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Soumis par Metou Brusil le 16 September 2012

Après Trinité-et-Tobago  en 1998, le Venezuela a décidé à son tour de se retirer de la Convention américaine relative aux droits de l'homme. Par le biais de son Ministre des affaires étrangères, cet Etat a notifié le 10 septembre 2012 au secrétaire général de l’OEA, une lettre par laquelle il renonçait à sa participation au pacte de San José. La convention américaine relative aux droits de l’homme a été signe é à San José du Costa Rica le 22 novembre 1969 par les Etats de l’OEA et entrée en vigueur en 1978. Cette Convention établit une Commission Interaméricaine des droits de l'homme et une Cour interaméricaine des droits de l'homme.  Le Venezuela a reconnu la compétence de la Commission interaméricaine des droits de l'homme et le 24 juin 1981 celle de la Cour interaméricaine des droits de l'homme, conformément aux articles 45 et 62 de la Convention, respectivement. Cette dénonciation aura des répercussions sur le fonctionnement  efficient de ces institutions, alors que le système américain des droits de l’homme connaît un essor considérable en droit international des droits de l’homme.  L’article 2 de la convention de Vienne sur le droit des traités qui précise le sens des expressions employées dans ladite convention ne définit  pas  la dénonciation ou le retrait. Selon le Dictionnaire de de droit international public publié sou la direction du Professeur Jean Salmon, la dénonciation est l’ « acte par lequel une partie à un accord international déclare y mettre fin, en tout ou en partie, à son égard ».  Le mot retrait est souvent employé pour designer la dénonciation par un Etat d’une convention multilatérale à laquelle il est partie. Si les conséquences d’une dénonciation d’un traité par un Etat partie sont importantes (III), il faut dire que la procédure de dénonciation doit être conforme aux prescriptions conventionnelles en ce sens (II), car même si l’Etat auteur de la dénonciation  n’est pas toujours obligé de motiver sa décision, les motifs de cet acte peuvent être plus ou moins connus (I).

I.Les causes de la dénonciation

De nombreux motifs président à la décision d’un Etat de se retirer d’une convention multilatérale. En règle générale, l’Etat qui se retire de la convention n’est pas tenue de motiver formellement sa dénonciation. Mais les circonstances qui précèdent un tel acte laissent toujours présager la décision future.

1.Des rapports tumultueux entre Caracas et les instances régionales des droits de l’homme : Depuis l’arrivée du président Hugo Chávez au pouvoir en 1999, la CIDH a multiplié les décisions et rapports défavorables au Venezuela, dans des proportions largement supérieures au reste de l’Amérique latine. Ainsi, depuis sa création et jusqu’à l’arrivée d’Hugo Chávez au pouvoir en 1999, la CIDH n’avait émis que cinq jugements condamnant des violations de droits de l’homme au Venezuela. En revanche, entre 2000 et 2012, la CIDH a condamné Caracas à 36 reprises. Ainsi, en l’espace de 12 ans, la CIDH a condamné le Venezuela 7 fois plus que durant les 40 années précédentes, marquées par des exactions de toute sorte et notamment le Caracazo du 27 et 28 février 1989, révolte populaire contre la vie chère réprimée dans le sang par l’armée et la police et qui a coûté la vie à près de 3 000 civils.

En 2008,  la cour suprême du Venezuela avait déjà  rejeté une  décision de la Cour interaméricaine des droits de l’homme d’août 2008 demandant le rétablissement dans leurs fonctions et l’indemnisation de trois juges révoqués en 2003, et demandé au gouvernement de renoncer à la Convention américaine relative aux droits de l’homme.  « La Cour suprême vénézuélienne a rendu un arrêt surprenant et décevant, déclarait alors Kerrie Howard, directrice adjointe du programme Amériques d’Amnesty International. Elle ne devrait pas considérer la décision de la Cour interaméricaine comme une critique mais plutôt comme une occasion de consolider la protection et le respect des droits humains. »

2-L’arrêt du 24 juillet 2012 rendu par la cour interaméricaine des droits de l’homme : La décision du Venezuela intervient après que la Cour s’est prononcée le 24 juillet dernier en faveur d’un ressortissant vénézuélien, Raúl José Díaz Peña, accusé d’avoir participé à deux attentats à la dynamite contre deux ambassades en 2003 et condamné en 2008 à neuf ans et quatre mois de prison.  Deux ans plus tard, après avoir obtenu un permis de travail pour sortir de prison, l’intéressé avait pris la fuite et s’était réfugié aux États-Unis. Le Venezuela a été reconnu coupable d’atteinte au droit à l’intégrité physique et de mauvais traitements contre Raúl José Díaz Peña. Le gouvernement vénézuélien a jugé la sentence de la Cour favorable à un « terroriste » et conforme aux recommandations de la Maison Blanche contre tous les « gouvernements progressistes » d’Amérique Latine. Le 28 juillet 2012, le président Hugo Chávez a fait part sa décision de se retirer de la Commission interaméricaine des droits de l’homme, dénonçant un  verdict politique.

Le 24 juillet 2012, la Cour interaméricaine des droits de l’homme (CIDH) a rendu publique sa décision condamnant l’Etat vénézuélien « d’être internationalement responsable de la violation du droit à l’intégrité personnelle et de traitements inhumains et dégradants à l’encontre de Monsieur Raúl José Díaz Peña ». L’instance a jugé que la « détention [de ce dernier] aurait été illégale et arbitraire et qu’il aurait été soumis à un régime de détention préventive qui aurait dépassé les limites établies dans la loi pénale, en invoquant une présomption de risque de fuite ». La CIDH a également condamné l’Etat vénézuélien à verser 15 000 dollars à Díaz Peña.

a.Les faits : Le 11 avril 2002, le patronat vénézuélien, avec les média privés qu’il contrôle, ont tenté de faire un coup d’État contre Hugo Chavez, pour porter au pouvoir un certain Pedro Carmona Estanga, alors président du syndicat patronal Fedecámaras et actuellement réfugié en Colombie. Le système d’élection populaire est aussitôt aboli, et la répression contre les chavistes commence. Dans la journée, le « nouveau gouvernement » est reconnu par les USA et par l’Union Européenne qui se déclarent tout à fait innocents de toutes implications dans ce coup d’État. La population descend massivement dans la rue et le Président Chavez retrouve le pouvoir. Mais le 25 février 2003, une faction radicale composé de cinq hommes dont Raúl José Díaz Peña, attaque à l’explosif le consulat général de la République de Colombie et de l’Ambassade d’Espagne. Le but est de faire croire à des représailles du gouvernement Chavez contre ceux qui avaient reconnu le gouvernement issu du coup d’État de l’année précédente. Les cinq membres du commando furent arrêtés le jour même, mis en prison, puis passèrent en jugement.

Le Sieur Diaz Peña fut condamné, en première instance, à 9 ans et 4 mois de prison pour terrorisme à l’égard des instances vénézuéliennes. En 2010, un régime de semi-liberté lui est octroyé, et il en profite pour s’enfuir aux USA. Or, dès 2005, la « Venezuela Awareness Foundation » dépose un recours auprès de la CDIH qui accepte d’étudier le cas de Díaz Peña. Ainsi, contre toute attente de la part du Venezuela, la CIDH a accepté dès 2005 d’étudier le cas de Díaz Peña soumis par la Venezuela Awareness Foundation, une organisation de l’opposition à Hugo Chávez. Or, pour pouvoir émettre un jugement, les statuts de l’entité interaméricaine stipulent que tous les recours juridiques doivent avoir été épuisés dans le pays d’origine, ce qui n’est pas le cas pour l’affaire Díaz Peña. C’est la première fois dans l’histoire de la justice interaméricaine que la CIDH accepte d’étudier le cas d’un individu condamné pour terrorisme dans son propre pays, en fuite aux Etats-Unis et dont le procès est toujours en cours, en violation de sa propre Convention. A ce jour, l’entité juridique de l’OEA n’a pas fourni d’explication à ce sujet. Le 24 juillet 2012, l’instance régionale des droits de l’homme a rendu sa décision sur cette affaire en condamnant l’Etat vénézuélien et en lui demandant de réparer le préjudice causé  au mis en cause.

b.Rejet de l’arrêt de la CIDH par le Venezuela : Dès le prononcé de l’arrêt, les autorités vénézuéliennes ont émis diverses protestations en menaçant l’arme d’une possible dénonciation du pacte de San José. Nicolás Maduro, ministre des Affaires étrangères du Venezuela, a fait part de sa consternation et a annoncé que son pays se retirerait de l’organisation. « Il est regrettable d’en arriver là, mais le Venezuela y a été contraint par les décisions aberrantes et abusives qui ont été prises contre notre pays depuis 10 ans » par la CIDH. « Aucun pays d’Europe ni les Etats-Unis n’accepterait que la CIDH protège un terroriste », a-t-il ajouté. La diplomatie vénézuélienne a accusé l’entité « de complicité avec la politique de Washington de protection aux terroristes » et a exigé « que soient appliques les principes d’universalité, d’impartialité, d’objectivité et de non-sélectivité dans l’examen des questions des droits de l’homme.

Le président Chávez a confirmé que son pays se retirerait de la CIDH. « Le Venezuela se retire de la Cour interaméricaine des droits de l’homme par dignité et nous l’accusons aux yeux du monde d’être indigne de porter ce nom de droits de l’homme en apportant son soutien au terrorisme », a-t-il souligné. La CIDH « ne nous a même pas appelé pour nous consulter. Ici [au Venezuela], il y a eu un jugement, une condamnation, il y a des témoins qui ont affirmé que ce terroriste a fait exploser des bombes à l’ambassade d’Espagne et de Colombie. Cela a été prouvé », a-t-il ajouté.

C.Les rapports conflictuels du Venezuela avec la Commission

Les rapports entre le Venezuela et la commission interaméricaine des droits de l’homme ont connu des soubresauts depuis un certain temps. En effet, après la publication le 24 février 2010 du rapport du CIDH : Democracia y Derechos Humanos en Venezuela, qui a signalé d’inquiétants manquements aux libertés d’expression au sein du pays, le président vénézuélien Hugo Chávez a annoncé dans une publication sur le site de la Venezolana De Televisión (vtv.gov.ve) que « malheureusement, l’ OEA est devenue en majeure partie un instrument de domination, et pour cela doit disparaître tôt ou tard » (cité dans Las líneas de Chávez, 28 février 2010). Le gouvernement vénézuélien a nié en bloc et qualifié de « diffamatoire » ce rapport de plus de 300 pages, qui dénonce entre autres l’absence de séparation et d’indépendance effective des pouvoirs publics, la violation du droit à l’information et à la liberté d’expression à travers des médias contrôlés, et également l’existence de l’impunité, la violence et la répression à l’égard des dissidents.  Déjà, en 2008, la délégation d’une autre ONG, Human Rights Watch s’était fait expulsée du sol vénézuélien après la publication d’un rapport de 230 pages intitulé « Intolérance politique et occasions manquées pour le progrès des droits humains au Venezuela ». Le Venezuela, signataire de la Convention Américaine sur les Droits de l’Homme et Etat membre de l’OEA (Organisation des États Américains), dont le CIDH dépend directement. A ce titre, cet Etat était dans l’obligation de se soumettre à ce type d’investigation, qui nécessite l’autorisation pour les membres de la Commission d’effectuer des visites d’observations au sein du pays. Or, depuis la publication du dernier rapport de ce type en 2003, le Venezuela avait toujours  fermé ses portes aux membres de la commission, arguant qu’elle devrait « rectifier ses positions partiales » envers le Venezuela avant cela. Cette non-reconnaissance du rapport de 2009 présageait déjà le retrait du Venezuela de l’OEA

            II.La procédure de dénonciation

En droit international public, un traité peut être dénoncé s’il prévoit les modalités de sa dénonciation ou s’il ressort implicitement de ses stipulations que telle était l’intention des parties. En effet, il existe une règle que l’on peut considérer comme coutumière, comme l’indique la Déclaration de la Conférence de Londres de 1871, suivant laquelle tout État partie à un traité ne peut procéder à sa dénonciation de façon unilatérale, sauf si le traité en cause en dispose autrement. La Déclaration de Londres de 1871 disposait justement que « c’est un principe essentiel du droit des gens qu’aucune puissance ne peut se délier des engagements d’un traité, ni en modifier les stipulations, qu’à la suite d’un assentiment des parties contractantes, au moyen d’un accord amiable ».  Or, comme le remarque Jean Leca, les États n’ont pas mis longtemps avant d’essayer de trouver le moyen de contourner cette règle sitôt approuvée tant elle a pu rebuter certains États par sa lourdeur.  La dénonciation ou le retrait sont en général réglementé par le traité en cause. Si un traité ne contient de clause de sa dénonciation par une partie, il ne peut « prendre fin que pour les motifs énumérés limitativement dans la convention. » (CIJ, Arrêt du 25 septembre 1997, Projet Gabcikovo- Nagymaros, § 100). Cependant, la dénonciation du Venezuela s’est faite sur prévisions conventionnelle (1) et entrainera des conséquences sur le système américain de protection des droits de l’homme (2).

            1.Le respect des prévisions conventionnelles : En dépit de la spécificité de son objet,  les conventions relatives aux droits de l’homme  sont  également régies par le général  droit des traités, notamment la convention de Vienne de 1969 sur le droit des traités.   Selon l’article 56 de cette convention, « Un traité qui ne contient pas de dispositions relatives à son extinction et ne prévoit pas qu’on puisse le dénoncer ou s’en retirer ne peut faire l’objet d’une dénonciation ou d’un retrait, à moins:

a) qu’il ne soit établi qu’il entrait dans l’intention des parties d’admettre la possibilité d’une dénonciation ou d’un retrait; ou

b) que le droit de dénonciation ou de retrait ne puisse être déduit de la nature du traité.

2. Une partie doit notifier au moins douze mois à l’avance son intention de dénoncer un traité ou de s’en retirer conformément aux dispositions du par. 1. »

Il n’existe donc pas un droit général de dénonciation et la convention de Vienne laisse chaque traité régler à sa façon le retrait de l’une des parties. Le Pacte de San José offre l’opportunité de dénonciation aux Etats en disposant en son article 78.1 que : « Les Etats parties peuvent dénoncer la présente Convention à l'expiration d'un délai de cinq ans à partir de la date de son entrée en vigueur, moyennant un préavis d'un an, adressé au Secrétaire général de l'Organisation, qui doit en informer les autres Etats parties ».  (L’article 65 de la convention européenne des droits de l’homme contient une  disposition similaire).

Les conditions de dénonciations des conventions ont tendance à être rigoureuses, l’esprit général étant qu’un accord conclu après d’âpres négociations ne devrait pas, du jour au lendemain, être remis en cause  sur une décision irréfléchie ou spontanée. En effet,  le Secrétariat général de l'OEA a reçu la lettre officielle par laquelle le Venezuela a dénoncé la Convention américaine relative aux droits de l'homme, le 10 septembre 2012, après plusieurs menaces proférées depuis 2008 à ce sujet. Si les conditions de dénonciation d’une convention sont très souvent prévues par le texte lui-même, toute dénonciation non conforme à ces conditions est considérée comme un acte de répudiation. Néanmoins, on déduit de certaines conventions des clauses implicites de dénonciation, tandis qu’il est impossible de dénoncer les traités à caractère objectif. C’est la raison pour laquelle la condition de préavis tient une place capitale et que la particularité de la convention en cause empêche une dénonciation totale des engagements contractés.

1.Le préavis : La décision du Venezuela implique son retrait, dans un an, de la Cour interaméricaine des droits de l'homme, dont le siège social est situé au Costa Rica, ou de la Commission interaméricaine des droits de l'homme, basée à Washington. Tentant de tempérer les effets néfastes des dénonciations, les auteurs de la convention de Vienne de 1969 ont instauré le système de préavis (en principe de 12 mois), délai suffisant pour ouvrir une négociation avec  l’Etat auteur de la dénonciation. Dans son avis consultatif du 20 décembre 1980 relatif à l’interprétation de l’accord du 25 mars 1951 entre l’OMS et l’Egypte, la CIJ a confirmé l’obligation d’un préavis préalable donné dans un délai raisonnable. (Rec. 1980, p. 95 ; également l’arrêt du 25 septembre 1997, Projet Gabcikovo- Nagymaros, § 109).

On peut cependant s’interroger sur l’organe compétent pour dénoncer un traité. Tout Etat partie à un accord international peut le dénoncer par notification écrite adressée dépositaire dudit accord.  Le Venezuela l’a notifié au Secrétaire général de l’OEA par le biais de son Ministre des affaires étrangères, bien que le Président de la  République avait déjà fait une déclaration en ce sens. L’article 7 de la convention de Vienne sur le droit des traités désigne les ministres des affaires étrangères comme étant des organes compétents pour engager directement l’Etat sur le plan international. Il serait tout aussi possible qu’ils figurent parmi les organes compétents pour désengager l’Etat ou assumer l’acte contraire. Il s’agit en tout cas d’une question devant être réglée par le droit interne de chaque Etat. Mais le plus souvent, cette compétence revient au chef de l'Etat et la plupart des constitutions restent muettes sur l'organe qui doit dénoncer un traité. On pourrait également déduire que, sur base de principe de l'acte contraire les traités qui ont obtenu l'assentiment des chambres ne peuvent être dénoncés que moyennant le même assentiment.

2.La spécificité du pacte de San josé : Adoptée en 1969, la Convention américaine relative aux droits de l'homme réunissait jusqu’au 10 septembre dernier 24 Etats sur les 35 que compte l'Organisation des Etats Américains. Le système interaméricain des droits de l'homme est l'un des trois principaux

systèmes régionaux de protection des droits de l'homme, au côté des systèmes européen et africain. Il a été institué par l'Organisation des Etats Américains (O.E.A.) et a connu, durant ces dernières décennies des évolutions considérables.  Le système  repose sur deux principaux instruments, que sont la Déclaration américaine des droits et devoirs de l'homme (1948) et la Convention américaine des droits de l'homme (1969). En outre, il est institutionnellement bicéphale étant donné que le contrôle du respect par les Etats parties de leurs obligations relatives aux droits de l'homme est exercé par une Commission interaméricaine des droits de l'homme (siégeant à Washington D.C.) et par une Cour interaméricaine des droits de l'homme

(siégeant à San José du Costa Rica). La dénonciation du traité dans sa totalité devrait donc en principe entrainer la dénonciation des dispositions relatives à la compétence respectivement de la cour et de la commission.  Le système interaméricain est le résultat d'une forme de construction institutionnelle où des arrangements provisoires ont été maintenus de manière permanente en raison de considérations politiques et stratégiques régionales.

De nombreux auteurs ont défendu l'idée suivant laquelle la nature particulière des traités relatifs aux droits de l'homme par rapport à d'autres traités, réduisait la marge d’action offerte aux Etats, notamment en ce qui concerne la faculté d’émettre des réserves au moment de leur signature, adhésion ou ratification et la possibilité de leur dénonciation.  Cette position a été également  défendue par différents organes de contrôle en matière de droits de l'homme, tant universels que régionaux. Ces auteurs soutiennent le caractère objectif de tels instruments, compte tenu de son objet qui est la protection des droits humains et non des intérêts étatiques. Pour eux, les droits humains sont essentiellement d'un objectif, conçu pour protéger les droits fondamentaux des êtres humains contre les violations des Hautes Parties contractantes, plutôt que de créer des droits subjectifs et réciproques entre les États. Il n’empêche que certaines de ces conventions prévoient leur possible dénonciation par les parties et que ce droit ne peut leur être refusé du moment où ils décident d’en user.            Le Venezuela avait  annoncé dès le 30 Avril, 2012 son  éventuel retrait du système de droits de l'homme, sans préciser par quel genre de mécanisme formel il le ferait. Quel que soit l’objet d’une convention multilatéral, le retrait de l’une des parties a toujours des conséquences néfastes sur le plan juridique et sur le système institutionnel mis en place par ladite convention.

III. Les conséquences de cette dénonciation

Si la dénonciation met fin aux traités bilatéraux, il n’en est pas ainsi en ce qui concerne les traités multilatéraux. La dénonciation par un Etat d’un accord multilatéral   ne provoque en principe que le retrait de son auteur de la communauté des parties contractantes, mais le traité reste toujours maintenu dans les relations entre les autres parties ainsi que le prévoit l’art 56 de la convention de vienne de 1969.

L’article 78. 2 du pacte de San josé précise à cet égard que la dénonciation « … ne déliera pas l'Etat partie intéressé des obligations énoncées dans la présente Convention en ce qui concerne tout fait pouvant constituer une violation de ces obligations qui aurait été commis par ledit Etat antérieurement à la date de la prise d'effet de la dénonciation. » Ainsi, le Venezuela fera partie de membres de l'OEA États non parties à la Convention américaine relative aux droits de l'homme, à savoir Antigua-et-Barbuda, Bahamas, Belize, Canada, Cuba, États-Unis, la Guyane, Saint-Christophe- et-Nevis, Sainte-Lucie, Saint-Vincent-et-les Grenadines et Trinité-et-Tobago. 

Dans tous les cas, la dénonciation d’une convention entraine toujours par devers elle des conséquences juridiques, pratiques et financiers. Le principal problème est d’ordre social. En effet, le personnel recruté dans les institutions créées par la convention compte des membres de l’Etat auteur de la dénonciation et désignés suivant sa participation à ladite convention. Le retrait de la convention pourra donc logiquement impliquer la réduction du nombre de vénézuéliens employés au sein de la Cour interaméricaine et de la commission. Sur le plan financier, la dénonciation entraine – t- elle la non contribution du Venezuela au fonctionnement régulier des institutions mis en place par la convention. Cette question n’est pas réglée par le pacte de San José.  Pourtant, certains traités contiennent des dispositions relatives aux conséquences financières du retrait d’une partie, à l’instar de l’article 317 de la convention de Montego Bay.

III. Réactions à cette décision du Venezuela

La Haut Commissaire aux droits de l'homme, Navi Pillay, a exhorté le Venezuela à reconsidérer sa décision de se retirer de la Convention américaine relative aux droits de l'homme, en précisant qu'une telle décision serait très néfaste pour la protection des droits humains dans le pays et dans la région.  « La Commission interaméricaine des droits de l'homme et la Cour interaméricaine des droits de l'homme ont non seulement eu un impact positif considérable pour le respect des droits de l'homme dans la région, mais elles ont aussi servi d'exemple pour le reste du monde, qui a pu constater l'efficacité et l'importance d'organismes régionaux de défense des droits de l'homme », a plaidé Mme Pillay dans un communiqué de presse. « Des mécanismes régionaux forts jouent un rôle clé pour renforcer le système international de protection des droits humains », a insisté Mme Pillay. « Cependant, ma préoccupation porte moins sur l'organisme que sur les personnes dont les droits seront inévitablement affectés par cette décision. Je crains que la protection des droits humains des Vénézuéliens, et potentiellement celle des Latino-Américains, ne s'affaiblissent et qu'ils ne soient plus vulnérables aux violations. J'exhorte donc le Venezuela à revoir sa position ».  La Haut Commissaire a appelé l'ensemble des États de la région des Amériques à poursuivre leur coopération avec les mécanismes internationaux et régionaux de protection des droits de l'homme et à s'abstenir de prendre des mesures susceptibles d'affaiblir l'un des mécanismes les plus anciens et efficaces de protection des droits humains.

De son côté, Washington a fustigé la décision de Caracas. Victoria Nuland, porte-parole du Département d’Etat a déclaré que « le Venezuela enverrait un message lamentable au sujet de ses engagements envers les droits de l’homme et la démocratie » au reste du continent, en se retirant de la juridiction de la CIDH. Nuland a fait l’éloge de l’entité interaméricaine, et a fait part de son respect pour cette dernière. Néanmoins, la position des Etats-Unis n’est pas exempte de contradictions. En effet, contrairement à l’ensemble des pays de l’Amérique latine, les Etats-Unis, tout comme le Canada, ont toujours refusé de se soumettre à la juridiction de la CIDH et ne reconnaissent pas son autorité, estimant qu’elle viole leur souveraineté nationale. Ainsi, le Venezuela fera partie de membres de l'OEA États non parties à la Convention américaine relative aux droits de l'homme, à savoir Antigua-et-Barbuda, Bahamas, Belize, Canada, Cuba, États-Unis, la Guyane, Saint-Christophe- et-Nevis, Sainte-Lucie, Saint-Vincent-et-les Grenadines et Trinité-et-Tobago. Il est à noter que les Etats-Unis ont fait un plaidoyer passionné pour le Venezuela à "reconsidérer leur position". En plus des organes de l'OEA, et le Haut Commissaire aux droits de l'homme des Nations Unies, ce qui suit sont les États parties à la CADH qui «déplore» ou «regretter» la décision du Venezuela a officiellement rendue officielle le 10 Septembre: Mexique et le Costa Rica. Le gouvernement vénézuélien a averti le secrétaire général de l'OEA, Jose Miguel Insulza, et l'Organisation a ensuite diffusé l'information dans un communiqué. M. Insulza a affirmé regretter cette décision, avant de qualifier la Convention des droits de l'homme « d'un des piliers de la réglementation légale » visant à défendre les droits de la personne dans les Amériques.

 

Observations (Philippe Weckel)

La question de la dénonciation de la Convention américaine des droits de l'homme a déjà été examinée par la Cour interaméricaine des droits de l'Homme dans deux affaires qui concernaient le Pérou.

I/A Court H.R., Case of Ivcher-Bronstein v. PeruCompetence. Judgment of September 24, 1999. Series C No. 54

I/A Court H.R., Case of the Constitutional Court v. PeruCompetence. Judgment of September 24, 1999. Series C No. 55

A vrai dire le Pérou n'avait pas dénoncé la Convention, mais seulement prétendu pouvoir retirer la déclaration facultive relative à la juridiction obligatoire de la Cour de San José. Cette dernière a considéré que cette faculté n'était pas prévue et qu'un Etat partie ne pouvait par conséquent que dénoncer la Convention dans son ensemble.

La Cour a longuement insisté sur la particularité des instruments de protection des droits de l'homme et sur celle du système américain de protection.

Bien entendu elle a également pris appui sur les dispositions de la Convention de Vienne sur le droit des traités et en particulier sur l'article 56 relatif à la dénonciation d'un accord. Une telle dénonciation n'est pas rétroactive et surtout elle ne produit d'effet qu'un an après sa notification, sauf stipulation contraire du traité. Dans son article 78, la Convention américaine impose expressément ce préavis de 12 mois. Voir la note du Professeur Nicolas Boeglin.

Pas plus que Fujimori, le président péruvien de l'époque, Chavez n'a de chance d'échapper à la Cour interaméricaine des droits de l'homme.

 

Observations (Karine Rinaldi) 

J'avais réalisé, en mars 2010, dans le bulletin 218, une note sur ce sujet qui est malheureusement récurent (Réaction vénézuélienne au rapport de la Commission interaméricaine "Démocratie et droits de l'homme au Venezuela" : un possible retrait ce cet État de l'OEA ?).

 

À cette époque, le Venezuela avait déjà menacé de quitter la Commission interaméricaine (et non la Cour). J'avais alors remarqué que, quitter la Commission ne pouvait se faire qu'en dénonçant la Charte de l'OEA. Par ailleurs, dénoncer la Convention américaine n'entraîne qu'un retrait de la Cour, mais non de la Commission, qui reste compétente pour connaître de violations de la Déclaration américaine (la Commission traite d'ailleurs souvent de violations commises par les États-Unis ou le Canada, par exemple, États non parties à la Convention américaine).

 

Ainsi, il me semble que pour que cet État soit également "débarrassé" de la Commission, c'est une dénonciation supplémentaire qui devrait être faite, celle de la Charte de l'OEA. En attendant, la Commission pourra continuer de connaître des plaintes relatives à la violation de la Déclaration américaine par cet État, La Commission pourra également continuer de réaliser sa mission de promotion des droits de l'homme (élaborations de rapports thématiques sur des sujets concernant cet État).

 

CIRDI, le Venezuela dénonce la Convention de Washington. Breton Caroline

Guillaume Aréou, CIRDI : La Bolivie dénonce la Convention de Washington, Bulletin hebdomadaire Sentinelle, n°111, 27 mai 2007.

Bulletin numéro 315