INTRODUCTION
Les accords régionaux et bilatéraux ont acquis une plus grande importance au sein d’un environnement commercial international en pleine évolution. Les incertitudes qui pèsent sur l’aboutissement des négociations du cycle de Doha à l'Organisation mondiale du commerce (OMC) ainsi que d’autres facteurs ont contribué à la multiplication d’accords commerciaux bilatéraux et régionaux. Dans ce contexte, les grandes puissances commerciales s’efforcent de conclure des Accords de Libre-échange (ALE); l’exemple le plus frappant est sans doute celui des États-Unis, qui ont conclu des ALE avec pas moins de 16 pays parmi lesquels la Colombie depuis le 12 octobre 2011. Alors que les Etats-Unis sont le premier partenaire commercial de la Colombie (I), l’accord de libre-échange, qui entrera en vigueur à la fin de l’année 2012, ouvre de nouvelles opportunités pour les économies des pays concernés, à condition qu’un certain nombre de défis et obstacles soient surmontés (II).
I)- LES ENJEUX DE L’ACCORD DE LIBRE-ECHANGE USA-COLOMBIE
Entamé depuis 2006 (1), le processus de libéralisation des échanges entre les USA et la Colombie trahit la volonté de puissance et le leadership des Etats-Unis clairement exprimé dans le Trade Act promulgué par le Président BUSH en août 2002 (http://www.cbp.gov/xp/cgov/trade/trade_outreach/advance_info/).
1)- Un processus long
Les négociations pour un accord de libre-échange entre les Etats-Unis et la Colombie remontent à 2006 sous les mandats respectifs de G.W. BUSH et A. URIBE. Le texte avait été approuvé en Colombie successivement par la Chambre des députés et le Sénat en juin 2007. Mais le processus de ratification avait été bloqué à plusieurs reprises côté américain, notamment sous l’argument que la Colombie était
en retard sur les normes de travail et le respect des droits de l’homme des syndicalistes. En réalité, sur fond de changement de majorité politique en 2008 (des républicains, sous qui avait été négocié l’accord, aux démocrates) et de crise économique, la signature des accords de libre-échange pouvant conduire à la délocalisation d’emplois a compliqué le soutien politique du projet aux Etats-Unis. Qui plus est, les problèmes domestiques ont à plusieurs reprises pris le dessus : cet été, en pleine tourmente sur la hausse du « debt ceiling », la présentation des accords de libre-échange avait été repoussée de l’ordre du jour.
Finalement, mercredi le 12 octobre 2011, le traité de libre-échange entre les Etats-Unis et la Colombie a été voté par les deux Chambres américaines en même temps que ceux avec la Corée du Sud et Panama (signés en 2007). L’accord a été approuvé à 262 voix « pour » contre 167 « contre » au Congrès et 66 « pour » contre 33 « contre » au Sénat. La Colombie rejoint ainsi avec Panama, le Mexique (1995), le Chili (2004), l’Amérique centrale, la République Dominicaine (à partir de 2006), le Pérou et l’Equateur (2009) parmi les pays disposant d’accords de libre-échange avec les Etats-Unis, en Amérique latine.
2)- Les Etats-Unis, Premier partenaire commercial de la Colombie
Les relations Etats-Unis - Colombie sont depuis longtemps importantes, notamment au niveau de la coopération dans la lutte contre l’économie de la drogue (équipements, assistance militaire et programmes sociaux) ; partenariat qui a d’ailleurs engendré des tensions entre la Colombie et certains pays voisins (Equateur, Venezuela). Dans ce cadre, elle bénéficiait depuis 2002 de l’ « accord andin sur la promotion du commerce et l’éradication de la drogue (ATPDEA)» (http://fr.reingex.com/ATPDEA-US.shtml). La prolongation de cet accord (normalement expiré en début d’année 2011) jusqu’à l’entrée en vigueur du traité de libre-échange a également été votée le 12 octobre 2011. Sur le plan des échanges, les Etats-Unis sont le premier partenaire commercial de la Colombie et représentent 43% de ses exportations en 2010. De même, 26% des importations colombiennes proviennent des Etats-Unis. La Colombie est exportatrice nette vers les Etats-Unis depuis le début de la décennie et l’excédent commercial s’est fortement accru dans la deuxième moitié des années 2000. Pour autant, la balance commerciale bilatérale est très hétérogène selon les stades d’élaboration. Ainsi si elle est excédentaire et croissante pour les produits primaires, elle est en revanche structurellement déficitaire pour les biens d’équipement, les biens intermédiaires et les produits manufacturés de base. En réalité, sur la période 1990-2009, 71% des produits exportés par la Colombie vers les Etats-Unis sont des produits primaires, part qui s’est accrue au cours des dernières années (82% en 2009). Les Etats-Unis sont également le premier investisseur étranger dans le pays, même si les flux nets entrants ont fortement diminué avec la crise. Sur la période 2006-2010, la Colombie a été le 4ème récepteur d’Investissement Direct Etranger (IDE) américain dans la région derrière le Mexique, le Brésil et le
Chili.
II)- LES OPPORTUNITES ET DEFIS DE L’ACCORD DE LIBRE-ECHANGE USA-COLOMBIE
Cet accord commercial global permettra d’éliminer les tarifs douaniers et d’autres barrières aux exportations des Etats-Unis, d’accroître le commerce entre les deux pays, et de promouvoir la croissance économique pour les deux.
1)- L’élimination des barrières tarifaires
Plus de 80% des exportations américaines de produits industriels et de consommation vers la Colombie deviendra en franchise de droits immédiatement, les droits de douane restants seront éliminés progressivement sur dix (10) ans.
La Commission du Commerce International (ITC) a estimé que les réductions tarifaires dans l’Accord accroîtront les exportations de marchandises des Etats-Unis de plus de 1,1 milliard de dollars.
La Colombie est le troisième plus grand marché pour les exportations américaines en Amérique latine. La Colombie est un grand importateur de céréales en provenance des Etats-Unis tandis qu’elle exporte un certain nombre de fruits tropicaux aux Etats-Unis.
Les principales exportations des Etats-Unis gagneront immédiatement l’accès en franchise à la Colombie : l’agriculture et les équipements de construction, les aéronefs et les pièces, les pièces automobiles, les engrais et les produits agrochimiques, le matériel informatique, l’équipement médical et scientifique et le bois.
Les secteurs stratégiques tels : agriculture équipement, l’aérospatiale, l’automobile, les produits de construction, les produits chimiques, construction et équipement électrique, biens de consommation, les biens environnementaux, les produits du poisson, chaussures, High-Tech Instrumentation, TIC, machines, matériel médical métal, papiers, textiles, services.
La Loi sur l’éradication de la drogue et la promotion du commerce andin (ATPDEA) (http://fr.reingex.com/ATPDEA-US.shtml) est le mécanisme actuellement utilisé pour l’admission en franchise de droits d’environ 6 000 produits colombiens sur le marché américain. Il est temporaire, et son extension dépend de la libre volonté des autorités américaines.
2)- L’augmentation de la compétitivité des producteurs domestiques
Selon le gouvernement colombien, l’accord de libre-échange avec les Etats-Unis devrait amener un surplus de croissance d’au moins 1% par an grâce à la hausse des exportations, des créations d’emplois, une hausse de l’investissement, et
une réduction des coûts d’importations de biens d’investissements augmentant la compétitivité des producteurs domestiques. Notamment, l’accord de libre-échange accroît les préférences octroyées (c’est-à-dire le nombre de biens et services
concernés) par rapport à l’ATPDEA et réduit l’incertitude puisque sa période de validité n’est pas bornée. L’accord donne ainsi accès sans taxe à 99% des produits colombiens sur le marché américain contre 82% ouverts immédiatement par le marché colombien aux importations américaines.
Finalement, les principaux bénéficiaires de l’accord de libre-échange entre la Colombie et les Etats-Unis devraient être les secteurs exportant d’ores et déjà aux Etats-Unis : fleurs (75% de la production nationale destinée au marché américain), café, cuir, textiles, chaussures, papier, plastiques (…). Le secteur agroindustriel pourrait en revanche être pénalisé alors que les Etats-Unis subventionnent la production d’un certain nombre de produits (riz, maïs, orge, sorgho, produits laitiers, poulet). L’accord devrait également rendre les importations de biens d’équipement moins coûteuses, favorisant ainsi l’investissement et la compétitivité des entreprises locales.
Plusieurs défis se profilent néanmoins pour que la Colombie tire réellement profit de cet accord. D’abord, à court terme, compte tenu de la faiblesse des perspectives de croissance aux Etats-Unis, il est probable que l’on n’observe pas de changement majeur dans la dynamique bilatérale.
Enfin, pour que le traité de libre-échange soit positif pour la Colombie à moyen-long terme, il requiert des industries locales qu’elles soient compétitives face à la concurrence nord-américaine. Ceci nécessite l’amélioration d’un certain
nombre de domaines clés tels que les infrastructures ou l’éducation (capital humain). Or, selon le « Gobal Competitiveness Report 2011-2012 » (http://www3.weforum.org/docs/WEF_GCR_Report_2011-12.pdf), la Colombie est
classée 85ème/142 au niveau des infrastructures, 60ème au niveau de l’éducation supérieure et de la formation derrière l’Argentine, le Brésil et le Chili notamment, à l’échelle de la région. En l’absence d’améliorations significatives dans ces
secteurs, il existe un risque de spécialisation accrue dans les
secteurs primaires et des biens à faible valeur ajoutée qui serait défavorable à la croissance du pays à long terme (déséquilibre de la balance des paiements à mesure que le marché domestique se consolide ou tout au moins forte
exposition à la volatilité des prix des matières premières, concurrence asiatique, etc…).
CONCLUSION
L’accord de libre-échange entre les Etats-Unis et la Colombie offre de nombreuses opportunités pour les deux pays en termes d’échanges commerciaux et d’investissement qui devraient contribuer au dynamisme économique, alors que l’économie colombienne a crû, historiquement de manière stable mais à un rythme somme toute modéré (3,5% par an en moyenne sur 1990-2010) (http://cib.natixis.com/flushdoc.aspx?id=60493) . Néanmoins, afin que l’économie colombienne en bénéficie pleinement, le pays devra restructurer les secteurs rendus vulnérables par le commerce nord-américain et accroître la compétitivité et la capacité des secteurs porteurs.