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Soumis par Breton Caroline le 25 March 2012

Pour la seconde fois, dans le cadre du contentieux croisé Airbus / Boeing, les Communautés européennes avaient demandé l’ouverture de consultations avec les Etats-Unis (en 2005), puis l’établissement d’un groupe spécial (en 2006), considérant que certaines mesures qu’ils accordaient au profit de constructeurs américains d’aéronefs civils gros porteurs (et notamment des incitations fiscales et non fiscales ; des allégements de l’impôt sur la propriété et de la taxe sur les ventes ; des versements et accès aux installations, équipements et employés publics accordés par la NASA ou le Département de la défense à Boeing…) constituaient des subventions prohibées ou pouvant donner lieu à une action et étaient donc incompatibles avec des dispositions de l’Accord sur les subventions et les mesures compensatoires – SMC (articles 3.1 a) et b), 3.2, 5 a) et c), et 6.3 a), b) et c.) et du GATT de 1994 (article III:4).

Dans son rapport du 31 mars 2011 (WT/DS353/R), le Groupe spécial a, à titre principal, confirmé que des mesures américaine (essentiellement en faveur de Boeing) constituaient des subventions à l’exportation prohibées ou des subventions spécifiques (accordées de 1989 à 2006 pour un montant total d’au moins 5,3 milliards de dollars) dont certaines d’entre-elles causaient des effets défavorables pour les intérêts européens sous la forme d’un préjudice grave (en détournant – ou menaçant de détourner – des aéronefs civils gros porteurs d’Airbus des marchés des pays tiers, en entravant – ou menaçant d’entraver – ces aéronefs sur ces marchés, en empêchant de manière notable des hausses de prix et en causant également une perte de ventes notable).

En avril 2011, l’Union européenne et les Etats-Unis ont notifié à l’ORD leur décision de faire appel, auprès de l’Organe d'appel permanent, « de certaines questions de droit couvertes par le rapport du Groupe spécial et de certaines interprétations du droit données par celui-ci ». 

Dans son rapport du 12 mars 2012 (WT/DS353/AB/R), l’Organe d’appel a principalement :

- précisé ce que constituaient des contributions financières au sens de l’article 1.1 a) 1) de l’Accord SMC (déclarant notamment que l’interprétation du Groupe spécial selon laquelle des mesures qualifiées d’achats de services étaient exclues du champ de l'article 1.1 a) 1) i) de l’Accord SMC, était sans fondement et sans effet juridique) ;

- confirmé que certaines mesures conféraient un avantage à Boeing au sens de l'article 1.1 b) de l’Accord SMC ;

- confirmé, pour des raisons différentes de celles avancées par le Groupe spécial,  que certaines mesures (telles que la réduction du taux de l’impôt applicable aux fabricants d’aéronefs commerciaux et de composants) étaient spécifiques au sens de l’article 2.1 de l’Accord SMC ;

- confirmé, s’agissant des effets défavorables sur la technologie, que les subventions pour la R&D aéronautique avaient causé un préjudice grave aux intérêts européens (pertes de ventes notables et empêchement notable de hausses de prix sur le marché de LCA de 200 à 300 sièges), mais infirmé qu’une menace de détournement et d’entrave existait s’agissant du marché des LCA de 200 à 300 sièges pour le Kenya, l’Islande et l’Ethiopie ;

- infirmé, s’agissant des effets défavorables sur les prix, que « les subventions FSC/ETI et les réductions du taux de l’impôt B&O avaient causé un préjudice grave pour les marchés des LCA de 100 à 200 sièges et de 300 à 400 sièges », mais constaté, que « ces mêmes mesures avaient causé, par le biais de leurs effets sur les prix de Boeing, un préjudice grave sous la forme de pertes de ventes notables au sens des articles 5 c) et 6.3 c) de l’Accord SMC pour le marché des LCA de 100 à 200 sièges » ;

- constaté que le Groupe spécial avait commis une erreur « en n’examinant pas si les effets sur les prix des réductions du taux de l’impôt B&O complétaient et amplifiaient les effets sur la technologie des subventions pour la R&D aéronautique en causant des pertes de ventes notables et un empêchement notable de hausses de prix, ainsi qu’une menace de détournement et d'entrave, sur le marché des LCA de 200 à 300 sièges » ;

- infirmé la constatation du Groupe spécial selon laquelle « il n'avait pas été montré que les subventions restantes avaient influé sur les prix de Boeing d’une manière qui causait un préjudice grave s'agissant des marchés des LCA de 100 à 200 sièges et de 300 à 400 sièges ».

Les Etats-Unis ont désormais un délai de 6 mois pour se conformer aux recommandations de l’OAP en prenant les mesures appropriées afin d’éliminer les effets défavorables causés par le recours aux subventions (ou les retirer).

 

Caroline Breton, "Affaire Airbus : demande d'autorisation d'appliquer des mesures de rétorsion présentées par les Etats-Unis à l'encontre de l'Union européenne", Bulletin hebdomadaire Sentinelle, n°290, 22 janvier 2012.

Bulletin numéro 299