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Soumis par Breton Caroline le 22 January 2012

Le 22 décembre 2011, les Etats-Unis ont présenté une demande (WT/DS316/18) concernant l’autorisation d’imposer des contre-mesures à l’encontre de l’Union européenne dans l’affaire Airbus (WT/DS316 : Communautés européennes – Mesures affectant le commerce des aéronefs civils gros porteurs).

 

I/ Le contexte général de l’affaire Airbus

 

Les Etats-Unis avaient requis, en 2004, l’ouverture de consultations avec les Communautés européennes et certains de leurs Etats membres (l’Allemagne, l’Espagne, la France et le Royaume-Uni) au sujet de mesures accordées au profit des sociétés Airbus affectant le commerce des aéronefs civils gros porteurs. Ils estimaient notamment qu’elles constituaient des subventions spécifiques au sens des articles 1 et 2 de l’Accord sur les subventions et les mesures compensatoires (SMC) et qu’elles étaient incompatibles avec leurs obligations au titre des articles 3, 5 et 6 de l’Accord SMC et des articles XVI:1 et XXIII:1 de l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce de 1994 (GATT). 

 

La plainte américaine entendaient ainsi contester plus de 300 cas de subvention alléguée accordés au cours de ces dernières 40 années et regroupés par le Groupe spécial établi en 2005 en 5 catégories : « i) “aide au lancement” ou “financement des Etats membres” (AL/FEM) ;  ii) prêts de la Banque européenne d’investissement (BEI) ;  iii) infrastructures et dons pour les infrastructures ;  iv) mesures de restructuration de sociétés ;  et v) financement de la recherche et du développement technologique ». 

 

Le Groupe spécial, dans son rapport de 2010 (WT/DS316/R), commence par déterminer quelles mesures contestées constituent des « subventions », c’est-à-dire s’il y a eu « une contribution financière des pouvoirs publics ou de tout organisme public du ressort territorial d’un Membre » ou « une forme quelconque de soutien des revenus ou des prix au sens de l’article XVI du GATT de 1994 » conférant à l’entité qui prend la mesure « un avantage » (article 1.1 de l’Accord SMC), mais encore si ces subventions sont « spécifiques » à « une entreprise ou à une branche de production ou à un groupe d’entreprises ou de branches de production […] relevant de la juridiction de l’autorité qui accorde cette subvention » (article 2.1 de l’Accord SMC). Il vérifie, enfin, si ces mesures emportent des effets défavorables. La question qui se posait en l’espèce était donc celle de savoir si en recourant à ces subventions, les Communautés européennes et leurs Etats membres causaient ou menaçaient de causer un « dommage » à la branche de production de LCA des Etats-Unis (article 5 a) de l’Accord SMC) et / ou un « préjudice grave » aux intérêts des États-Unis (article 5 c) de l’Accord SMC).

 

Il a été constaté par le Groupe spécial que ces subventions spécifiques avaient bien eu pour conséquences de détourner du marché européen des importations de LCA des Etats-Unis et des marchés australien, brésilien, chinois, coréen, mexicain, singapourien et probablement indien des exportations de LCA des Etats-Unis, engendrant ainsi des pertes de ventes notables et donc un préjudice grave pour les intérêts américains au sens de l’article 5 c) de l’Accord SMC ; mais non qu’elles avaient eu pour effets une sous-cotation notable, un empêchement de hausses de prix notable ou une dépression des prix notable. Il n’a dès lors pas été établi que les mesures prises causaient ou menaçaient de causer un dommage à la branche de production nationale des Etats-Unis.

 

Le Groupe spécial a donc recommandé que le Membre accordant chaque subvention prohibée la retire sans retard dans un délai de 90 jours et qu’il prenne des mesures appropriées pour retirer chaque subvention causant des effets défavorables ou en éliminer lesdits effets.

 

En 2010, l’Union européenne, comme les Etats-Unis, ont fait appel de certaines questions de droit couvertes par le rapport du Groupe spécial et de certaines interprétations du droit données par celui-ci auprès de l’Organe d’appel permanent (OAP).

 

Dans un rapport distribué aux Membres en 2011, ce dernier confirme que certaines subventions accordées à Airbus par l’Union européenne et ses Etats membres étaient incompatibles avec les dispositions de l’article 5 c) de l’Accord SMC en ce qu’elles avaient causé un préjudice grave aux intérêts des Etats-Unis ; et, que l’Union européenne se devait de prendre des mesures appropriées pour supprimer les effets défavorables ou retirer les subventions pouvant donner lieu à une action.

 

En revanche, l’OAP exclut que certaines des mesures concernées puissent engendrer un préjudice grave. Il infirme, par ailleurs, les constations du Groupe spécial relatives à l’existence d’un détournement au Brésil, au Mexique, à Singapour et au Taipei chinois et d’une menace de détournement en Inde ; celles relatives aux subventions qui pouvaient être considérées comme de facto subordonnées aux résultats à l’exportation attendus ; et enfin, celles visant à ce que l’Union européenne et ses Etats membres retirent, dans un délai de 90 jours, les subventions prohibées. 

 

II/ La demande d’autorisation d’appliquer des mesures de rétorsion présentée par les Etats-Unis

 

Lors de la réunion de l’Organe de règlement des différends (ORD) du 19 décembre 2011, l’Union européenne a annoncé qu’elle avait pris toutes les mesures appropriées pour se conformer aux recommandations et décisions de l’ORD dans l’affaire Airbus, ce que les États-Unis ont immédiatement contesté de nouveau.

 

Ces derniers avaient ainsi déjà présenté une demande (WT/DS316/18) afin d’être autorisés à suspendre certaines de leurs concessions au titre de l’article 22:2 du Mémorandum d’accord sur le règlement des différends et de l’article 7.9 de l’Accord SMC. Ce dernier dispose en effet que « dans le cas où le Membre n’aura pas pris des mesures appropriées pour éliminer les effets défavorables de la subvention ou retirer la subvention dans un délai de six mois à compter de la date à laquelle l’ORD aura adopté le rapport du groupe spécial ou le rapport de l’Organe d’appel, et en l’absence d’accord sur une compensation, l’ORD accordera au Membre plaignant l’autorisation de prendre des contre-mesures proportionnelles au degré et à la nature des effets défavorables dont l’existence aura été déterminée, à moins que l’ORD ne décide par consensus de rejeter la demande ».

 

Après expiration du délai imparti laissé à l’UE et à ses membres pour se conformer au droit de l’OMC et en l’absence d’accord sur une compensation, les Etats-Unis ont donc souhaité obtenir l’autorisation de prendre des contre-mesures à leur égard « d’un niveau annuel proportionnel au degré et à la nature des effets défavorables causés pour les intérêts des Etats‑Unis par le fait que l’UE et certains Etats membres n’ont pas retiré les subventions ou éliminé leurs effets défavorables conformément aux recommandations et décisions de l’ORD.  Ce montant correspond à la valeur annuelle des ventes perdues, des importations d’aéronefs civils gros porteurs des Etats‑Unis détournées du marché de l’UE et des exportations d’aéronefs civils gros porteurs des Etats-Unis détournées des marchés de pays tiers.  Le montant sera actualisé chaque année en fonction des données les plus récentes à la disposition du public.  Sur la base des données actuellement disponibles pour une période récente, les Etats-Unis estiment que ce chiffre se situe entre 7 milliards et 10 milliards de dollars par année » (WT/DS316/18).

 

Les Etats-Unis ont par ailleurs indiqué qu’ils avaient pris cette mesure au regard de l’article 22:6 du Mémorandum d’accord (qui prévoit que la règle du consensus négatif s’applique dans un délai de 30 jours à compter de la fin de la période de mise en conformité) dans la mesure où « si l’UE ne s’opposait pas à leur demande, l’ORD l’approuverait ce jour, à moins qu’il ne décide par consensus de la rejeter [et s]i l’UE s’opposait à leur demande, la question serait automatiquement soumise à arbitrage ».

 

L’Union européenne s’est bien entendu opposée à la demande américaine. Elle conteste notamment le niveau de la suspension de concessions ou d’autres obligations requis et soulève que « les principes et procédures énoncés à l’article 22:3 du Mémorandum d’accord n’avaient pas été suivis et que la proposition n’était pas autorisée au regard des accords visés ».  Elle a donc demandé que la question soit soumise à arbitrage conformément à l’article 22:6 du Mémorandum d’accord.

Bulletin numéro 290