Alors qu’une accalmie semblait régner dans la corne de l’Afrique, l’épisode de la crise malienne a favorisé la montée en puissance d’une escalade de violences entre les deux Soudan en fin mars dernier. En effet, alors qu’une visite officielle du président soudanais était prévue à Jouba au début du mois d’avril (plus précisément le 03 avril 2012), c’est à cette période que les deux Etats ont décidé respectivement de donner une nouvelle configuration à leurs rapports mutuels, en se livrant à une bataille pour le contrôle de la région d’Heglig. Cette nouvelle escalade de violences a interrompu les négociations qui étaient en cours entre les deux Etats et a mis à mal la médiation de l’Union africaine. Il faut rappeler que depuis l’indépendance du Sud Soudan en juillet 2011, Khartoum et Juba, les deux capitales des deux Soudans, connaissent des montées de violence dans leurs zones frontalières, entrecoupées de négociations sous pressions internationales. Si la guerre, franche et brutale, n'a pas éclaté, la paix entre les deux Etats a été largement compromise au cours de ces semaines de violences, où les deux Etats se sont affrontés en mesurant respectivement leur puissance de nuisance. Ces combats ont eu lieu alors que les deux Etats ont conclus des accords bilatéraux de non agression et de coopération ont été conclus entre les deux Etats en février dernier, en plus de leur appartenance respective aux organisations internationales (ONU, UA) dont les chartes interdisent explicitement le recours à la force. C’est ainsi que le 10 avril 2012, les forces armées du Sud (Armée de libération des peuples du Soudan, SPLA), après avoir affronté les troupes régulières du Nord (Forces armés du Soudan, SAF), ont pris le contrôle de la zone de Heglig, cœur des installations pétrolières resté sous le contrôle de Khartoum depuis la sécession. Elles ont ensuite stoppé la production que Khartoum contrôlait encore. Heglig fournit 90 % du brut du Nord. Cette reprise des combats dévoile ouvertement le différend sur le tracé de la frontière commune qui fait toujours problème entre les deux Etats, en même temps que celui du partage des ressources pétrolières qui est l'une des principales sources de tension Nord-Sud.
- Suspension des négociations en cours et mise en péril de la paix
L’interdiction du recours à la force dans les relations internationales est mise à rude épreuve dans les rapports entre le Soudan et le Soudan du Sud. Depuis le 26 mars 2012, la mise hors-la-loi de la guerre semble n’avoir de valeur que pour ceux qui y croient ou sur les papiers. Les deux pays ont pourtant signé un "Accord de non agression" le 10 février pour éviter un conflit armé entre eux. L'accord, atteint sous médiation de l'UA à Addis-Abeba, stipule que chaque partie doit respecter la souveraineté et l'intégrité territoriale de l'autre, ne doit pas intervenir dans les affaires internes de l'autre, s'abstenir de recourir à la force et observer les intérêts communs et la coexistence pacifique. Dès le 11 février, L'UA s’est félicitée de la signature d'un protocole d'accord de non-agression et de coopération entre le Soudan et le Soudan du Sud. En dépit de ces accords, les deux Etats se livrent mutuellement à des combats et arment des milices dont ils n’ont pas la certitude de contrôler entièrement les faits et gestes. Au regard de la situation, L'Union africaine soulignait l'impératif de la mise en œuvre scrupuleuse du Protocole d'accord de non-agression et de coopération entre la République du Soudan et la République du Soudan du Sud dès le 15 février 2012. Il est vrai que ces accords, qui intervenaient en compte goutte, et qui brillaient par leur caractère très elliptique, laissaient présager les négociations houleuses en cours entre les deux Etats, avec la médiation de l’Union africaine. Le fait que plusieurs problèmes fondamentaux qui envenimaient et enveniment encore la situation entre les deux Etats (notamment la question des frontières, du pétrole et surtout le statut de certaine zones riches en pétrole comme la zone d’heglig) n’aient pas pu être résolus, ne pouvaient en aucun cas favoriser le retour au calme. La zone d’Heglig, qui constitue le goulot d’étranglement, avait été déclarée litigieuse, ce qui signifie qu’aucun des deux Etats n’a le droit de l’occuper avant que la question du tracé des frontières ne soit définitivement réglée. En fait, depuis la partition, plusieurs questions restent non réglées et alimentent les tensions entre les deux voisins, dont le statut de la zone d'Abyei, région aux terres fertiles. Les habitants de cette région devaient se prononcer par référendum sur leur rattachement au Sud ou au Nord, mais une controverse sur les critères d'inscription sur les listes électorales a empêché la tenue du scrutin.
- Affrontements dans la zone d’Heglig
La région d'Heglig se situe au sud de l'Etat du Sud-Kordofan, dans une zone en proie à une guerre de basse intensité, conduite par les forces du Mouvement de libération du peuple du Soudan (SPLM-Nord), une rébellion opérant au Nord, mais apparemment affiliée à Juba. C’est une région riche en pétrole, et qui se trouve du côté nord de la frontière de 1956 entre le Soudan et le Sud-Soudan. Seulement Jouba considère que cette région relève du Sud Soudan. Après s'être mutuellement accusées de soutenir des rebelles, les deux armées se sont directement affrontées pour la première fois le 26 mars dernier lors d'une première incursion sud-soudanaise dans la zone contestée de Heglig, dans l'Etat du Kordofan-Sud, au Soudan. La situation s'est envenimée quand l'armée sud-soudanaise a pris le contrôle de Heglig le 10 avril. Le gouvernement soudanais a averti pour sa part qu'il défendrait son Etat du Kordofan-Sud, dans lequel se trouve Heglig par tous les moyens. Le contrôle de cette zone est crucial pour l'économie soudanaise, qui a perdu environ 75% de sa production pétrolière et des milliards de dollars de recettes avec la sécession du Soudan du Sud. Heglig, dont Juba dit qu'elle ne se retirera pas tant que Khartoum occupera une autre région disputée, Abyei, fait partie des nombreuses zones frontalières que revendiquent toujours les deux Soudans. La région est donc ultra-stratégique pour Khartoum, qui n'entend pas la laisser échapper.
1. Déclaration « d’ennemi »
La prise de la région de Heglig par le Soudan du Sud a poussé le Parlement de Khartoum à qualifier d'«ennemi» le gouvernement de Juba. Le 16 avril 2012 en effet, une résolution en ce sens adoptée à l'unanimité par les députés à Khartoum est intervenue au lendemain d'un bombardement aérien soudanais d'un camp de Casques bleus de l'ONU en territoire sud-soudanais faisant 10 morts et 14 blessés parmi les civils aux alentours du camp, selon les Sud-Soudanais. "Le gouvernement du Soudan du Sud est un ennemi et tous les organismes d'Etat doivent le traiter selon ce principe", a annoncé le Parlement dans sa résolution, au moment où les craintes d'une nouvelle guerre civile s'amplifiaient du fait des violents combats entre les deux pays voisins. Le président du Parlement, Ahmed Ibrahim El-Tahir, a appelé l'assemblée à renverser le Mouvement populaire de libération du Soudan (SPLM), les ex-rebelles sudistes désormais au pouvoir au Soudan du Sud, indépendant depuis juillet 2011 à la suite d'une guerre civile dévastatrice (1983-2005). "Nous rassemblons toutes nos ressources pour combattre le SPLM jusqu'à ce que nous mettions fin à son gouvernement au Soudan du Sud", a-t-il dit.
Il s’agit là d’un acte de belligérance des députés soudanais qui peut distiller ou propager le venin de la haine dans les veines des populations dont la cohabitation n’était guère des meilleures, mais qui met à mal un principe fondamental du droit international contemporain. Cette déclaration aurait pu être assimilée à une déclaration de guerre si elle émanait de l’exécutif. Certes, le parlement soudanais est majoritairement composé des membres du parti au pouvoir et ne fait qu’exprimer dans cette résolution qu’une idée du parti au pouvoir. En effet, quelle incidence une telle résolution pourrait-elle avoir sur les rapports entre les deux Etats, s’il ne s’agit pas d’une déclaration de guerre. Seulement, en pareille circonstances, le parlement d’un Etat détient-il une compétence pour déclarer la guerre à un autre Etat ?
A Juba, le ministre de l'Information sud-soudanais Barnaba Marial Benjamin a jugé "regrettable" la résolution du Parlement. "Nous n'avons jamais été leur ennemi. Notre position est que nous ne les considérons pas comme notre ennemi".
2. Intention de changer de gouvernement au Sud Soudan
L’amplification des tensions et la détermination du Soudan du Sud à garder le contrôle d’Heglig a conduit le président soudanais à tenir des propos menaçant à l’endroit de son homologue sud soudanais. S'adressant à un rassemblement populaire le 11 avril dernier, dans la capitale Khartoum, le président Béchir a déclaré la guerre au Soudan du Sud et a juré de faire tomber le gouvernement du Mouvement de libération du peuple soudanais (SPLM) de Juba, tandis que l'escalade militaire à la frontière entre les deux pays se poursuivait. « Notre principal objectif à partir d’aujourd’hui est de libérer les citoyens du Soudan du Sud du SPLM», a déclaré au siège de son parti Omar el-Béchir, en référence au Mouvement populaire de libération du Soudan au pouvoir à Juba depuis la partition du pays en juillet 2011. «Nous le considérons comme un insecte (...) cherchant à détruire le Soudan et notre principal but désormais est d'éliminer complètement cet insecte», a-t-il ajouté. Il s’exprimait à l’occasion d’un meeting de soutien aux troupes soudanaises qui tentent de reconquérir la zone frontalière de Heglig, où se trouve le principal champ pétrolier du pays, tombée aux mains du Soudan du Sud il y a une semaine. La cohabitation est ainsi difficile entre les deux Etats, puisque le président soudanais a déclaré que : «Il y a deux options : soit nous finissons à Juba, soit ils finissent à Khartoum. Nous ne pouvons cohabiter au sein des anciennes frontières» du Soudan unifié, a-t-il déclaré, prédisant une victoire rapide. «Nous ne nous arrêterons pas à Heglig. Nous nous arrêterons à Juba», capitale du Soudan du Sud, a clamé le président soudanais devant 3 000 jeunes reprenant des chants martiaux.
Le Soudan du Sud a réagi en appelant Khartoum à des pourparlers «sous l'égide de l’Union africaine». «Nous ne sommes pas entrés au Soudan, et nous n’avons pas de plans pour un changement de régime au Soudan ou pour envahir Khartoum», a déclaré le ministre sud-soudanais de l’Information, Barnaba Marial Benjamin.
B.Intensification des conflits
Tout a débuté le 26 mars 2012, lorsque les deux pays s'engagent dans des affrontements armés. Le Soudan du Sud s'empare du champ pétrolier d'Heglig, en zone frontalière en réponse à des frappes aériennes soudanaises et des attaques au sol dans l'Etat de l'Unité, au Sud Soudan. Le 10 avril, l'armée sud-soudanaise (SPLA) s'empare d'Heglig et capture quatorze prisonniers parmi les troupes soudanaises. Les combats entre les deux pays se poursuivent dans d'autres régions. Le 15 avril, le Soudan bombarde un camp de Casques Bleus de l'ONU au Soudan du Sud. Cette attaque fait dix morts et quatorze blessés parmi les civils.
Du 26 mars au 20 avril 2012, les deux capitales se sont livrées, sur le terrain comme en paroles, à une véritable escalade. Le Sud a accusé le Nord d'avoir bombardé un camp de Casques bleus dans l'Etat d'Unité, une accusation démentie par le Soudan mais relayée par l'ONU. Sur le terrain s’entremêlent bombardements aériens, tirs d'artillerie lourde, etc : chaque partie estime être dans son bon droit, en situation de défense, et accuse l'autre d'avoir lancé l'offensive. Les deux pays se reprochent mutuellement d'avoir choisi la voie d'une nouvelle guerre. Khartoum a claqué la porte de négociations destinées, sous l'égide de l'Union africaine, à apaiser les tensions et les deux capitales semblent rester sourdes aux appels à la retenue de la communauté internationale. Sur le terrain, un important leader de l'opposition soudanaise a rendu visite à des soldats soudanais blessés, dans une démonstration de solidarité nationale. Il y a évoqué la présence de rebellions soutenues par le Soudan du Sud dans les combats. Des accusations régulièrement démenties par Juba. Au cours des derniers mois, le SPLM-Nord a réussi à faire entrer dans le jeu ses propres alliés, les groupes rebelles intégrés dans le Front révolutionnaire du Soudan (SRF), une alliance anti-Khartoum. Parmi ces groupes rebelles se trouvent notamment les hommes du Mouvement pour la justice et l'égalité (JEM), qui étirent la ligne des affrontements jusqu'au Darfour.
1.La médiation africaine à rude épreuve
L’interruption des négociations entre le Soudan et le Soudan du sud et le déclenchement des hostilités qui ont court dans la zone d’Heglig constituent la preuve de l’échec de la médiation entre les deux Etats (voir Communiqué de Presse (FR)). En effet, le conflit menace depuis que le Soudan du sud existe (depuis le 1er juillet 2011) et jusqu'à présent, seuls des groupes rebelles affiliés aux deux capitales, Khartoum et Juba, s'affrontaient dans des régions isolées. Ces combats suscitaient de nouvelles séances de négociations encadrées par les partenaires internationaux du Soudan. Désormais, les deux armées s'affrontent directement dans des zones pétrolières, dans le centre du pays. De nombreuses médiations ont été menées au Soudan depuis une décennie. Avant la séparation Nord-Sud, le pays comptait deux missions de maintien de la paix internationales. Mais la décision de passer, ou non, à la guerre ouverte appartient aux responsables politiques et militaires des deux Soudans. Or Khartoum appelle à la mobilisation générale et affirme même vouloir armer de nouvelles milices, une pratique responsable d'une grande partie des victimes de ce conflit. Les conséquences de la dégénération de la situation entre les deux voisins se répercuteront immédiatement sur la situation déjà instable à la corne de l’Afrique. En effet, un affrontement ouvert présente le risque de voir la Corne de l'Afrique à nouveau enflammé et l’anéantissement des projets structurants en élaboration dans cette zone (construction d’oléoducs, chemins de fer, autoroutes et infrastructures dont cette partie de l'Afrique a grand besoin).
L’Union africaine est éprouvée par cette situation, d’autant plus que le président soudanais, Omar Al-Bachir, est poursuivi par la Cour pénale internationale et que la position de l’organisation continentale vise à protéger le concerné. Parallèlement, des représentants du Soudan et du Soudan du Sud devaient se rencontrer d’abord le 31 mars 2012 à Adis- Abéba, puis le 19 avril à Addis-Abeba, pour discuter de sécurité. Cette réunion était programmée avant que les combats n'éclatent. Mais les hostilités récentes devraient désormais être au centre de ces discussions. La tension actuelle pourrait même mener ces nouveaux pourparlers entre les deux pays dans une impasse. "Ce à quoi nous espérons parvenir, c'est à la cessation des hostilités. Nous allons faire cesser les combats en cours et faire en sorte que n'éclate pas une nouvelle guerre entre les deux pays", a déclaré le négociateur en chef du Soudan du Sud, Pagan Amum. Le médiateur de l'Union africaine, Thabo Mbeki, s'est rendu jeudi à Juba et vendredi à Khartoum pour tenter de désamorcer la crise. Avec le président soudanais Omar el-Béchir, il a abordé la question de l'avenir des Sudistes installés au Nord.
2.Expression de plusieurs conflits larvés
Il y a une imbrication divers conflits d'ampleur diverses et d'échelles différentes avec interaction de facteurs environnementaux, économiques, culturels et économiques dans es deux soudan, et qui peuvent rejaillir sur leurs rapports mutuels. Les enjeux principaux concernent l'eau et le partage des eaux du Nil, le pétrole mais également le foncier. Les conflits ont généré des drames humanitaires, alimentaires, réfugiés, de déplacés de très grande ampleur.
Le Soudan du sud, Etat nouvellement indépendant doit encore poser les jalons d’une nation solide de demain, même confronté à une forte insécurité alimentaire. Le MPLS (mouvement populaire de libération du Soudan), mouvement militaire rebelle, transformé en en un parti politique civil est le parti le plus transversal, mais n'est pas un parti national. Il a acquis des privilèges par la guerre et est contesté par les autochtones de Juba et de l'Etat Equatoria. Il a obtenu 70% des voix aux élections, contrôle 27 sur 33 ministères du GOSS (gouvernement du Sud-Soudan), 95% du parlement de Juba et se rapproche d'un parti unique. Toutefois la diversité identitaire a éclaté une fois l'indépendance obtenue. Les oppositions sont familiales, claniques et tribales. Aux conflits locaux de faible intensité s'ajoutent des conflits politico-militaires opposant le MPLS, les insurgés armés et les partis d'opposition. Les clivages ethniques sont utilisés pour relier ces conflits locaux et politico militaires. La domination Dinka (considérés comme allogène à Juba par les autochtones) qu'exerce le MPLS est dénoncée par les Nuer et son big man Machar ainsi que par les Shilluk et son big man Alok. Ces divers mouvements sont instrumentalisés par Khartoum et peuvent peser dans la négociation. Les rivalités entre les populations de l'Equatoria (agriculture sédentaire) et les Nilotiques marginalisés sont attisées. Khartoum est accusée de mener des guerres par procuration en soutenant Athor. Machar et Matip sont les membres d'une supposée coalition des Nuers pour déloger les Dinkas du pouvoi. L'arc de rébellion va du Jonglei au Nord-Bahr el -Ghazal avec deux têtes de pont, le Haut-Nil et l'Unité et de fortes tendances au factionnalisme.
Il y a également résurgence au Soudan des conflits dans les Etats proches du Sud, les monts Nouba dans le Sud du Kordofan. Ceux-ci avaient été en partie réglés par le cessez le feu de février 2002. Ils renvoient aux mémoires de l'esclavage entre Noubas et Baggara, aux conflits fonciers vis-à-vis des terres accaparées par les Baggara et les Jullaba propriétaires de Khartoum, aux alliances entre les Noubas et les sudistes du SPLM.
Les contentieux entre le Nord et le Sud restent très nombreux. Les plus importants sont le partage des ressources pétrolières et de la dette, la délimitation des frontières entre le Nord et le Sud et la citoyenneté des sudistes vivant au Nord Soudan.
Le contentieux de la délimitation des frontières se trouve accentué. Le référendum n'a pu être organisé à Abyei. Il reste des espaces pétrolifères contestés tels Heglig. Les Etats du Nil bleu et du Kordofan-Sud du Soudan contestent le pouvoir de Khartoum, certaines milices sont liées au MPLS et des droits de nationalité des sud-Soudanais vivants au Nord. (The African Union Urges Sudan and South Sudan to Conclude Border Negotiations)
Le problème des droits des populations est crucial. L'indépendance du Soudan du Sud a conduit à des questions non résolues en termes de nationalité et de citoyenneté, de demandes d'asile pour des apatrides, dans un contexte où les populations sont largement métissées, mobiles et sont déplacées ou réfugiées suite aux conflits. D’ailleurs, depuis le 17 février, l'UA exhorte le Soudan et le Soudan du Sud à conclure rapidement les discussions relatives à la nationalité et aux questions connexes. Le Soudan est caractérisé par un poids considérable de migrants, de déplacés, de réfugiés et de demandeurs d'asile. Sur les 700 000 sudistes vivant au Soudan, 110 000 sont en attente de migration au Sud avec les difficultés liées aux droits quant à l'accession à la nationalité. La question de la nationalité des Sud-Soudanais est d'ailleurs conflictuelle. Les autorités soudanaises refusent la nationalité des Sud-Soudanais restés au Soudan alors que nombre d'entre eux sont mariés à des Soudanais, et ne veulent ou ne peuvent quitter le Soudan. Le nombre d'apatrides risque de croitre. Déjà, des camps de réfugiés se sont développés au Soudan et au Sud Soudan mais également dans les pays limitrophe tels l'Ethiopie ou le Tchad avec un rôle majeur du HCR.
La question de la gestion et du partage des revenus pétroliers est le point de convergence de toutes les tensions. Sur 500 000 barils jour, 400 000 sont produits par le Soudan du Sud. Aucun accord n'a été trouvé pour favoriser une coopération entre le Sud disposant des réserves et le Nord possédant les raffineries et l'oléoduc vers Port- Soudan. Les deux Etats ont pourtant un besoin impératif de coopérer, du moins pour le Soudan du Sud tant que l'oléoduc allant vers Lumu au Kenya n'aura pas été construit et que des raffineries ne seront pas installées. En 2012, les prélèvements jugés discriminatoires sur le transport du pétrole du Sud par le Nord ont été accompagnés par l'arrêt de l'exploration du pétrole au Sud alors qu'il représente 98% des recettes publiques. Le Soudan demandait 30$ par baril alors que le Soudan du Sud était prêt à payer seulement 1 $ par baril. La réunion de février 2012 à Addis-Abéba entre Juba et Khartoum sous l'égide de l'UA avait annoncé l'arrêt des bombardements mais les négociations ont été suspendues. Les délimitations des frontières contestées (Abyei), les soutiens aux milices rebelles des deux côtés des frontières et le partage de la rente pétrolière restent en suspens.
II. Pressions de la communauté internationale
- Au sein des Nations Unies
Le 12 avril 2012, le Conseil a, dans une déclaration de son président, exigé que « toutes les hostilités cessent complètement, immédiatement et sans conditions » face à l’intensification inquiétante des conflits. Le Conseil, dans une déclaration présidentielle lue, au nom de tous ses membres, par la représentante des États-Unis, Mme Susan Rice, exige aussi « que l’Armée populaire de libération du Soudan (APLS) se retire d’Heglig, que les Forces armées soudanaises arrêtent les bombardements aériens, que les violences transfrontières répétées entre le Soudan et le Soudan du Sud prennent fin et que chacune des parties cesse d’appuyer des éléments agissant pour son compte dans l’autre pays ». Le Conseil de sécurité demande en outre aux dirigeants des deux pays de tenir immédiatement une réunion au sommet, comme prévu, pour faire avancer les questions qui font obstacle à l’instauration d’une paix durable. Le conseil de sécurité même évoqué l'éventualité de sanctions contre le Soudan et le Soudan du Sud pour convaincre les deux pays à sortir de leur logique de guerre. L'ambassadeur des Etats Unis à l'ONU a soutenu devant les membres du Conseil de Sécurité que les deux Soudan étaient enfermés dans une "logique de guerre" dans le conflit qui les oppose, et que les voix radicales se faisaient de plus en plus entendre à Khartoum et à Juba. Susan Rice a fait ce commentaire après une rencontre à huis clos avec l'envoyé des Nations Unies au Soudan du Sud, Hailé Menkarios, et le médiateur de l'Union Africaine, Thabo Mbeki. Madame Rice a rappelé les appels du Conseil au Soudan du Sud pour retirer ses troupes du champ pétrolifère d'Heglig, occupé depuis la semaine dernière, et à Khartoum de cesser ses bombardements dans certaines zones du Soudan du Sud. D'après elle, les membres du conseil ont discuté de l'éventualité de sanctions pour presser les deux parties à stopper l'escalade de la violence. (http://www.un.org/News/fr-press/docs/2012/CS10606.doc.htm)
Dès le 16 avril 2012, le Secrétaire général des Nations Unies Ban Ki-moon a réitéré son inquiétude concernant les hostilités entre le Soudan et le Soudan du Sud et leur impact sur la population civile. Il a appelé les deux parties prenantes à mettre fin aux combats immédiatement et à respecter le droit humanitaire international et la protection des civils. Le secrétaire général de l’ONU « appelle le gouvernement du Soudan à cesser immédiatement les bombardements aériens du territoire du Soudan du Sud et le gouvernement du Soudan du Sud à se retirer immédiatement [du village] de Heglig et d'employer des moyens légaux et diplomatiques pour régler leurs différends quant au statut de Heglig », a dit le porte-parole du Secrétaire général dans une déclaration à la presse. (http://www.un.org/apps/newsFr/storyF.asp?NewsID=28001&Cr=Soudan&Cr1). Le Secrétaire général est également préoccupé par les informations reçues ce weekend et qui font état de la mobilisation de milices dans la zone d'Abyei, ce qui est une violation de l'accord du 20 juin dans lequel les parties prenantes s'étaient engagées à retirer immédiatement tous les éléments armés de la zone. Il a appelé le gouvernement du Soudan à assurer le retrait complet et immédiat de tous ces éléments de la zone et a exhorté le Président Bachir (Soudan) et le Président Kiir (Soudan du Sud) à respecter leur engagement à maintenir la paix et la stabilité au Soudan et au Soudan du Sud et à résoudre tous les différends grâce à un dialogue pacifique et à convoquer un sommet présidentiel au plus vite.
Le 19 avril 2012, le Secrétaire général de l'ONU, a encore appelé le Soudan du Sud à retirer ses troupes du Soudan et le Soudan à cesser de bombarder le territoire sud-soudanais. Il a encouragé les dirigeants des deux pays à retourner à la table de négociations. « La dernière chose dont les peuples de ces deux pays ont besoin est une nouvelle guerre, une guerre qui ferait de nombreuses victimes, détruirait l'espoir et ruinerait les perspectives de paix, de stabilité, et de prospérité pour tous les Soudanais », a dit M. Ban lors d'un point de presse à New York. Le Secrétaire général a appelé les deux parties à un maximum de retenue, à retourner à la table de négociations et à résoudre leurs différends. « J'appelle le Soudan du Sud à retirer immédiatement ses forces d'Heglig. Il s'agit d'une violation de la souveraineté du Soudan et un acte clairement illégal », a-t-il dit. « J'appelle aussi le gouvernement du Soudan à arrêter immédiatement le bombardement du territoire sud-soudanais et à retirer ses troupes des territoires disputés, en particulier Abyei. » (http://www.un.org/apps/newsFr/storyF.asp?NewsID=28001&Cr=Soudan&Cr1)
Le Haut commissaire de l'ONU aux droits de l'homme, Mme Navi Pillay, a exhorté mardi le Soudan et le Soudan du Sud à "arrêter la violence", estimant que les tensions dans la région risquent d'ébranler l'accord de paix signé en 2011 entre les deux pays. "Je condamne le bombardement aérien indiscriminé par les forces soudanaises sur des zones civiles du Soudan du Sud, y compris à Mayom et Bentiu dans l'Etat d'Unité, ayant causé le décès d'au moins huit civils et blessé" plusieurs autres depuis dimanche, a-t-elle poursuivit.
- Au niveau de l’Union africaine
L'Union africaine (UA) a appelé de nouveau mercredi le Soudan et le Soudan du Sud à agir de façon responsable et à tenir compte des appels lancés par l'UA et la communauté internationale pour que le conflit entre les deux pays soit mis à fin immédiatement.
Dans un communiqué publié mercredi, l'UA s'est déclaré toujours préoccupée par la tendance à la guerre entre Khartoum et Juba, en particulier par l'escalade des opérations militiares entre les deux côtés et la situation dans la région disputée d'Abyei. (Communiqué de Presse)
L'UA a également insisté à demandé aux 300 soldats des forces armées soudanaises et aux 700 agents de police sud-soudanaises de se retirer immédiatement et sans condition préalable de la région d'Abyei. Rappelant les décisions et les accords conclus précédemment, l'UA a appelé les deux pays à prendre des mesures immédiates pour calmer les tensions, et à agir de façon responsable dans l'esprit de la coopération. Le Soudan et le Soudan du Sud ont échoué à délimiter leur frontière commune et sont en désaccord au sujet de nombreuses régions frontalières, dont Jao, où des affrontements armés ont eu lieu le 26 février, et la région d'Abyei (http://www.au.int/fr/sites/default/files/cps%20317%20soudan%20soudan%20du%20sud%2012%2004%202012.pdf)
3. A l’Union européenne, Etats-Unis, Chine
Le département d'Etat américain a pour sa part «condamné fermement le bombardement de la mission de l'ONU au Soudan du Sud par les forces armées soudanaises», lundi, mais il a également appelé le Soudan du Sud à «retirer ses forces immédiatement et sans conditions de Heglig».
A son tour, l'Union Européenne redoute que les tensions entre les deux Soudans ne dégénèrent en un véritable conflit et appelle les deux pays au maximum de retenue. "De nouvelles activités militaires transfrontalières pourraient conduire à une confrontation militaire plus large", a déclaré le porte-parole de Catherine Ashton, la haute représentante de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, mercredi 28 mars. Mme Ashton a appelé le Soudan et le Soudan du Sud à respecter les engagements de non-agression et de coopération qu'ils avaient conclus le 10 février et à reprendre les négociations.
"La visite en Chine du président sud-soudanais Salva Kiir n'a pas été reportée, malgré la tension croissante entre le Soudan et le Soudan du Sud", rapporte le quotidien chinois. Durant le séjour du leader africain, du 23 au 28 avril, Pékin va offrir sa médiation en vue d'apaiser la crise entre les deux pays, selon le journal. La Chine est traditionnellement proche de Khartoum, mais se fournit en pétrole au Soudan du Sud - à hauteur de 5 % des ses importations de brut. Le président soudanais Omar El-Béchir a promis de "donner une leçon par la force" à son voisin.
III.Retrait du Soudan du Sud d’Heglig
Le 20 avril 2012, le Soudan du sud a annoncé son retrait de la région d’Heglig, sans explication. Il faut dire que depuis une semaine, l'ONU, l'Union africaine, l'Union européenne et les Etats-Unis exigeaient le retrait des troupes du Soudan du Sud, entrés illégalement dans cette zone pétrolifère frontalière des deux Soudans. Le régime de Juba qui bénéficie d'un fort soutien extérieur n'a pas voulu se mettre en porte-à-faux avec ses partenaires internationaux. Depuis une semaine, De son côté, Khartoum, qui s'est senti humilié après la perte d'Heglig tombée en quelques heures sous le contrôle de Juba, voulait sa revanche. Au début de la semaine, le Conseil de sécurité des Nations unies a évoqué la possibilité de prendre des sanctions contre les deux belligérants, menace destinée à les faire sortir de leur logique de guerre. Selon le président Salva Kiir, le retrait des forces sud-soudanaises d'Heglig prendra trois jours. Cependant, dans la nuit, le porte-parole de l'armée sud-soudanaise a affirmé que ses troupes étaient toujours dans la zone contestée de Heglig, et qu'elles ne la quitteraient qu'aux conditions émises par Juba, à savoir un arrêt des bombardements soudanais.
Pour l’instant, Khartoum et Juba n’ont pas relancé les négociations pour régler les contentieux frontalier et pétrolier. Le Soudan a célébré la reprise «par la force» de la zone stratégique contestée de Heglig, le Soudan du Sud évoquant pour sa part un repli volontaire et progressif sous la pression internationale. « Il n’y a pas eu de retrait. Nous les avons battus par la force», a lancé le président Omar al-Béchir, en uniforme militaire, devant des milliers de partisans réunis devant le siège de l'état-major de l’armée à Khartoum a posé quatre conditions à une «normalisation» avec son voisin : une «approbation» d’un pacte de non-agression signé par les renseignements des deux pays, une «reconnaissance» des frontières de janvier 1956, la fin de «toutes les agressions» contre son territoire, «la fin du soutien» de Juba aux rebelles combattant les troupes de Khartoum. Omar al-Béchir a dans le même temps affirmé que son pays ne rouvrirait pas l’oléoduc exportant le pétrole du Sud, l’une des principales sources de tension entre les deux pays.
Soudan et Soudan du sud: Négociations interminables et signature des accords au compte-goutte
Metou Brusil Miranda
- Signature d'un protocole d'accord de non- agression et de coopération entre le Soudan et le Soudan du Sud (Metou Brusil Miranda)
- Sud soudan: Entre escalade de violences et prorogation du mandat de la force intérimaire de sécurité pour Abyei Metou Brusil Miranda
- Soudan: question de déploiement d’une Mission de l’ONU dans le futur Etat du Sud-soudan et injonction du conseil de sécurité de libérer Abyei (Metou Brusil Miranda )
- Sentinelle n° 161, Conflit au Soudan, Convention d'arbitrage au sujet de la délimitation de la région de l’Abyei, Pr. Philippe WECKEL
- Soudan: le référendum d'autodétermination de la région Sud-Soudan (Bada Céline)
- Sentinelle n° 248, CPI/ Darfour : Allocution du Procureur de la Cour pénale internationale devant le Conseil de Sécurité , Valérie GABARD
- Sentinelle n° 248, CPI/Darfour : Audience sur la confirmation des charges à l’encontre d’Abdallah Banda et Saleh Jerbo, Valérie GABARD
- Sentinelle n° 125, Soudan : prorogation du mandat de la MINUS, Aude VASSEUR
- Sentinelle n° 109, Soudan nécessité d’une solution politique pour la paix et la stabilité au Darfour, Sabrina RAHMANI
- Sentinelle n° 99, Soudan, situation en février 2007, Sabrina RAHMANI
- Sentinelle n° 50, Soudan opposition du gouvernement soudanais à la proposition de maintien de la paix de l'ONU au Darfour, Sabrina RAHMANI
- Sentinelle n° 50, HCR : signature du premier accord tripartite ouvrant le retour des réfugiés au Sud-Soudan, Sabrina RAHMANI