On l’attendait impatiemment ces dernières semaines, la nouvelle est enfin confirmée le : l’opération européenne de lutte anti-piraterie, Atalante, est étendue. Cette extension de l’opération, opérée par le Conseil de l’Union européenne (décision 2012/174/PESC du Conseil du 23 mars 2012 modifiant l’action commune 2008/851/PESC concernant l’opération militaire de l’Union européenne en vue d’une contribution à la dissuasion, à la prévention et à la répression des actes de piraterie et de vols à main armée au large des côtes de la Somalie) porte sur deux niveaux : l’extension temporelle et l’extension opérationnelle. Cette décision fait suite à la proposition d’aide offerte par l’UE au gouvernement fédéral de transition somalien (offre transmise par lettre du 20 février 2012) acceptée par ce dernier et communiquée au secrétaire général des Nations Unies, conformément aux termes des résolutions 1851 (point 6) et 2020 (point 9). Ces points exprimaient la possibilité pour les navires tiers de mettre en œuvre tout moyen pour lutter contre la piraterie dans les eaux territoriales somaliennes à la condition que le pays dont il bat pavillon fasse partie de ceux communiqués en ce sens par le GFT au secrétaire général. La décision du 23 mars vient donc modifier, préciser, l’action commune 2008/851/PESC du Conseil du 10 novembre 2008, acte fondateur de l’opération Atalante (action commune 2008/851/PESC du Conseil du 10 novembre 2008 concernant l’opération militaire de l’Union européenne en vue d’une contribution à la dissuasion, à la prévention et à la répression des actes de piraterie et de vols à main armée au large des côtes de la Somalie).
1. Une prolongation temporelle
Comme il y a déjà été procédé à plusieurs reprises depuis l’adoption de la première décision visant à créer et lancer l’opération, la présente décision la prolonge à nouveau, pour une période deux ans : « il convient de proroger l’opération militaire de l’Union européenne […] jusqu’au 12 décembre 2014 » ((5) de la décision).
2. Une prolongation opérationnelle
Les termes des actions pouvant être menées sous l’égide d’Atalante ont été modifiés, tendant à donner plus de compétences à l’opération, et ce à fin de s’adapter aux évolutions de la piraterie maritime. Ce n’est en effet plus un secret pour personne aujourd’hui : les pirates vont plus loin, frappent plus fort, sont plus violents, et n’ont peur de rien. Partant, les moyens mis en œuvre initialement ne sont plus suffisants et se devaient d’être réévalués et réajustés pour répondre au mieux aux défis opérationnels – et, conséquemment, juridiques – posés à la force européenne.
Cette extension passe tout d’abord par une redéfinition de la zone géographique d’intervention des forces européennes. Ainsi, d’une zone limitée à 500 milles marins au large des côtes de la Somalie et des pays voisins, l’on passe à une zone comprenant « le littoral somalien et les eaux intérieures, ainsi que les zones maritimes au large des côtes de la Somalie et des pays voisins dans la région de l’océan Indien ». La limite des 500 miles est supprimée, permettant d’intervenir là où vont désormais les pirates ; l’intervention dans les territoires relevant en principe de la souveraineté somalienne (eaux territoriales et intérieures) est consacrée.
L’extension de l’opération passe également par l’élargissement de ses missions : si la compétence initiale concernait les actes de piraterie et de vols à main armée en mer, les forces européennes ont à présent pour mission de surveiller les activités de pêche – dont l’illicéité est un argument largement invoqué par les pirates pour justifier leurs méfaits, et dont il convient d’en vérifier la réalité.
Ensuite, le mandat de l’opération se trouve lui aussi étendu par cette nouvelle décision. Dans la droite lignée de l’extension précédemment évoquée de la mission aux eaux intérieures somaliennes, la protection apportée aux navires du programme alimentaire mondial (PAM) est étendue lorsque ceux-ci naviguent aussi, désormais, dans les eaux intérieures somaliennes. La surveillance des eaux s’applique également aux eaux intérieures.
Autre nouveauté intéressante, et très pertinente dans le cadre du renforcement la lutte contre la piraterie, est l’extension de la compétence des forces européennes sur les personnes ayant l’intention de commettre de tels actes – jusqu’ici, en effet, ne pouvaient être transférées que les personnes « ayant commis ou suspectées d’avoir commis » (art. 12 de la décision PESD précitée et art. 12 nouveau). Ces personnes pourront être transférées aux États de la région, sous réserve du respect du droit international.
La nouvelle configuration des compétences de l’opération européenne sont intéressantes à deux titres : elles permettent une intervention plus large (tant en termes géographiques que d’appréhension du suspect) ; et, partant, devraient a priori rendre plus effective la lutte contre la piraterie maritime au large de la Somalie. La prochaine étape serait-elle l’intervention à terre ? Si la question s’est posée, elle n’a pas reçu d’approbation générale, au regard des risques encourus et des mauvais souvenirs de l’intervention américaine sur le territoire.
3. La question du développement d’un droit d’intervention à terre
Il semblerait que la proposition de l’extension de l’opération à des interventions terrestre ait été faite, mais n’a pas été suivie par le Conseil dans sa décision. Si la raison en est très certainement plus politique que juridique – le Conseil de sécurité ayant déjà donné un cadre légal à des interventions sur le territoire somalien, cadre mis à profit par la France dans le cadre de l’opération Thalathine visant à poursuivre les responsables de l’attaque du Ponant.Toutefois, la question se fait de plus en plus remarquer ; la Chine vient ainsi tout récemment de réitérer la question de l’étude d’une telle possibilité.
Enfin, pour conclure, les moyens engagés sur zone devraient être augmentés, en raison notamment de la fin de la période de mousson ; par ailleurs, la France a pris, le 7 avril et pour une durée de 4 mois, le commandement de l’opération.
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