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Soumis par Banzeu Rostand le 11 March 2012

Le texte du projet de résolution du Conseil de Sécurité des Nations Unies est formel là-dessus. Ce 29 février 2012, le sieur Hassan Bubacar Jallow, actuel Procureur près le Tribunal Pénal International pour le Rwanda (TPIR)  a été nommé  comme Procureur du Mécanisme international chargé d’exercer les fonctions résiduelles des Tribunaux Pénaux Internationaux pour un mandat de quatre (04) ans à compter du 1er mars 2012. Cet acte de nomination  traduit manifestement la volonté du Conseil de Sécurité de concrétiser la perspective de l’achèvement des travaux des Tribunaux Pénaux Internationaux par la mise en place du « Mécanisme », en tant qu’organe conjoint appelé à exercer certaines fonctions essentielles en la matière après leur fermeture.  Ainsi, de manière substantielle, la nomination du juge Hassan Bubacar Jallow donne l’occasion d’analyser l’organe du Procureur dans son mandat et ses attributions principales au sein du « Mécanisme », d’entrevoir la portée de cet acte dans la mise en place progressive de ce nouvel organe, et enfin de jeter un regard sur la perspective de l’achèvement des travaux du TPIR et du Tribunal Pénal International pour l’Ex Yougoslavie (TPIY), dans le cadre de la justice pénale internationale.

                         1. Retour sur l’organe du Procureur au sein du Mécanisme

D’entrée de jeu, il importe de souligner que dans la perspective de la fermeture du TPIR et du TPIY, le Conseil de Sécurité des Nations Unies a décidé de créer une institution mineure chargée de parachever le mandat de ces deux tribunaux pénaux par sa Résolution 1966 (2010) du 22 décembre 2010. Il s’agit plus précisément du Mécanisme international chargé d’exercer les fonctions résiduelles des Tribunaux pénaux en abrégé (« le Mécanisme ») composé de deux divisions : la première pour les fonctions résiduelles du TPIR et la seconde pour les fonctions résiduelles du TPIY. Conformément aux dispositions de l’article 4 du Statut du Mécanisme, celui-ci exerce ses fonctions par l’intermédiaire de trois organes notamment les chambres, le greffe et le Procureur Commun aux deux divisions.

Partant, suivant les dispositions de l’article 14 du Statut du Mécanisme, le Procureur est avant tout « un organe distinct du Mécanisme », qui agit en toute indépendance et ne sollicite, ni ne reçoit d’instructions d’aucun gouvernement, ni d’aucune autre source. C’est un organe qui sera chargé de diligenter les poursuites au sein des deux divisions du Mécanisme sous l’autorité de Monsieur Hassan Bubacar Jallow.

De ce fait, le juge Hassan Bubacar Jallow est désormais le Procureur commun aux deux futures divisions du Mécanisme et conserve ses fonctions actuelles en tant que Procureur du TPIR. Cet acte de nomination arrive à point nommé car, la Résolution 1966 du Conseil de Sécurité prévoit en son paragraphe 1, la mise en place de la Division du TPIR du Mécanisme à l’échéance du 1er juillet 2012 et celle du TPIY un an plus tard, le 1er juillet 2013. Toutefois, il convient de s’interroger sur le choix du sieur Hassan Bubacar Jallow à cette fonction, sur le cumul des fonctions et sur la spécificité des fonctions du Procureur du Mécanisme.

Sur le premier point, une lecture circonspecte de la biographie du sieur Hassan Bubacar Jallow laisse penser que le Conseil de Sécurité a fait le choix de l’expérience et de la compétence. En effet, lorsque dans sa lettre du 27 février 2012 adressée au Conseil de sécurité, le Secrétaire général des Nations Unies estime que le Mécanisme bénéficierait énormément de l’expérience considérable, des remarquables qualités de chef et du profond attachement à la justice pénale internationale de Monsieur Jallow, il paraît vraisemblablement qu’il s’agit d’un choix stratégique qui privilégie d’abord l’expérience du sieur Jallow au service du TPIR depuis le 15 septembre 2003 (date à laquelle il prend la place de Carla del Ponte au poste de Procureur du TPIR) et, par voie de conséquence sa compétence en la matière. Cette expérience sera nécessairement utile dans le parachèvement des travaux du TPIR et du TPIY. Bien plus c’est un choix qui tire son fondement des dispositions de l’article 14 (4) du Statut du Mécanisme qui privilégient trois critères essentiels dans le choix d’une personne à ce poste notamment :

  • Une haute moralité ;
  • La compétence la plus élevée en matière de justice pénale internationale ;
  • Une solide expérience de l’instruction et de la poursuite des affaires criminelles.

A l’observation Monsieur Hassan Bubacar Jallow répond à ces trois critères, ce qui consolide la légalité de son choix en tant que Procureur du Mécanisme.

Ensuite, relativement au cumul des fonctions, il faut noter que  l’article 7 (a) des dispositions transitoires annexées au Statut du Mécanisme, règle la question. Il dispose en effet que « Nonobstant les dispositions des Statuts du Mécanisme, du TPIY et du TPIR, le président, les juges, le Procureur et le Greffier du Mécanisme peuvent également exercer les fonctions de président, juge, procureur et greffier du TPIY et du TPIR ». A l’analyse, ce cumul peut se justifier par un souci pratique, celui de faciliter à la fois l’achèvement des mandats du TPIR et du TPIY  et la gestion efficiente de la transition entre les tribunaux pénaux et le Mécanisme.

Enfin, sur les fonctions du Procureur, elles ne se démarquent pas à proprement parler de celles qui lui étaient attribuées au sein du TPIR par les dispositions de l’article 15 du Statut du TPIR à une nuance près. En effet, selon les dispositions de l’article 14 (1) du Statut du Mécanisme, « le Procureur est responsable de l’instruction des dossiers et de l’exercice de la poursuite » non plus  contre les personnes présumées responsables de violations graves du droit international humanitaire commises au Rwanda ou en Ex-Yougoslavie de manière générale, mais contre deux groupes de personnes en particulier notamment :

  • Les personnes mises en accusation par le TPIR ou le TPIY qui font partie des plus hauts dirigeants soupçonnés de porter la responsabilité la plus lourde des crimes pénaux internationaux en tenant compte de la gravité des crimes et de la position hiérarchique de l’accusé ;
  • Les personnes mises en accusation par le TPIR ou le TPIY qui ne font pas partie des plus hauts dirigeants si et seulement si le Mécanisme à épuisé toutes « les solutions raisonnables » pour renvoyer l’affaire devant les juridictions nationales compétentes.

Il convient de remarquer que l’accent ici est mis sur la personne des hauts dirigeants déjà mis en accusation soit par le TPIY, soit par le TPIR. Ce qui explique clairement la logique de restriction qui imprègne le mandat du Procureur et du Mécanisme.

Par ailleurs, relativement au  mandat du Procureur Hassan Jallow, il faut préciser qu’il a été nommé pour un mandat de quatre ans comme précédemment relevé. Ce mandat s’aligne simplement sur la durée de fonctionnement de la période initiale du Mécanisme qui est aussi de quatre ans  et dont la computation commence à la date d’entrée en fonction de la Division du TPIR du Mécanisme le 1er juillet 2012 ; et reste aussi identique à la durée du mandat du Procureur du TPIR. La reconduction éventuelle du sieur Hassan Bubacar Jallow aux fonctions de Procureur du Mécanisme sera fonction de l’état d’avancement des travaux du Mécanisme et de la décision du Conseil de sécurité qui reste saisi de la question.

         2. Sur la voie de l’opérationnalisation d’une juridiction pénale internationale à minima

La nomination de Monsieur Hassan Bubacar Jallow comme Procureur du Mécanisme International chargé des fonctions résiduelles des tribunaux pénaux internationaux est l’indice remarquable de la mise en place d’une « juridiction pénale internationale à minima ». En effet,  comme la Résolution 1966 le précise, il s’agit avant tout d’une « petite entité efficace à vocation temporaire, dont les fonctions et la taille iront diminuant et dont le personnel peu nombreux sera à la mesure de ses fonctions restreintes ». C’est un organe qui réunit formellement les attributs fondamentaux de la juridiction à travers le pouvoir de juger par l’effet d’une « sentence » obligatoire les cas qui seront portés à sa connaissance en application du droit pénal international. Par ailleurs, le caractère « minimaliste » de cet organe découle non seulement de la nature des fonctions à elles attribuées et du volume du personnel qu’il devra mobiliser. En ce qui concerne la nature des fonctions du Mécanisme, le Résolution 1966 parle de « fonctions résiduelles »  dont la substance juridique recouvre trois aspects essentiels :

  • La protection et le soutien des victimes et témoins ;
  • Les décisions portant sur les renvois et les sursis ;
  • L’organisation des procès résiduels des inculpés en fuite.

Pour ce qui est du volume du personnel, qu’il s’agisse des Chambres, du Procureur ou du Greffe, la vision est celle du recrutement d’un personnel limité.

Bien plus, il convient de noter que dans sa lettre du 27 février 2012 adressée au Conseil de sécurité, le Secrétaire général rappelle qu’il a déjà nommé M. John Hocking comme Greffier du Mécanisme et a par ailleurs recommandé la nomination de l’ancien président du TPIY, le juge Theodor Meron des Etats Unis au poste de président du Mécanisme. Ce qui incline à penser que de manière générale, l’on a privilégié les  membres actuels du TPIR et du TPIY dans le choix des personnes devant accomplir le mandat du Mécanisme. C’est un choix qui garde toute sa pertinence eu égard au fait qu’il met l’accent sur l’expérience de ces personnes dans le souci de faciliter le parachèvement des travaux du TPIR et du TPIY. En plus, ces éléments démontrent à suffisance que la mise en place du Mécanisme sera effective à compter du 1er juillet 2012, tout au moins en ce qui concerne la Division du TPIR.

Dans la même optique, le Secrétaire général des Nations Unies est appelé à soumettre au Conseil de sécurité, un  projet de règlement de procédure et de preuve du Mécanisme au plus tard le 31 juin 2012.

                       3. Perspectives : la question de l’achèvement des travaux du TPIR et du TPIY

La nomination du juge gambien Hassan Bubacar Jallow comme Procureur du Mécanisme soulève en perspective la question de l’achèvement des travaux du TPIY et du TPIR. En effet, le Mécanisme est appelé à succéder à ces deux juridictions pénales internationales pour achever de manière complète leurs travaux respectifs.

Initialement, le Conseil de sécurité à travers ses Résolutions 1503 (2003) du 28 août 2003 et 1534 (2004) du 26 mars 2004, avait demandé aux TPIY et au TPIR de prendre toutes les mesures afin de terminer leurs travaux en 2010. Etant donné que ce délai n’a pas été tenu, le Conseil a tenu à lancer le processus de la mise en place du Mécanisme et a fixé un nouveau délai pour l’achèvement des travaux de ces deux juridictions pénales internationales à la date du 31 décembre  2014. Afin de bien cerner la perspective de l’achèvement des travaux de ces deux juridictions pénales, il est utile de faire un bref détour sur le bilan de leurs activités à ce jour.

En ce qui concerne le TPIR,  son dernier rapport sur la stratégie d’achèvement des travaux du tribunal transmis au Conseil de Sécurité en date du 12 mai 2011 fait état de neuf (09) affaires qui sont encore pendantes devant la juridiction et rassure le Conseil de sécurité sur sa ferme volonté « à mener à leur terme la grande majorité des activités liées aux procès en instance avant la fin de 2011, une infime partie devant être achevée au cours de premier semestre 2012 et les appels en 2014 ».

Quant au TPIY, la lettre du président du TPIY adressée au président du Conseil de sécurité en date du 15 novembre 2011 fait état de ce que 126 accusés sur 161 ont été jugés en dernier ressort par le tribunal. Par ailleurs depuis l’arrestation des deux derniers fugitifs du tribunal (Ratko Mladic et de Goran Hadzic) le TPIY a amorcé la phase finale de son mandat et entend achever le traitement des affaires pendantes d’ici 2014. Cet état de choses peut suggérer un double commentaire.

D’abord, il semble que l’opérationnalisation du Mécanisme par l’effet de la nomination de ses membres à l’instar du Procureur, procède d’une logique de concrétisation de la fermeture future du TPIY et du TPIR à l’horizon 2014, tout en intégrant les exigences formelles du procès équitable. Le délai de 2014 semble avoir été fixé en accord avec les prévisions suggérées par les deux juridictions en l’espèce et le traitement en cours des affaires pendantes augure du respect de ce  nouveau délai.

Ensuite, il est important de ne pas occulter la nécessité de satisfaire au droit à la justice pour les victimes de violations graves du droit international humanitaire ou des droits de l’homme au Rwanda et en Ex-Yougoslavie. Car seul doit prévaloir la lutte contre l’impunité par le jugement de toutes les personnes mises en accusation devant le TPIY ou le TPIR.

Somme toute, la nomination du juge Hassan Bubacar Jallow semble découler d’un choix stratégique fondé sur le respect des exigences professionnelles liées aux lourdes responsabilités qu’imposent la fonction de Procureur. Il faut souhaiter que dans la perspective de la clôture définitive des épisodes judiciaires du Rwanda et de l’Ex Yougoslavie, les Etats puissent coopérer pleinement avec le Mécanisme afin de lui donner les moyens d’accomplir efficacement le mandat qui lui a été assigné.

 

 

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Bulletin numéro 297