Ce n'est pas jouer les Cassandre que de souligner la détérioration du climat général sur les questions de maintien de la paix et de la sécurité internationales. Il y a bien sûr, très fortement présente dans ce numéro, une forme de contestation africaine. Sa portée est limitée en raison de la division et des faiblesses de l'Union africaine, encore manifestes ces derniers jours dans la gestion du dossier soudanais. Elle est beaucoup plus inquiétante en ce qui concerne la crise syrienne et, surtout la situation de l'Iran qui est aujourd'hui incontestablement la plus sensible. Les convulsions politiques du monde arabe remettent en cause les équilibres géo-politiques majeurs. Les conséquences institutionnelles et politiques de ce trouble commencent à se faire sentir. Ainsi, dans la crise syrienne les méthodes de travail au Conseil de sécurité qui ont pourtant fait leurs preuves sont inopérantes. Le Conseil est paralysé et la Ligue arabe embourbée. On y reviendra très bientôt, mais il faut évoquer la situation de l'Iran alors que brutalement le détroit d'Ormuz est devenu, sinon le centre du monde, du moins son point sensible. Dans la crise du nucléaire iranien, les Puissances occidentales ont mangé leur pain blanc. Elles sont parvenues à préserver aussi loin que possible le consensus au sein du G6 (3(UE) plus 3 ou 5 + 1). On devinait que le point de rupture (relative) serait un jour atteint. Un jour, la Russie et la Chine refuseraient de faire un pas supplémentaire dans le développement des sanctions. Nous y sommes. Les installations de Qoms que l'Iran avait tenté de cacher désormais à la fabrication d'uranium hautement enrichi impropre à une utilisation pacifique. Les nouvelles ne sont plus destinées directement à empêcher le développement d'un programme nucléaire militaire, elles infligent un dommage tel à l'économie du pays que l'on escompte que son gouvernement se pliera aux décisions du Conseil de sécurité. L'efficacité de telles mesures dépendra de leur application par les principaux acteurs privés et publics. Or elles prennent la forme de sanctions « unilatérales » (formule discutée s'agissant de l'Union européenne) qui se fondent, certes, sur les résolutions du Conseil de sécurité dont elles ont pour d'assurer l'exécution, mais ne sont pas commandées par elles. Praeter legem, ces dispositifs sont des mesures d'application et non d'exécution des Résolutions. De fait, même si on les jugent compatibles avec la Charte, les Occidentaux agissent désormais sans filet, sans la couverture légale du Conseil de sécurité, en raison de l'opposition de la Chine et de la Russie. Le processus de contournement du Conseil de sécurité visible dans la crise syrienne est aussi observable pour l'Iran.
Les nouvelles sanctions visent les secteurs sensibles de l'activité pétrolière et des finances (banque centrale). En raison des risques pour l'économie mondiale le dispositif devrait être mis en oeuvre de manière prudente et progressive. Après les Etats-Unis et le Canada, l'Union européenne devrait dévoiler cette semaine son train de mesures.
On discerne d'ores et déjà que ces sanctions sont susceptibles d'affecter les intérêts privés et publics d'Etats tiers et que la question de leur effet extra-territorial se posera de manière de plus en plus forte.
Le Département d'Etat américain a annoncé le 12 février que trois sociétés du secteur pétrolier faisaient l'objet de sanctions. Il s'agit de la société chinoise Zhuhai Zhenrong Corp qui est le premier importateur en Iran de produits raffinés, de la société Kuo Oil Pte Ltd de singapour et une société d'investissement, la FAL Oil, des Emirats Unis. Ces premières mesures auraient une portée essentiellement symboliques. Elles interdisent à ces sociétés l'accès aux licences d'importation et au crédit aux Etats-Unis, n'affectent donc pas les Etats dont elles relèvent et adressent un avertissement aux grandes sociétés chinoises du secteur. Ces derniers jours les émissaires diplomatiques américains envoyés auprès de plusieurs pays asiatiques ont le danger que représenterait désormais le commerce avec l'Iran.
Le 31 décembre dernier le Président Obama a promulgué une loi qui vise la banque centrale iranienne. Elle autorise l'Exécutif a sanctionner toute institution financière étrangère, privée ou publique, qui maintiendrait des relations avec la banque iranienne. Cette dernière joue un rôle essentiel dans les transactions relatives aux produits pétroliers.
Les autorités américaines affichent l'intention de contraindre le gouvernement de Téhéran à revenir à la table des discussions.
US Ratchets up Economic Sanctions Targeting Iran’s Central Bank and Its Crude Oil Exports.
2012-01-12 - Three Companies Sanctioned Under the Amended Iran Sanctions Act
CISADA: The New U.S. Sanctions on Iran
Déclaration du porte-parole du Ministère des Affaires étrangères Liu Weimin sur la décision américaine de sanctionner la compagnie Zhuhai Zhenrong
2012/01/14
Q : Le Département d'Etat américain a récemment annoncé sa décision de sanctionner la compagnie chinoise Zhuhai Zhenrong ? Quels sont vos commentaires là-dessus ?
R : La Chine a, comme beaucoup d'autres pays, une coopération normale avec l'Iran dans les domaines énergétique, économique et commerciale. Les Etats-Unis tentent d'internationaliser leurs sanctions unilatérales contre l'Iran et de sanctionner la compagnie chinoise concernée selon leurs lois internes. Cette façon d'agir sans aucun fondement ne correspond pas au contenu ni à l'esprit des résolutions adoptées par le Conseil de Sécurité sur le dossier nucléaire iranien. Nous y exprimons notre vif mécontentement et notre ferme opposition.
Onzième résolution de l'AIEA sur le nucléaire iranien Metou Brusil Miranda
Nucléaire : Rapport du Directeur général de l'AIEA sur l'Iran et Conseil des Gouverneurs de l'AIEA. (Anne Rainaud)
Sanctions contre l'Iran: le rapport du Comité 1737, Chalain Hélène, 5 avril 2011
L'AIEA, la non prolifération nucléaire -Iran- Corée du Nord, (A RAINAUD, 13 mars 2005)
IRAN-nucléaire, position de la France (Anne RAINAUX, 13 juillet 2008)
Sommet de washington sur la sécurité nucléaire, (Prof. WECKEL, 18 avril 2010)
Discussions avec l'Iran, un epartie de poker est-elle engagée (Prof. P. Weckel)
Nucléaire et non-prolifération: les laborieuses négociations des 6 avec l'Iran (Anne RAINAUD)