux: soit des négociations en bonne et due forme, soit "la guerre".

L'accord-cadre conclu le 6 avril entre la junte malienne et la Cedeao pour une transition dirigée par Dioncounda Traoré est donc désormais à l'étape de sa mise en œuvre.

La crise malienne a connu un début de dénouement avec le retrait de la junte militaire au profit d'un pouvoir civil qui a commencé à exercer de manière officielle depuis le 12avril, en dépit de la persistance de la division du pays. En effet, si la CEDEAO a pu trouver une solution de sortie de la crise politique et institutionnelle, la crise sécuritaire dans le nord persiste et les rebelles touarègues détiennent de nombreux atouts pour discuter d’une forte autonomie des territoires dont ils assurent désormais le contrôle. En revanche, une crise voit le jour en Guinée Bissau après qu'un groupe de militaires eut occupé la radio et la télévision nationales et attaqué la résidence du Premier ministre Carlos Gomez Junior.

Bulletin numéro 300