Aller au contenu principal
x
Soumis par Metou Brusil le 19 February 2012

La Charte Africaine de la Démocratie, des élections et de la gouvernance de l’Union Africaine,  est entrée en vigueur le 15 février 2012. En effet, la charte a reçu la quinzième ratification nécessaire à son entrée en vigueur en janvier 2012. La Charte réunie désormais l'Afrique du Sud, le Burkina Faso, le Cameroun, l'Ethiopie, le Ghana, la Guinée Bissau, la Guinée Equatoriale, le Lesotho, la Mauritanie, le Niger, le Nigeria, du Rwanda, la Sierra Léone, le Tchad et la Zambie". Il s’agit là de l’aboutissement d’un long processus amorcé au début des années 1990 par le désormais « le discours de La Baule ».

La Charte devient donc légalement contraignante et opérationnelle sur la scène continentale. Désormais, un cadre juridique détermine le régime de l’appréciation de la situation politique qui règne et fixe l’action de l’Union Africaine en cas de non respect de ses engagements internationaux en matière de démocratie, des élections et de la gouvernance par l’un des Etats membres.  L’entrée en vigueur de la Charte s’inscrit dans la conjoncture politique qui prévaut actuellement en Afrique, après une année marquée par de profonds changements de régimes dans les pays du Maghreb arabe.   Sa rédaction avait d’ailleurs tenue compte des défis majeurs liés à la gouvernance en Afrique, en particulier les questions du changement anticonstitutionnel de régime ((articles 25-28) de la Charte ), de la corruption (Article 2(9) de la Charte)  , de l’équilibre des genres (Articles 3(6) et 31 de la Charte ), des minorités et des couches vulnérables (Article 33 de la Charte ), du contrôle civil des forces armées (Article 16(1) de la Charte  ), etc.

I-Un instrument juridique novateur

Signée par les Etats africains le 30 janvier 2007 lors de la 8e session ordinaire de la Conférence de l’UA, la Charte africaine de la démocratie, des élections, et de la gouvernance, ambitionne de promouvoir, entre autres, l'adhésion aux valeurs et principes universels de démocratie et de respect des droits humains, la promotion de l’Etat de droit, la tenue régulière d’élections libres et équitables, l’interdiction, le rejet et la condamnation de tout changement anticonstitutionnel de gouvernement. Cette charte consacre l’engagement des Etats parties à promouvoir la démocratie, l’État de droit et les droits de l’Homme. Elle reconnait la participation populaire par le biais du suffrage universel comme un droit inaliénable des peuples et condamne la prise du pouvoir par des moyens anticonstitutionnels. Elle affirme l’engagement des États parties à éliminer toutes les formes de discrimination et promeut les droits des femmes et leur pleine participation aux processus décisionnels et politiques, la protection des minorités et des plus vulnérables, et le respect de la diversité. Elle réaffirme l’importance de la lutte contre l’impunité. La Charte vise également à ‘’encourager la culture et la pratique démocratique, une coordination efficace et une harmonisation des politiques de gouvernance, le développement durable et la sécurité humaine, la liberté de la presse et la responsabilité dans la gestion des affaires publiques…’’.

1.Le renforcement du dispositif existant  

La Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance n’apporte pas d’éléments nouveaux en termes des engagements des Etats. Elle résume et confirme les engagements sur la bonne gouvernance que les dirigeants du continent ont pris au cours des trente dernières années, et détaille la mise en œuvre de ces principes. Sans énoncer de nouveaux principes, la Charte rationalise ce qui existe déjà en matière de bonne gouvernance en Afrique, marquant ainsi une étape cruciale vers une meilleure mise en œuvre. En effet, l’ Article 4(p) de l’Acte constitutif de l’UA indique que : « L’Union africaine fonctionne conformément aux principes suivants : … (p) Condamnation et rejet des changements anticonstitutionnels de gouvernement. » . En outre, aux termes de l’article 30 du même Acte, « Les Gouvernements qui accèdent au pouvoir par des moyens anticonstitutionnels ne sont pas admis à participer aux activités de l’Union ».  En outre, l’adoption en 2001 d’un Protocole sur la démocratie et la bonne gouvernance par la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) constituait déjà une des premières tentatives de légiférer sur la démocratie par un acte contraignant (www.ecowas.int). La pratique en droit international avait jusque-là plutôt consisté en l’inclusion de « clauses de garantie de la démocratie » dans des traités dont l’objectif premier n’est pas toujours politique, moins encore de garantir la démocratie. (Depuis 1988, l’Assemblée générale des Nations Unies adopte annuellement des résolutions et des déclarations supportant l’établissement, la promotion et la consolidation de la démocratie dans les Etats membres. D’abord intitulé « Renforcement de l’efficacité du principe d’élections périodiques et honnêtes », ces résolutions ont porté, à partir de 1994, le titre d’« Appui du système des Nations Unies aux efforts déployés par les gouvernements pour promouvoir et consolider les démocraties nouvelles et rétablies »).  De telles clauses font de la démocratie tantôt une condition de reconnaissance ou d’admission dans une organisation internationale, tantôt un principe fondamental dont la violation peut entraîner des sanctions pouvant aller jusqu’à la suspension.11 De nombreux traités conclus au sein de l’Organisation des Etats américains (articles 9 de la Charte de l’OEA), de l’OTAN, de l’Organisation pour sécurité et la coopération en Europe, du Conseil de l’Europe, de l’Union européenne (6, 7 et 49 du traité sur l’Union européenne), de la CEDEAO (4(j) du traité de la CEDEAO) et même de l’UA (4(p) et 30 de l’Acte constitutif de l’UA) contiennent ainsi des clauses de garantie de la démocratie.

2.Un fondement juridique de l’ingérence dans les affaires politiques des Etats membres

La Charte africaine est un instrument juridique clé en matière de  gouvernance politique. Sa spécificité réside dans le fait qu’il est l’un des rares instruments juridiques internationaux qui rétrécissent explicitement la marge de manœuvre des Etats en matière politique, visant ainsi à faire reculer les frontières de la souveraineté. L’effritement du domaine réservé des Etats se trouve concrétisé car la Charte touche directement à la nature du régime politique en imposant le fait qu’il soit dans tous les cas, un régime démocratique. Avec la Charte africaine, la démocratie apparaît comme un principe essentiel du droit international et des relations internationales qui doit au besoin être sinon imposé, du moins protégé par la coercition.

Le changement anticonstitutionnel de gouvernement fait l’objet d’une attention particulière dans la Charte.  Elle prévoit à cet égard des sanctions tant à l’égard des individus responsables de tels changements que contre les régimes qui en seraient issus. En la matière, la Charte constitue désormais le fondement juridique d’une intervention dans les affaires intérieures d’un Etat en cas de manquement grave à ses engagements conventionnels en la matière, en particulier en cas de changement anticonstitutionnel de gouvernement dans un de ses Etats membres. En effet, la Charte met en place un mécanisme de sanctions en cas de changement anticonstitutionnels de gouvernement.

La Charte est ainsi la seule convention internationale qui ose aborder la question sensible de la démocratie, alors même que les autres traités préfèrent s’en tenir aux principes des droits de l’Homme et aux mesures anti-corruption. En ce sens, c’est un instrument utile qui donne un signal fort aux régimes dictatoriaux et concrétise l’existence d’une interdépendance politique sur la scène continentale. Elle offre ainsi la possibilité pour l’Union africaine d’intervenir directement dans les affaires politiques d’un Etat membre sur une base purement juridique et non politique.

3. Concrétisation du droit fondamental à la démocratie

L’article 4 de la Charte africaine de la démocratie, reconnaît la démocratie comme un droit  fondamental. Aux termes de cet article :

1.Les Etats parties reconnaissent et acceptent que la démocratie est un droit fondamental et prennent l’engagement de promouvoir la démocratie, les droits de l’homme et le principe de l’État de droit.

2.Les Etats parties considèrent la participation populaire comme un droit fondamental des peuples.

L’entrée en vigueur de la Charte, offre de nouvelles opportunités pour l’avancement de la responsabilité et la bonne gouvernance sur le continent

II. Réactions

La France salue cette avancée importante qui confirme l’universalité des droits de l’Homme et de l’aspiration à la démocratie. La France est attachée au rôle moteur de l’Union africaine pour la promotion des droits de l’Homme et des règles démocratiques (http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/)

Le Centre africain pour la liberté d’information (AFIC) invite ‘’les Etats membres de l’Union africaine qui ont ratifié la Charte de la démocratie à l’adapter au contexte local et mettre efficacement en œuvre ses dispositions pour favoriser une gestion saine et responsable’’. Il demande par ailleurs aux autres Etats membres de l’Union africaine d’accélérer la ratification et de sensibiliser les citoyens africains sur la Charte et ses dispositions. (http://fr.allafrica.com/stories/201202031448.html)

 

 

Bulletin numéro 294