INTRODUCTION
Sachant que la Charte des Nations Unies lui confère la responsabilité principale du maintien de la paix et de la sécurité internationales ; agissant en vertu de l’article 41 du Chapitre VII de ladite Charte ; le Conseil de sécurité de l’ONU a adopté à sa 6774ème séance tenue le 18 mai 2012, une résolution dans laquelle il prend des sanctions contre plusieurs responsables du coup d’Etat militaire du 12 avril 2012 en Guinée-Bissau. Cette décision intervient au moment où, après un premier sommet à Abidjan, les Chefs d’Etat ouest-africains se réunissaient de nouveau à Dakar pour tenter de répondre aux troubles et violences en Guinée-Bissau et au Mali.
Le Conseil européen a sanctionné six (06) individus accusés de menacer la paix, la sécurité et la stabilité du pays (http://www.lemonde.fr/afrique/article/2012/05/03/l-ue-sanctionne-la-junte-de-guinee-bissau_1695527_3212.html). Ces derniers sont interdits de voyage dans l’UE et leurs avoirs sont gelés. La CEDEAO a déjà imposé des sanctions au régime bissau-guinéen et menacé de recourir à la force pour chasser les putschistes du pouvoir (http://www.pressafrik.com/La-Cedeao-impose-des-sanctions-a-la-Guinee-Bissau_a81833.html). Les membres du Conseil de sécurité lui emboîtent le pas lorsqu’ils imposent à leur tour une « interdiction de voyager » à cinq (05) officiers et demandent aux Etats membres d’interdire aux personnes visées « d’entrer sur leur territoire ou d’y passer en transit » (I). Même lorsqu’ils décident de créer un Comité de sanctions chargé de suivre l’application des mesures imposées (II), ils engagent « la CEDEAO à poursuivre ses efforts de médiation aux fins du rétablissement de l’ordre constitutionnel, en étroite coordination avec l’ONU, l’UA et la CPLP ».
I)- MÊME SANCTION : Interdiction de voyager
Le principe de l’interdiction de voyager (1) consacré par la résolution 2048 (2012) du Conseil de sécurité comporte des exceptions (2) (http://www.un.org/News/fr-press/docs/2012/CS10653.doc.htm).
1)- Interdiction de voyager
Aux termes du paragraphe 4 de la résolution 2048 (2012) du Conseil de sécurité : « les Etats membres prendront les mesures nécessaires pour empêcher les personnes dont le nom figure à l’annexe de la présente résolution ou qui ont été désignées par le Comité créé par le paragraphe 9 d’enter sur leur territoire ou d’y passer en transit (…) ».
Les mesures prévues au paragraphe 4 s’appliquent aux personnes désignées par le Comité, conformément à l’alinéa b du paragraphe 9 notamment : ceux « qui cherchent à empêcher le retour à l’ordre constitutionnel, ou prennent des mesures qui compromettent la stabilité de la Guinée-Bissau, en particulier ceux qui ont joué un rôle de premier plan dans le coup d’Etat du 12 avril 2012 et qui visent, par leurs actes, à porter atteinte à l’état de droit, à contester la primauté du pouvoir civil et à aggraver l’impunité et l’instabilité dans le pays ; qui agissent pour le compte des personnes identifiées ou en leur nom ou sur leurs instructions, ou qui leur fournissent soutien ou financement ». Ce soutien ou financement peut consister notamment, mais sans s’y limiter, « à utiliser le produit de la criminalité organisée, dont la culture, la production et le commerce illicite de stupéfiants et de leurs précurseurs en provenance de la Guinée-Bissau ou en transit dans le pays ».
Pour l’instant, cinq (05) membres du « commandement militaire » sont concernés par l’interdiction de voyager :
- Général Antonio INJAI (également connu sous le nom d’Antonio INDJAI)
Antonio INJAI a pris part personnellement à la planification et à la conduite de la mutinerie du 1ér avril 2010, qui a abouti à l’arrestation illégale de Carlos GOMES JUNIOR, Premier Ministre, et de José ZAMORA INDUTA, alors Chef d’état-major des forces armées. Au cours de la période électorale de 2012, en tant que Chef d’état-major des forces armées, INJAI a menacé de renverser les autorités élues et de mettre un terme au processus électoral. Antonio INJAI a de nouveau participé à la planification opérationnelle du coup d’Etat du 12 avril 2012. Au lendemain de ce coup d’Etat, le premier communiqué du « commandement militaire » a été diffusé par l’état-major des forces armées, dirigé par le Général INJAI ;
- Général de division Mamadu TURE (également connu sous le nom de N’KRUMAH)
Membre du « commandement militaire », il a assumé la responsabilité du coup d’Etat du 12 avril 2012 ;
- Général Estevao NA MENA
Membre du « commandement militaire », il a assumé la responsabilité du coup d’Etat du 12 avril 2012 ;
- Général de brigade Ibraima CAMARA (également connu sous le nom de « Papa CAMARA »
Membre du « commandement militaire », il a assumé la responsabilité du coup d’Etat du 12 avril 2012 ;
- Lieutenant-colonel Daba NAUALNA (également connu sous le nom de Daba Na Walna)
Porte-parole du « commandement militaire », il a assumé la responsabilité du coup d’Etat du 12 avril 2012.
2)- Exceptions à l’interdiction de voyager
Les mesures imposées par le paragraphe 4 ci-dessus ne s’appliquent pas dans les cas suivants : «
- Lorsque le Comité établit, au cas par cas, que le voyage se justifie par des raisons humanitaires, y compris un devoir religieux ;
- Lorsque l’entrée ou le passage en transit sont nécessaires aux fins d’une procédure judiciaire ;
- Lorsque le Comité établit, au cas par cas, qu’une dérogation serait dans l’intérêt de la paix et de la réconciliation nationale en Guinée-Bissau et la stabilité régionale ».
Cette dérogation consacrée par le paragraphe 5 de la résolution 2048 (2012) justifie certainement son adoption à l’unanimité des membres du Conseil de sécurité. C’est la porte de sortie honorable laissée à la junte en vue de la restitution du pouvoir aux autorités civiles démocratiquement élues.
Le Conseil de sécurité engage vivement les Etats membres à communiquer les noms des personnes qui répondent aux critères énoncés au paragraphe 6 de la résolution en question au nouveau Comité des sanctions chargé de suivre l’application des mesures imposées.
II)- NOUVEAU COMITE DES SANCTIONS
Des missions spécifiques sont assignées au nouveau Comité des sanctions (1) dont le travail se fera sous la supervision du Conseil de sécurité (2).
1)- Missions du nouveau Comité des sanctions
Créé, conformément à l’article 28 de son règlement intérieur provisoire, un comité du Conseil de sécurité composé de tous ses membres (ci-après « le Comité »), s’acquittera des tâches suivantes : «
- Suivre l’application des mesures imposées au paragraphe 4 ;
- Désigner les personnes passibles des mesures imposées au paragraphe 4 et examiner les demandes de dérogation prévues au paragraphe 5 ;
- Arrêter les directives qui pourraient être nécessaires pour faciliter la mise en œuvre des mesures imposées ;
- Adresser au Conseil dans un délai de trente jours un premier rapport sur ses travaux et faire ensuite rapport au Conseil lorsque le Comité l’estime nécessaire ;
- Entretenir un dialogue avec les Etats membres et les organisations internationales, régionales et sous-régionales intéressés, en particulier ceux de la région, notamment en invitant leurs représentants à le rencontrer afin d’examiner la question de l’application des mesures ;
- Solliciter tous les Etats et organisations internationales, régionales et sous-régionales toutes informations qu’il jugerait utiles concernant les actions qu’ils auront engagées pour appliquer les mesures de façon effective ;
- Examiner les informations faisant état de violation ou du non-respect des mesures imposées par la présente résolution et y donner la suite qui convient ».
Aux termes du paragraphe 10, le Conseil de sécurité demande à tous les Etats membres de faire rapport au Comité dans les cent vingt (120) jours suivant l’adoption de la présente résolution sur les mesures qu’ils auront prises pour donner effet au paragraphe 4. En outre, il « prie le Secrétaire général de lui présenter un rapport initial sur l’application du paragraphe1, quinze (15) jours au plus tard après l’adoption de la présente résolution et de lui rendre compte régulièrement par la suite, tous les quatre-vingt-dix (90) jours, de la mise en œuvre de tous les éléments de ladite résolution, ainsi que de la situation humanitaire en Guinée-Bissau » (Paragraphe 11), marquant ainsi sa volonté de superviser l’application de ses décisions.
2)- Supervision du Conseil de sécurité
Dans le cadre de la supervision du travail du nouveau Comité des sanctions, le Conseil de sécurité affirme « qu’il suivra en permanence l’évolution de la situation en Guinée-Bissau et se tiendra prêt à examiner l’opportunité des mesures énoncées dans la présente résolution, y compris de leur renforcement par des mesures additionnelles telles qu’un embargo sur les armes et des mesures financières, de leur modification, de leur suspension ou de leur levée, en fonction des progrès accomplis en ce qui concerne la stabilisation du pays, et le retour à l’ordre constitutionnel, conformément à la présente résolution » (Paragraphe 12). Enfin, il « décide de rester activement saisi de la question » (Paragraphe 13).
CONCLUSION
En définitive, lorsque le Conseil de sécurité engage la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) à poursuivre ses efforts de médiation aux fins du rétablissement de l’ordre constitutionnel, en étroite coordination avec la communauté internationale et les autres partenaires de la Guinée-Bissau ; ou qu’il décide de suivre activement l’évolution des faits ; il y a de fortes raisons de croire à un dénouement progressif de la situation.
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