La 17ème réunion des parties des Parties au Plan d’Action pour la Méditerranée s’est tenue à Paris du 8 au 10 Février 2012. 14 décisions, reprises dans la déclaration de Paris ont été adoptées par les participants au sommet. Les 4 principaux volets de la déclaration de Paris sont assez classiques dans leur approche:
- Prendre toutes les mesures nécessaires pour faire de la Méditerranée une mer propre, saine, productive, à la biodiversité et aux écosystèmes préservés.
- Renforcer la gestion intégrée des zones côtières méditerranéennes.
- Traiter les grands sujets de l’environnement marin et côtier et apporter une contribution méditerranéenne à la Conférence des Nations Unies sur le développement durable en 2012.
- Mettre en place les conditions d’une gouvernance institutionnelle transparente, efficace et renforcée du PAM.
On distinguera cependant dans les grandes lignes, les dispositions de la déclaration spécifiques à l’espace méditerranéen et les dispositions plus ambitieuses relatives à la biodiversité marine dans son ensemble.
Les dispositions spécifiques à l’espace méditerranéen.
Dans le premier volet, on notera l’engagement des parties à développer « un réseau cohérent et bien géré d’aires marines et côtières protégées en Méditerranée, y compris en haute mer ». L’engagement s’inscrit dans l’esprit du plan stratégique de Nagoya et des pratiques régionales de protection marine.
« en développant un réseau cohérent et bien géré d’aires marines et côtières protégées en Méditerranée, y compris en haute mer conformément à la convention des Nations Unies sur le droit de la mer, et en mettant en œuvre le Plan d’action d’Aïchi adopté dans le cadre de la Convention sur la Diversité biologique pour atteindre l’objectif de 10 pour cent d’aires marines protégées en Méditerranée d’ici 2020 »
L’accentuation de la lutte contre la pollution tellurique, la pollution marine causée par les navires et la pollution générée par les activités offshore et les activités en mer est également affirmée dans plusieurs des engagements du texte.
Il faut dire que les enjeux liés à la pollution générée par les activités offshore sont particulièrement actuels en France en raison notamment de la polémique autour du renouvellement d’un permis de forage en méditerranée. Un permis de recherche d'hydrocarbures liquides ou gazeux dans la zone de protection écologique française créée en 2004 a en effet été attribué en 2000 à Noble Energie France SAS. Ce projet controversé devrait entamer sa phase de forages tests en offshore profond en 2013, ce qui accentue l’opposition au renouvellement du permis.
Plusieurs organisations environnementales ont donc publié un communiqué contre le renouvellement du permis Rhône Maritime. Ces préoccupations apparaissent ainsi dans la déclaration de Paris qui dès son préambule souligne « les menaces qui continuent de peser sur le milieu côtier et marin de la Méditerranée, parmi lesquelles la pollution d’origine tellurique ou résultant d’activités d’exploration et d’exploitation offshore ». La déclaration prévoit également dans son premier volet d’accentuer les efforts pour limiter « la pollution générée par les activités offshore et les activités en mer ». La dernière décision du deuxième volet prévoit une liaison entre les différents cadres régionaux et internationaux de protection de la mer. Le dernier volet prévoit quant à lui le renforcement de la participation de la société civile aux prises de décisions. Cet engagement est d’une importance particulière dans la mesure ou si l’association des parties prenantes est assez évidente dans le cadre des décisions relatives à la biodiversité terrestre, elle l’est moins dans ce lui de la biodiversité marine.
Les dispositions du troisième volet : une piste pour Rio+20
La réunion de paris s’inscrivant également dans le cadre des travaux préparatoires de Rio+20, le troisième volet de la déclaration de Paris contient ainsi un certain nombre d’engagements des Etats en vue de ce sommet. L’économie verte et bleu (en ce qui concerne la mer) semblent être l’axe autour duquel s’articulera la position des pays méditerranéens à Rio. Ce thème étant par ailleurs le thème général de la conférence qui se tiendra du 20 au 22 juin 2012, pas de surprise sur ce point.
Il est cependant un engagement qui frappe par l’envergure de son objectif. En effet les Etats parties au PAM prévoient « le lancement de la négociation d’un processus par l’Assemblée générale des Nations Unies, pour faire en sorte que le cadre juridique de la conservation et de l’utilisation durable de la biodiversité marine dans les zones au-delà des juridictions nationales prenne effectivement en compte ces questions en identifiant les lacunes et les moyens de progresser, par l’élaboration éventuelle d’un accord multilatéral sous l’égide de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer. Cet accord comprendrait un ensemble de régimes concernant les aires marines protégées, l’accès aux ressources génétiques, le partage des avantages issus de leur utilisation et les évaluations d’impact des activités humaines ; ».
Il s’agit là d’un objectif particulièrement ambitieux au regard du vide juridique sur la question. Les dispositions environnementales concernant la haute mer et la zone, réunies dan le terme générique de zones situées au-delà des juridictions nationales, sont en effet essentiellement révélatrices de l’approche anthropocentrique qui prévalait en droit de l’environnement dans les années 70, plus précisément avants les sommets de Stockholm puis de Rio. Les dispositions environnementales de la convention de Montego Bay (qui est pourtant rédigée entre Stockholm et Rio) par exemple ne concernent ainsi que la gestion des stocks (totaux admissibles de capture). Il s’agit certainement d’une approche durable de la pêche, mais qui reste cependant loin de refléter l’évolution et surtout la globalisation du droit international de l’environnement. La convention sur la diversité biologique de 1992 quant à elle trop peu contraignante pour être d’une utilité notable dans un domaine ou des intérêts financiers sont en jeu. Par ailleurs, la convention ne comporte pas réellement de normes de conservations de la biodiversité marine.
Cet engagement des Etats méditerranéens s’attaque ainsi à la protection de la biodiversité marine dans ces zones encore peu couvertes par le droit international général en matière de protection et qui sont entrées depuis un certain temps dans l’agenda des préoccupations environnementales mondiales. La surpêche n’est pas l’unique menace qui pèse sur la biodiversité marine, l’extraction minière en eaux profondes, les opérations de forage pétrolier et gazier en eaux profondes ou encore la bio-prospection en mer profonde associée à la multiplication de brevets utilisant des gènes d’organismes marins font partie des nouvelles menaces à la biodiversité et au partage équitable des bénéfices en découlant. La question du partage des bénéfices est d’ailleurs au cœur de la question du statut de la biodiversité située au-delà des juridictions nationales, tout comme ce fut le cas également, dans le cadre des négociations du protocole de Nagoya. En effet, l’exploitation de ces zones peut difficilement en vertu du principe d’équité, s’apparenter à un régime de libre exploitation dans la mesure ou trop nombreux sont les Etats n’ayant pas les moyens d’exploiter ces ressources. Mais parallèlement, ces ressources sont contrairement à celles visées par le protocole de Nagoya, situées dans un espace échappant à toute souveraineté individuelle, ce qui évacue d’emblé le principe de souveraineté permanente sur les ressources naturelles qui à Nagoya a fait pencher la balance en faveur des pays en développement. La détermination du régime juridique de l’utilisation de ces zones et de leur ressources risque donc de constituer le principal point de fracture pouvant retarder la conclusion d’un accord environnemental qui devra inclure les ressources génétiques et aura par conséquent obligatoirement à clarifier son respect du principe de partage équitable des bénéfices.
En attendant, les initiatives régionales ne manquent pas, mais il faut également noter qu’elles ne répondent pas à la question du partage équitable des avantages. Les Etats parties à la convention OSPAR pour l’Atlantique Nord-Est portent par exemple une attention particulière aux zones au-delà de la juridiction nationale, attention qui prend quasi-exclusivement la forme de zones protégées dont 6 nouvelles devraient être créées conformément aux décisions de la réunion de Bergen en 2010. Une étude conjointe du CSIC espagnol et de l’Ifremer de Monaco en 2010 soulignait également les menaces pesant sur les ressources génétiques marines et l’urgence de la mise en place d’un cadre internationalement contraignant de protection de ces ressources génétiques particulièrement en haute mer.
Sur le plan mondial, le plan stratégique de Nagoya prévoit d’ici 2020 que 10 % des aires marines et côtières soient protégées. La création par la résolution de l’Assemblée générale 59-24 du Groupe de travail spécial officieux à composition non limitée sur la conservation et l’exploitation durable de la biodiversité marine au-delà des limites de la juridiction nationale constitue également un cadre de réflexion, mais qui se cantonne à un aspect environnemental. Il s’agit là des premières pièces éparses à un édifice qui manque plus que jamais d’un cadre général.
La protection de la biodiversité marine devrait donc constituer avec l’agriculture et le développement vert, l’un des thèmes centraux de Rio+20. Les Etats méditerranéens devraient également constituer le fer de lance de ce projet de convention qui est par ailleurs soutenu par la communauté scientifique, les organisations internationales et les ONG environnementales. La commission océanographique intergouvernementale de l’Unesco devrait ainsi être soutenue par les Etats méditerranéens dans son projet de « créer et mettre en œuvre un cadre institutionnel et juridique afin de protéger les habitats et la biodiversité situés au-delà des juridictions nationales », l’une de ses 10 propositions pour Rio+20.
En conclusion, on notera que les aspects de développement progressif du droit qui dans le cadre des travaux de la conférence Nexus, de Bonn faisaient défaut apparaissent clairement dans la déclaration de Paris. Cette dernière fait ressortir la nécessité de ce développement dans le domaine particulier des zones au-delà des juridictions nationales. Il est peu probable que le sommet de Rio donne lieu à un accord sur l’environnement marin, aucun projet ne semblant pour l’instant en rédaction, il est en revanche plus probable que ce sommet constitue le point de départ de l’élaboration d’une telle convention.
Perspective de l’élaboration d’une convention sur la biodiversité marine Anne Claire DUMOUCHEL
Conférence de Bonn 2011 Nexus: Prélude à Rio+20 Abdoulaye Moussa Abdoul Wahab