Le groupe d'orientation sur le Kosovo ( International Steering Group, ISG) a fait le 10 septembre la déclaration suivante :
COMMUNIQUE
Sixteenth and final meeting of the International Steering Group for Kosovo
10th September 2012, Pristina
Following its judgement on 2nd July 2012 that the Comprehensive Proposal for the Kosovo Status Settlement (CSP) had been substantially implemented, and noting that consistent with their commitments the Kosovo institutions have now passed packages of amendments to the Constitution and to primary legislation satisfactorily capturing the remaining elements of the CSP within the Kosovo Constitutional and legal framework, the International Steering Group today declares the end of the supervision of Kosovo’s independence, and the end of the mandate of the International Civilian Representative. Following the completion of necessary internal administrative tasks, the International Civilian Office shall close by the end of 2012. With immediate effect, the CSP no longer exists as a separate and superior legal power, and the Constitution of the Republic of Kosovo now constitutes the sole basis for the country’s legal framework.
l'ISG est un groupe de 25 Etats qui ont reconnu l'indépendance du Kosovo et apportent un soutien actif à la mise en en oeuvre du plan présenté par l'envoyé spécial de l'ONU Martti Ahtisaari. Ces Etats sont l'Allemagne, l'Autriche, la Belgique, la Bulgarie, la Croatie, le Danemark, l'Estonie, les Etats-Unis, la Finlande, la France, la Hongrie, l'Irlande, l'Italie, la Lettonie, la Lituanie, le Luxembourg, la Norvège, Les Pays-Bas, la Pologne, Le Royaume-Uni, la Slovénie, la Suède, la Suisse et la Turquie. Constitué à la suite de la déclaration d'indépendance, l'ISG a, à la demande des autorités démocratiques kosovares, assumé la mission de supervision des institutions kosovares. Le projet du diplomate finlandais visé par la déclaration d'indépendance et intégré dans la Constitution du Kosovo reposait sur le concept de l'indépendance sous supervision internationale. Nominalement, le groupe d'orientation détenait un pouvoir important de réformation de la législation et de sanction des dirigeants. Il n'en a jamais usé en quatre ans, ce qui prouve que les autorités kosovares ont adopté une attitude coopérative.
La dissolution du groupe d'orientation et la fermeture prochaine du bureau des affaires civiles marquent l'achèvement de la mission de supervision. Elle signifie que le Kosovo a mis en oeuvre le plan Ahtisaari en adaptant, avec l'aide d'EULEX (Union européenne), sa législation aux exigences européennes relatives à l'Etat de droit, au respect des minorités et à la démocratie. Ce résultat formel ne prend pas en compte les problèmes éventuels de fraude et de corruption, la question de la compétence et de la loyauté des fonctionnaires publics et encore moins la situation économique d'une population démunie malgré la perfusion internationale sous laquelle est placée ce territoire. Ce beau succès, cet accomplissement, peut donc bien masquer le plus terrible des échecs.
Avec la dissolution du groupe d'orientation, le Kosovo accède -dit-on, à une souveraineté de plein exercice. Ainsi, l'ordre juridique national fondé sur la Constitution régit le teritoire du Kosovo et les pouvoirs constituées ne dépendent plus juridiquement d'une autorité extérieure. Les fonctions régaliennes (police, justice et douane) sont certes assurées avec l'assistance d'EULEX, mais cette assistance est consentie par les autorités kosovares. La circonstance qu'un quartier de la ville de Mitrovica échappe à l'autorité centrale n'est pas de nature à remettre en cause la souveraineté du nouvel Etat. La présence de la KFOR(OTAN) a été acceptée par le Kosovo et cette force agit dans le respect de ses lois. Le Kosovo a donc acquis la souveraineté interne, la souveraineté nationale. Le Pouvoir est empereur en son royaume, mais qu'en est-il de la souveraineté externe ?
La République du Kosovo n'est pas une autorité de fait. Il s'agit d'une autorité territoriale régulièrement constituée qui a légalement bénéficié de transferts de compétence de la Mission des Nations Unies pour le Kosovo (MINUK). Cette dernière tenait de la Résolution 1244(99) du Conseil de sécurité le pouvoir de procéder de cette manière. La République du Kosovo a plénitude de juridiction sur le territoire du Kosovo. La Cour internationale de justice a même estimé que la déclaration d'indépendance n'était pas contraire au droit international. Pas moins de 91 Etats ont reconnu la République du Kosovo, un nombre remarquable atteint en si peu d'années, et établi des relations diplomatiques avec elle. Dans le même temps combien d'Etats ont reconnu l'Abkazie ou la Transnistrie ? Le nouvel Etat est également membre de deux institutions spécialisées du système des Nations Unies, le FMI et la Banque mondiale.
La République du Kosovo n'est pas un quasi-Etat comme le prétend la Russie et elle n'est pas illégale, mais elle reste sous le quasi-protectorat de la MINUK pour la simple raison que la Russie, par son pouvoir au Conseil de sécurité, a gelé le status quo de 1999 qui n'avait pourtant qu'un caractère transitoire. On observe en effet que le Kosovo a seulement conclu de nombreux accords bilatéraux, essentiellement de caractère technique, avec les Etats qui l'ont reconnu. Néanmoins la coopération avec les autres Etats nécessite l'intermédiation de la MINUK. C'est encore la Mission des Nations unies qui signe les engagements multilatéraux pour le compte du territoire intialement. Désormais elle agit nécessairement pour le compte de la République du Kosovo parce que cette dernière est seule à même d'assurer la mise en oeuvre des accords qui concernent ce territoire. Peu ou prou, la personnalité internationale du Kosovo transparaît donc malgré le verrou actuel. Ce dernier subsiste cependant et le Kosovo reste un Etat limité, affecté d'une importante diminutio capitis. Le blocage du Conseil de sécurité semble consolidé et l'évolution du statut du Kosovo demeure par conséquent incertaine.
Même les perspectives d'insertion du Kosovo en Europe demeurent limitées. Il serait concevable d'admettre cet Etat au Conseil de l'Europe en tant que "pays membre associé", mais la démarche échouerait au Comité des ministres. La Commission européenne ne considère pas encore le Kosovo comme un candidat potentiel à l'adhésion à l'Union européenne. La conclusion d'un accord d'association se heurterait sans doute a des difficultés juridiques...
Néanmoins l'embarras actuel n'est pas seulement pour un camp et la Serbie en a sa part. L'annonce de la dissolution du groupe d'orientation et la proclamation de la "souveraineté de plein exercice" du Kosovo ont bien entendu fait réagir la Serbie. Son gouvernement s'est empressé de rechercher à Moscou un appui qui lui était évidemment acquis. La Serbie a renouvelé son engagement à défendre ses prétentions par des moyens pacifiques et a envisagé, sans surprise, d'agir à l'ONU. Peut-être attendra-t-on quelque chose de la présidence serbe de l'Assemblée générale au cours de la 67ème session. La cause est entendue, la MINUK qui est prise entre le marteau et l'enclume est responsable de tous les maux actuels.
A Bruxelles l'ambiance n'a pas été aussi sympathique pour les dirigeants serbes. La candidature de la Serbie est officiellement admise depuis le 1er mars dernier. Toutefois, les négociations ne pourront débuter que lorsque la Serbie aura sérieusement engagé la mise en oeuvre des accords Belgrade/Pristina. Est particulièrement visé l'accord relatif à la particpation des délégations kosovares aux réunions internationales en Europe. Si la Serbie refusait la coexistence avec les représentants de la République du Kosovo dans ces fora, elle révèlerait clairement qu'elle n'a pas l'intention de trouver un accord avec l'autre partie. Il serait alors inutile de débuter des négociations d'adhésion qui ne pourraient pas se conclure de manière positive. En effet les Etats membres se refusent à réaliser un élargissement de l'Union européenne qui introduirait au sein de leur espace commun un litige territorial majeur dans lequel un tiers, la Russie, s'est fortement impliqué. Les Serbes doivent donc, avant d'entrer dans l'Union, régler effectivement et définitivement la question du Kosovo par voie de négociation avec le gouvernement de Pristina.
Finalement l'absence de règlement définitif du statut territorial du Kosovo est préjudiciable aux deux Etats directement concernés : la Serbie et le Kosovo. L'esprit de la Troïka de 2007 demeure : il y a un accord général en faveur d'un accord négocié entre la Serbie et le Kosovo. Toutefois la Russie gère ce dossier dans l'esprit des conflits gelés, c'est-à-dire en cherchant à bloquer l'évolution. L'Union européenne agit au contraire pour favoriser l'évolution de la situation. La Russie se satisfait pleinement de sa capacité de nuisance qui la rassure sur sa propre puissance.
DOCUMENTS
- Rapport de Martii Ahtisaari sur le statut futur du Kosovo
- Rapport du Secrétaire général sur la Mission d’administration intérimaire des Nations Unies au Kosovo (S/2012/275 du 27 avril 2012) ...
IV. Relations entre les autorités de Pristina et celles de Belgrade
13. Du 22 au 24 février, lors de la neuvième session du dialogue organisé sous l’égide de l’Union européenne, les parties sont parvenues à un accord sur la représentation et la coopération régionales du Kosovo. Les conclusions concertées stipulent que le Kosovo participe aux réunions régionales et y prend la parole en son nom propre et que le seul nom « Kosovo* » y sera en usage. L’astérisque renvoie à une note de bas de page qui se lit comme suit : « Cette appellation ne préjuge en rien de la position relative au statut et est conforme à la résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité ainsi qu’à l’avis de la Cour internationale de Justice sur la
déclaration d’indépendance du Kosovo ». Les arrangements conclus à Bruxelles stipulent également que le Kosovo pourra signer de nouveaux accords sous ce nom. S’agissant des accords existants signés par la MINUK au nom du Kosovo, les parties ont décidé de laisser à la Mission le soin de décider si elle participerait ou non aux réunions correspondantes.
14. Afin d’éviter que les participants aux réunions régionales ne fassent étalage de symboles nationaux, les parties et le facilitateur de l’Union européenne ont tenu à informer les organisations régionales concernées des principes qui avaient été arrêtés. Comme l’accord ne précise pas comment utiliser la note de bas de page, les interprétations divergentes ont donné lieu à un certain nombre de problèmes concernant la participation du Kosovo à plusieurs réunions régionales. Belgrade insiste sur le fait que la note doit figurer sur les plaques nominatives immédiatement après « Kosovo », alors que Pristina soutient que la note n’a pas sa place sur les
plaques. En fonction de la présence ou de l’absence de la note sur la plaque nominative, chacune des parties s’est sentie tour à tour frustrée quand son interprétation de l’accord n’a pas été respectée, et a réagi en boycottant ou en quittant la réunion. En conséquence, du fait de l’incompatibilité de leurs points de vue, les représentants des autorités de Pristina et celles de Belgrade n’ont pas pu participer aux mêmes forums régionaux, mettant ainsi en évidence les failles inhérentes aux mécanismes d’application des accords.
Octroi à la Serbie du statut de candidat à l'entrée dans l'UE Dumouchel Anne Claire
Entrée en vigueur de l'accord sur la libre circulation entre la Serbie et le Kosovo, Berkes Antal
CHALAIN Hélène, « Nouvelles étapes dans le processus d'acquisition de la souveraineté par le Kosovo », Bulletin Hebdomadaire Sentinelle N°235 du dimanche 19 septembre 2010
Prof. Philippe WECKEL, « Kosovo, Géorgie, l'arbitrage du droit », Bulletin Hebdomadaire Sentinelle N°164 du dimanche 26 octobre 2008
VASSEUR Aude, « Kosovo : redéfinition du mandat des “présences internationales” suite à l’entrée en vigueur de la Constitution », Bulletin Hebdomadaire Sentinelle N°153 du dimanche 22 juin 2008
Prof. Philippe WECKEL, « Le drapeau du Kosovo indépendant, tout un symbole de non identité (ethnique) », Bulletin Hebdomadaire Sentinelle N°153 du dimanche 22 juin 2008
Prof. Philippe WECKEL, « La question de la partition du Kosovo », Bulletin Hebdomadaire Sentinelle N°153 du dimanche 22 juin 2008
VASSEUR Aude, « Kosovo : débat sur la création de la Mission “Etat de droit” de l’Union européenne », Bulletin Hebdomadaire Sentinelle N°141 du dimanche 23 mars 2008
CHESNEL Julien, « Kosovo : carence du Conseil de sécurité », Bulletin Hebdomadaire Sentinelle N°131 du dimanche 06 janvier 2008