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Soumis par Djimgou Djomen… le 11 March 2012

Bon an mal an, la justice rwandais fait son bonhomme de chemin dans l'ascension au statut de système judiciaire répondant critères d'une bonne justice. Par touches successives, elle s'inscrit parmi les systèmes judiciaires les plus fiables du contient et même au-delà. La preuve en a, une fois de plus, été donnée par le Tribunal pénal internaétional pour le Rwanda (TPIR).

Le 22 février 2012 en effet, une Chambre du TPIR, constituée en vertu de l'Article 11 bis du Règlement de procédure et de preuve de cette juridiction, a donné droit au Rwanda, dans sa demande de transfert, auprès de ses juridictions, de l'affaire Fulgence KAYISHEMA. Cette décision est, dans une grande mesure, le fruit d'une véritable épreuve de persévérance à laquelle les faits et les procédures ont soumis les Parties.

L'affaire commence véritablement depuis le 5 juillet 2001 lorsque le Procureur du Tribunal pénal international pour le Rwanda inculpe Fulgence KAYISHEMA en signant, à l'encontre de ce dernier, un acte d'accusation.  Cet acte indique que Fulgence Kayishema est accusé "de génocide, ou subsidiairement, de complicité dans le génocide, d'entente en vue de commettre le génocide, et de crimes contre l'humanité (extermination)." Depuis cette inculpation, l'accusé, inspecteur de police dans la commune de Kivumu à l'époque du génocide, est en fuite. Le TPIR ne rendant pas de jugement par contumace, et compte tenu du peu de temps qui reste au Tribunal pour l'accomplissement de son mandat, le Procureur se résout à solliciter le transfert de Kayishema aux juridictions rwandaises. Il dépose, à cette fin, en 2007, une requête auprès du Tribunal. Cette demande de transfert est rejetée le 11 juillet 2007 par la décision d'une chambre du Tribunal, rejet - du reste - confirmé en appel le 16 décembre 2008. Entretemps, intervient une autre demande de transfert concernant UWINKINDI Jean Bosco. Alors que cette dernière affaire est en instance, le Procureur récidive en introduisant à nouveau, le 4 novembre 2010, une demande de transfert de KAYISHEMA Fulgence, demande sur laquelle la Chambre sursoit à statuer en attendant soit le dénouement de l'affaire UWINKINDI Jean Bosco, soit l'arrestation du mis en cause. La décision rendue le 28 juin 2011 par une Chambre du Tribunal et surtout la confirmation de celle-ci en appel le 16 décembre 2011 dans le cadre de l'Affaire UWINKINDI Jean Bosco ressuscite l'instance qui aboutit à la décision commentée.

Pour rendre sa décision du 22 février 2012, la Chambre du TPIR devait examiner la question - apparemment simple mais ô combien complexe - de savoir si le Rwana est à même de garantir à KAYISHEMA Fulgence un procès équitable s'il était transféré auprès de ses juridictions. La démarche qui conduit le juge à rendre sa décision sur cette affaire a consisté à passer le système judiciaire rwandais au crible des standards de l'administration d'une bonne justice à l'aune des conventions internationales en la matière. Outre le respect de la présomption d'innocence et de la règle non bis in idem, ont ainsi été, tour à tour examinés, le droit pénal rwandais dans son ensemble, la structure des peines appliquées dans ce pays, les conditions de détentions au Rwanda, la disponibilité et la protection des témoins, la possibilité pour les accusés de l'assistance d'un conseil, la qualification des juges rwandais, la compétence et l'impartialité des juridictions rwandaises ainsi que la mesure de sauvegarde que constitue le pouvoir de contrôle et de révocation du transfert par le Tribunal.

A l'évidence, passer avec succès le test de conformité aux instruments juridiques internationaux sur les différents points susmentionnés est la preuve des progrès réalisés par le Rwanda dans la modernisation de son cadre normatif et institutionnel relatif à la répression des atteintes graves au droit international des droits de l'homme. Les éléments de cette modernisation transparaissent d'ailleurs dans les plaidoyers faits aussi bien par le Procureur que la le Rwanda dans son amicus curiae. Il s'agit notamment de l'abolition de la peine de mort (à la faveur de la loi organique n°11/2007 du 16 mars 2007), de l'adoption d'une loi sur le transfert des accusés par le TPIR, de la mise sur pied d'un système de protection des témoins, de l'automaticité de l'assistance judiciaire pour les personnes accusées des crimes relevant de la compétence du TPIR, avec possibilité, pour celles-ci, de s'attacher les services d'un conseil de leur choix, de l'augmentation des ressources (tant humaines que matérielles) consacrées à la modernisation du système judiciaire, des garanties de contrôle externe (notamment par des préposés de la Cour africaine des droits de l'homme et des peuples) de la conduite des procès concernant les personnes transférées etc.

  • En sus des considérations purement juridiques susmentionnées, l'on ne peut perdre de vue le fait que la décision rendue dans cette instance dans laquelle la règle du contradictoire était assurée grâce à l'amicus ciriae de l'International Criminal Defence Attorney Association (ICDAA), tient également de facteurs métajuridiques, plus précisément les difficultés qu'éprouve le Tribunal à vider tout seul son rôle avant la fin de son mandat dont le terme a été maintes fois prorogé. Le TPIR a plus que jamais besoin de l'assistance des juridictions nationales pour faire juger un certain nombre de personnes accusées, notamment ceux non encore arrêtées. Le TPIR a ainsi déjà transféré à la France, les cas BUCYIBARUTA Laurent et MUNYESHYAKA Wenceslas, et au Rwanda, l'Affaire UWINKINDI Jean Bosco. La décision rendue dans le cas KAYISHEMA Fulgence est la preuve, s'il en était besoin, que le Tribunal d'Arusha peut bien compter sur le Rwanda pour l'assister dans l'accomplissement de son mandat.

 

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Bulletin numéro 297