Dans un communiqué, le Secrétaire générale des Nations Unies, agissant en sa qualité de dépositaire des traités internationaux a annoncé l’ouverture à la signature de la convention relative à l'assistance alimentaire adoptée le 25 avril 2012 à Londres (Exemplaire certifiée conforme [PDF]). Conformément au paragraphe 12, la Convention sera ouverte à la signature des États visés à l’article 12, au Siège de l’Organisation des Nations Unies à New York, du 11 juin 2012 au 31 décembre 2012. Depuis quelques années, la sécurité alimentaire est devenu un problème majeur dans les pays du Sud, et ce à tous les niveaux, depuis les individus jusqu’aux Etats. La sécurité alimentaire concerne le droit humain à l’alimentation et est liée à des sujets de politique agricole, de développement économique et de marché. Le droit humain à l’alimentation stipule, par exemple, que l’éradication de la faim requiert des actions pour améliorer les méthodes de production, la conservation et la distribution des denrées alimentaires (Cf. Article 11 du Pacte international relatif aux droits économiques sociaux et culturels, New York, 16 déc. 1966.). La sécurité alimentaire ne dépend pas uniquement de la disponibilité alimentaire mais aussi de l’accès réel et de la distribution équitable des denrées existantes. L’indisponibilité des aliments n’est pas un problème majeur au niveau planétaire étant donné que le monde produit suffisamment de nourriture pour la population actuelle. La disponibilité est un problème actuel dans le cas des pays victimes de conflits armés, dans des situations où les terres cultivables ne sont pas assez nombreuses ou dans le cas d’une sécheresse à long terme. La disponibilité alimentaire sera de plus en plus problématique si la production alimentaire n’adapte pas son rythme à la croissance démographique mondiale. Pourtant, à l’heure actuelle, le problème de la sous-nutrition est souvent lié plus au manque d’accès à la nourriture et à la mauvaise distribution des denrées qu’à l’indisponibilité alimentaire. La sécurité alimentaire sur le plan individuel sous-entend que les gens doivent avoir, soit un revenu suffisant pour acheter de la nourriture, soit la possibilité de pourvoir à leurs propres besoins alimentaires en cultivant leurs propres aliments. Par conséquent, il existe un lien direct entre la pauvreté et la sécurité alimentaire. Le texte adopté en avril dernier vient réactiver le dispositif normatif qui était arrivé à échéance, en l’occurrence la Convention relative à l'aide alimentaire de 1995 (Londres, 5 décembre 1994) et la Convention relative à l'aide alimentaire de 1999 (Londres, 13 avril 1999)
I.Un renouvellement des engagements pris dans des conventions arrivées à échéances
Le cadre juridique international en matière de sécurité alimentaire est fixé par un certain nombre de traités et d’instruments qui appartiennent à des domaines complètement différents du droit international. Tout d’abord, certains traités et certaines institutions traitent de la sécurité alimentaire du point de vue de l’agriculture. En fait, les deux instruments principaux ayant été adoptés dans le contexte de la FAO, l’Engagement international concernant les ressources phytogénétiques de 1983 et le Traité international relatif aux ressources phytogénétiques pour l’agriculture (RPAA) de 2001 reflètent clairement l’évolution du système juridique tout entier dans ce domaine. (L’Engagement international pour les ressources phytogénétiques, Res. 8/83, Report of the Conference of FAO, 22nd Session, Rome, 5-23 novembre 1983, Doc. C83/REP). Le constat de l'augmentation du nombre de personnes sous-alimentées dans la plupart des pays en développement invite à s'interroger sur l'efficacité des moyens d'action mis en œuvre par la communauté internationale. L'aide alimentaire est versée, d'une part, par les Etats les plus riches, sur une base bilatérale, dans le cadre des engagements fixés par la convention de Londres, d'autre part, sur une base multilatérale, principalement par le programme alimentaire mondial (PAM) institué en 1961. Le PAM a pour vocation essentielle de fournir l'aide alimentaire d'urgence et l'appui logistique nécessaire (70 % des ressources du PAM) ainsi que de mettre en oeuvre des projets de développement destinés à prévenir les crises alimentaires. En outre, en collaboration avec la FAO, le PAM doit assurer la coordination de l'action de toutes les institutions du système des Nations unies pour la sécurité alimentaire.
Le texte international conventionnel qui traitait directement de la question de l’aide alimentaire était la Convention relative à l'aide alimentaire de 1999 (Londres, 13 avril 1999). Elle fixe les engagements annuels minimums en aide alimentaire des signataires (Argentine, Australie, Canada, Commission européenne et ses Etats membres, Japon, Norvège, Suisse, Etats-Unis). Ses objectifs tendent à une meilleure intégration de l’aide alimentaire dans le cadre global de l’appui à la sécurité alimentaire. Il est désormais donné priorité aux pays les moins avancés et aux pays à faibles revenus et à la limitation des effets pervers de l’aide alimentaire. Cette convention déclare que les membres sont convenus de fournir une assistance aux pays en développement lorsqu’ils connaissent des urgences alimentaires ou des crises financières reconnues à l’échelle internationale induisant des urgences alimentaires ou lorsque les opérations d’aide alimentaire visent des groupes vulnérables. Cette assistance peut prendre la forme de dons de produits alimentaires ou dons en espèces devant servir à l’achat de produits alimentaires pour ou par le pays bénéficiaire ; de ventes de produits alimentaires contre monnaie du pays bénéficiaire, qui n’est ni transférable ni convertible en devises ou en marchandises et services susceptibles d’être utilisés par le membre donateur ; de ventes de produits alimentaires à crédit. Dans tous les cas, les produits fournis doivent satisfaire aux normes internationales de qualité, être compatibles avec les régimes alimentaires et les besoins nutritionnels des bénéficiaires et à l’exception des semences, être propres à la consommation humaine. En outre, la convention de Londres préconise que l’octroi de l’aide ne doit pas être lié de manière directe ou indirecte, officielle ou officieuse, de manière expresse ou tacite, à des exportations commerciales de produits agricoles ou autres marchandises et services à destination des pays bénéficiaires. Les transactions relevant de l’aide alimentaire, y compris l’aide alimentaire bilatérale qui est monétisée, s’effectuent conformément aux "principes de la FAO en matière d’écoulement des excédents et obligations consultatives".
Créée en 1967 pour «réaliser un programme d'aide alimentaire à l'aide de contributions au profit des pays en développement", la Convention relative à l’aide alimentaire a été renouvelée à plusieurs reprises, la dernière Convention datant de 1999. Au fil des ans, les composantes de la Convention sont globalement restées inchangées. Parmi les modifications notables, on peut citer l’élargissement de la base des produits qui peuvent être fournis en sus des céréales (par exemple les légumineuses, les racines et le sucre) et l'accent mis sur les questions plus larges de développement et de sécurité alimentaire. Malgré ces ajustements, de nombreuses personnes pensent que la Convention n'est plus adaptée aux besoins d'aujourd'hui en matière d’aide alimentaire. En effet, la Convention actuelle devait expirer en 2002, mais elle a été prolongée à plusieurs reprises depuis lors. Les renégociations officielles ont été mises en attente, car les membres voulaient attendre les aboutissements des négociations sur l'agriculture du Cycle de Doha de l'OMC, en particulier celles qui sont liées à l'aide alimentaire. Il y avait donc une urgence de revoir les principales clauses relatives à l’aide ou à l’assistance alimentaire. La convention arrivait à échéance le 1er juillet 2005 et devait être renégociée, ce qui a été le cas. Ces négociations ont abouties à l’adoption de la convention du 25 avril 2012 sur l’assistance alimentaire.
II.Contenu
Les objectifs de la convention sont clairement définis dès l’article premier : il s’agit de sauver des vies, réduire la faim ainsi qu’améliorer la sécurité alimentaire et l’état nutritionnel des populations les plus vulnérables. Ses objectifs tendent à une meilleure intégration de l’aide alimentaire dans le cadre global de l’appui à la sécurité alimentaire. Il est désormais donné priorité aux pays les moins avancés et aux pays à faibles revenus et à la limitation des effets pervers de l’aide alimentaire. La convention fixe les divers principes de l’assistance alimentaire, de fourniture et de l’efficacité de cette assistance, mais aussi de la responsabilisation en matière d’assistance alimentaire. Pour ce faire, l’article 3 de la convention fixe les Etats sur la relation avec l’OMC. Il y a là la survivance de l’idée de la non – gratuité de l’assistance humanitaire. A cet égard, les enceintes internationales ont longtemps fait primer les considérations de marché sur l'intérêt des pays en développement. Ainsi, le Comité consultatif sur la question des surplus avait été créé à Washington en 1954 par la FAO dans le souci d'éviter que les livraisons de produits alimentaires aient un impact négatif sur le commerce des pays traditionnellement exportateurs. La première convention de l'aide alimentaire mise en oeuvre par le Conseil international des céréales fixait des engagements globaux minimaux des pays exportateurs. Le dispositif, conçu dans les années soixante, répondait aux préoccupations liées à un marché structurellement excédentaire. Renégocié en 1986 puis en 1995, il a été utilisé notamment par les Etats-Unis pour contourner les engagements souscrits à Marrakech en matière de subventions à l'exportation. Le texte conclu en 1999, s'efforce de conjurer les écueils des accords précédents. Dans le texte de 2012, il est stipulé qu’en cas de conflits entre les obligations des parties au titre de la convention de l’OMC et celles prises dans le cadre de la convention sur l’assistance humanitaire, les premières l’emportent.
L’article 4 dresse une liste des pays admissibles, des populations admissibles, produits admissibles, activités admissibles et coûts associés, tout en donnant le sens des termes ainsi employés. Les pays admissibles s’entendent de ceux bénéficiaires de l’aide publique au développement établi par le comité d’aide au développement de l’OCDE ou de tout autre pays désigné dans les règles de procédures et de mise en œuvre. Les produits admissibles concernent les produits destinés à la consommation humaine. L’article 5 parle de « l’engagement annuel minimum » de la part de chaque Etat partie, exprimé en termes de valeurs ou de quantités minimales ou la combinaison des deux. Ces contributions annuelles minima doivent être faites exclusivement sous formes de dons lorsque cela est possible. Ces contributions ne peuvent être dirigées que vers des pays admissibles ou les populations admissibles, conformément à l’article 4 de la convention. Il y a lieu de s’interroger sur les quotas des contributions et la fixation de ces quotas. Revient-il au bénéficiaire ou alors aux bailleurs de fonds de fixer ces les quotas des engagements minima des contributeurs ? Il y a ici un assouplissement considérable des engagements des parties, puisqu’il s’agit pour l’essentiel des engagements quantitatifs. Elle introduit cependant une innovation en permettant de leur ajouter des engagements exprimés en valeur. En outre, l'ensemble des engagements de chacun des contributeurs (quantitatifs et, le cas échéant, ceux estimés en valeur) peuvent faire l'objet d'un coût estimatif total. L'estimation en valeur permet de prendre en compte les coûts de la logistique de l'aide alimentaire et donc les coûts de transport. De même, les quotas envisagés sont soumis aux aléas budgétaires des Etats parties. En effet, les dotations en faveur de l'aide alimentaire présentent certaines insuffisances en ce qui concerne l’allocation des crédits qui semblent stagnants alors que les nécessités croissent.
La convention réitère l'obligation, déjà fixée par les accords précédents, de ne pas lier l'aide alimentaire à des exportations commerciales de produits agricoles. Le nouveau texte élargit le champ de cette disposition aux exportations d'«autres marchandises et services à destination des pays bénéficiaires ». En outre, le texte prévoit, dans un nouvel article, que les contributeurs devront s'efforcer d'acheter les produits dans les pays bénéficiaires ou auprès d'autres pays en développement afin de promouvoir le développement agricole. Pour le suivi de la mise en œuvre de la convention, il est institué un comité de l’assistance alimentaire composé des Etats parties. Ainsi, l'accent est mis sur la nécessité d'une plus grande coordination entre les donateurs : consultation au niveau régional ou au niveau du pays bénéficiaire pour définir une approche concertée de l'aide, voire élaboration de plans d'action communs pour les pays prioritaires, si possible sur une base pluriannuelle.
On constate n définitive la survivance des anciens mécanismes face aux nouveaux défis, même si la nouvelle convention a embrassé une approche globale des problèmes liés à la sécurité alimentaire dans les pays bénéficiaires. Les réponses concrètes aux situations permettant de résorber les crises alimentaires tardent à sortir des ornières, notamment les mesures d’accroissement de la productivité agricole à travers le soutien accordé aux circuits de commercialisation et la fourniture d'intrants de base pour la production alimentaire. Le fort accent mis sur les mesures de secours à court terme, combiné avec un soutien limité à l'agriculture locale, est non seulement moins efficace pour surmonter les causes structurelles de l'insécurité alimentaire, mais il pourrait même décourager les investissements dans l'agriculture et la production alimentaire nationale.
III. Procédure d’entrée en vigueur
Conformément au paragraphe 1 de l'article 15, la Convention entrera en vigueur le 1er janvier 2013 si, au 30 novembre 2012, cinq signataires ont déposé des instruments de ratification, d’acceptation ou d’approbation. 2. Si la Convention n’entre pas en vigueur conformément au paragraphe 1, les signataires qui auront déposé des instruments de ratification, d’acceptation ou d’approbation, ainsi que les États ou l’Union européenne qui auront déposé des instruments d’adhésion conformément à l’article 13, paragraphe 1, pourront décider unanimement qu’elle entrera en vigueur entre eux. 3. Lorsqu’un État, un territoire douanier distinct ou l’Union européenne ratifie, accepte, approuve la présente Convention ou adhère à celle-ci après son entrée en vigueur, la présente Convention entre en vigueur à son égard à la date du dépôt de son instrument de ratification, d’acceptation, d’approbation ou d’adhésion."
Conformément au paragraphe 12, la convention est ouverte à la signature de l’Argentine, de l’Australie, de la République d’Autriche, du Royaume de Belgique, de la République de Bulgarie, du Canada, de la République de Croatie, de la République de Chypre, de la République tchèque, du Royaume de Danemark, de l’Union européenne, de la République d’Estonie, de la République de Finlande, de la République française, de la République fédérale d’Allemagne, de la République hellénique, de la Hongrie, de l’Irlande, de la République italienne, du Japon, de la République de Lettonie, de la République de Lituanie, du Grand-Duché de Luxembourg, de la République de Malte, du Royaume des Pays-Bas, du Royaume de Norvège, de la République de Pologne, de la République portugaise, de la Roumanie, de la République slovaque, de la République de Slovénie, du Royaume d’Espagne, du Royaume de Suède, de la Confédération suisse, du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord ainsi que des États-Unis d’Amérique, au Siège de l’Organisation des Nations Unies à New York, du 11 juin 2012 au 31 décembre 2012 ».
Le Secrétaire général des Nations Unies a saisi cette occasion pour rappeler que, conformément à la pratique internationale établie, seuls les chefs d’État, les chefs de Gouvernement ou les Ministres des affaires étrangères sont habilités, de par leurs fonctions, à signer un traité au nom d’un État sans avoir à produire des pleins pouvoirs à cet effet.
Conférence ministérielle de Hong Kong (13-18 décembre 2005) GuillaUme Areou et Florina COSTICA (sentinelle-droit-international.fr/.../dossier_specialOMC2005.htm)