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Soumis par Weckel Philippe le 26 February 2012

La libéralisation du marché de l'électricité a conduit Electricité de France à dénoncer la convention de 1951 qui liait cette société nationale à la Société Monégasque d'Electricité et du Gaz (SMEG). Au final Monaco risquait de perdre l'avantage d'un approvisionnement au prix du marché intérieur français et  d'avoir à payer le prix applicable à l'électricité exportée. En 2009 le prix spot de l'électricité en France était de 43 €/Mwh et celui du « forward » de 52 €/Mwh. Le maintien des tarifs anciens, c'est-à-dire l'assimilation de la SMEG à une société non nationalisée française, représente ainsi un manque à gagner de l'ordre de 10 M.€ par an pour l'opérateur français. L'accord intergouvernemental garantira à la Principauté le maintien du prix avantageux. Il n'est pas utile de s'étendre davantage sur cette solution que justifient la « communauté de destin » entre les deux pays et la forte proportion de ressortissants français parmi les résidents monégasques.
Par contre, il est intéressant d'observer que la continuité de l'approvisionnement de Monaco en électricité par la France a été considérée comme une nécessité indiscutable et les travaux préparatoires de la loi autorisant la ratification témoignent largement de cet état d'esprit. Quelle est donc cette nécessité établie ?

Le fait d'élever la question de l'approvisionnement de Monaco au niveau intergouvernemental conduit à se demander s'il existe une obligation internationale pesant sur la France à raison même de la dépendance dans laquelle se trouve l'Etat monégasque à son égard. Une telle situation est sans doute rare, mais pas sans précédent. Ainsi Singapour dépend de la Malaisie pour son approvisionnement en eau potable. Or si la tarification du service est une pomme de discorde entre ces deux Etats, la Malaisie assure qu'elle ne fera jamais pression sur son petit voisin en coupant l'eau. On voit que cette question dépasse les rapports contractuels entre les opérateurs économiques et que la France et la Malaisie ont conscience de « devoir » (opinio juris)  maintenir les approvisionnements en eau ou en électricité.
Le préambule de la convention franco-monégasque apporte un éclairage intéressant :

« Considérant que la France et la Principauté de Monaco entretiennent des relations étroites et privilégiées, qui s’inscrivent dans leur communauté de destin, et que les particularités géographiques de la Principauté ne permettent en aucune façon d’assurer de manière autonome l’approvisionnement en électricité des consommateurs de la Principauté,
Considérant que Gouvernement de la Principauté de Monaco entend mettre en œuvre une ambitieuse politique de développement des énergies renouvelables et de maîtrise de la demande
énergétique, (...) »

Ainsi la « communauté de destin » justifie l'octroi d'un tarif particulier différent de celui qui est appliqué aux exportations et l'approvisionnement par la France s'impose parce que Monaco n'est pas en mesure d'y pourvoir de manière autonome. Cette dépendance fondant le maintien de l'approvisionnement extérieur est appréciée de manière stricte, puisqu'aucun moyen alternatif ne doit exister. Or les 2,2 Km2 du territoire de la Principauté qui sont entièrement urbanisés ne permettent pas d'envisager la construction d'une centrale thermique. Il est vrai que le développement des technologies ouvre de nouvelles perspectives. On songe notamment aux installations flottantes portant des panneaux photovoltaïques. Dans le second « considérant » du préambule le gouvernement monégasque déclare d'ailleurs son intention de rechercher l'autonomie énergétique dans le respect des exigences environnementales.

Conclusion

On peut formuler la thèse que le droit international coutumier interdit à un Etat de rompre les approvisionnements qui correspondent à des services publics essentiels (eau, électricité) à la population d'un Etat voisin qui en dépend entièrement. Il lui fait également obligation de contribuer à les maintenir ou à les rétablir. De ces précédents relatifs à Monaco et à Singapour on peut rapprocher, dans une certaine mesure, celui de Gaza où Israël assure les approvisionnements en électricité depuis que la centrale thermique a été endommagée. Le caractère exceptionnel de cette dépendance d'un Etat explique la rareté des précédents et ne pourrait donc pas faire obstacle à la reconnaissance de la règle coutumière. Manifestation des considérations élémentaires d'humanité, elle bénéficie d'ailleurs d'un appui indirect dans le droit humanitaire international (obligations de la puissance occupante et de l'Etat bloquant, définition de la protection civile, etc.).

La nature humanitaire des obligations envers l'Etat dépendant devrait exclure la rupture des approvisionnements à titre de contremesures.

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Le texte de la convention

Loi n° 2012-227 du 17 février 2012 parue au JO n° 0042 du 18 février 2012

 

Sénat

 

Bulletin numéro 295