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Soumis par Metou Brusil le 19 February 2012

Les négociations entamées depuis l’année dernière entre le Soudan et le Soudan du Sud sous la médiation de l’Union africaine, ont abouti à la signature de deux accords le 10 février 2012, lors de la réunion du Mécanisme politique et de sécurité conjoint (JPSM) tenue à Addis Abéba. Le JPSM est également convenu de nombre d’autres décisions concernant les relations sécuritaires entre les deux pays et le long de leur frontière commune. Il s’agit d’un accord de non-agression et de coopération qui comporte un engagement des deux États à respecter mutuellement leur souveraineté et intégrité territoriale; et d’un accord d’accompagnement au retour des Sudistes résidant au Nord. Le JPSM a été créé en 2011, comme premier mécanisme intergouvernemental entre le Soudan et la République du Soudan du Sud qui venait alors d’accéder à l’indépendance. Se réunissant au niveau ministériel, il traite les questions sécuritaires entre les deux pays, afin de favoriser la confiance et de réduire le risque de voir les problèmes sécuritaires dégénérer en conflit. C’est  au cours de la deuxième réunion de ce groupe que ledit protocole a été signé (http://www.au.int/fr/)

Le Protocole d'accord Soudan-Sud Soudan a été signé par le Général de corps d’armée Mohamed Atta Elmula Abass, Directeur général des Services nationaux de renseignements et de sécurité, au nom du GoS, et le Général de division Thomas Duoth Guet, Directeur général du Bureau des renseignements, au nom du GoRSS, en présence du Président du Groupe de mise en œuvre de haut niveau de l'UA, l'ancien Président Thabo Mbeki. Cet accord servira de base aux négociations entre les deux Soudans. Car beaucoup de questions restent en suspens, à commencer par la définition de frontières claires entre les deux pays. Plusieurs territoires sont encore contestés, notamment la zone pétrolière d'Abyei qui avait été victime de violents bombardements l'été dernier. Les deux pays s'accusent également mutuellement d'entretenir des milices rebelles de chaque côté de la frontière.

1. L’accord de coopération : Cet accord met en place une coopération pour le transfèrement de plus de 300.000 personnes vers le Sud. La ministre de la Sécurité sociale Amira al-Fadel Mohammed al-Fadel a signé un mémorandum d'entente sur le sujet avec le ministre sud-soudanais des Affaires humanitaires Joseph Lual Acuil, selon Suna, qui précise que cet accord prévoit des transports par voie terrestre, aérienne et fluviale. Selon l'ONU, environ 700.000 sudistes sont toujours au Soudan. Khartoum leur a donné jusqu'à avril pour régulariser leur situation ou partir. Mais les Nations unies estiment ce délai difficile à respecter. L'un des principaux défis pour le Soudan du Sud est de gérer le retour de centaines de milliers de Sud-Soudanais partis au Nord pendant la longue guerre civile soudanaise. Depuis octobre 2010, quelque 350.000 d'entre eux sont rentrés. L'Organisation internationale pour les migrations devait assurer le rapatriement, par bateaux et par trains, de quelque 32.000 personnes avant fin 2011. La plupart des réfugiés au Nord survivent depuis des mois dans des camps insalubres et surpeuplés. Et ceux qui ont pu rejoindre le Soudan du Sud finissent également souvent dans des camps, dans l'attente d'une solution durable de logement.

2. Le traité de non- agression : Selon ce texte, les deux parties s'engagent "à respecter mutuellement leur souveraineté et leur intégrité territoriale respectives" et "à s'abstenir de lancer toute attaque, notamment des bombardements". "Les deux pays acceptent de ne pas s'agresser et de coopérer", a déclaré à la presse Thabo Mbeki, ex-président sud-africain. L'accord prévoit également la mise en place d'un mécanisme de surveillance auprès duquel chacune des deux parties pourra déposer plainte en cas d'incident frontalier. Les deux parties ont aussi convenu d'activer immédiatement la Mission de vérification et de contrôle de la frontière commune (JBVMM), chargée de contrôler la Zone frontalière démilitarisée sûre (SDBZ) entre les deux pays. "Au cas où il y a des plaintes, ou des accusations d'une ou l'autre des parties (...) elles devront être transmises au mécanisme conjoint", a expliqué M. Mbeki. L'ancien chef de l'Etat sud-africain a enjoint les deux parties à faire en sorte que l'accord soit respecté. "Nous sommes très sérieux (...) il est de la responsabilité des deux parties d'agir maintenant", a-t-il déclaré. En effet, les tensions frontalières ne cessent de croître depuis que le Soudan du Sud a proclamé son indépendance du Soudan en juillet, après des décennies de guerre civile. Des affrontements ont eu lieu le long de leur frontière, notamment dans les régions contestées d'Abyei et du Nil Bleu.

3. Outre le Protocole d'accord, les deux Etats ont également adopté nombre de mesures visant à réduire la tension le long de leur frontière commune. Ils sont convenus de l'activation immédiate de la Mission conjointe de vérification et de surveillance des frontières (JBVMM), qui aura pour tâche de surveiller la Zone frontalière démilitarisée sécurisée (SDBZ) entre les deux pays et de mener des enquêtes sur toute allégation de violation par l’une ou l’autre des deux parties. Les deux Etats sont également convenus de mettre en place des mécanismes et procédures d’enquête sur les allégations et contre‐allégations de l’une ou l’autre des deux parties dans les zones situées au‐delà de leur frontière commune. En outre, ils sont convenus que la prochaine réunion du JPSM se tiendrait à Juba, le 8 mars 2012. Il faut rappeler que le JPSM n'est pas le seul mécanisme interétatique qui oeuvre à réduire la tension entre les deux Etats. Le Comité de surveillance conjoint d'Abyei (AJOC), qui est mandaté pour régler les questions sécuritaires à Abyei, dans le cadre de l'Accord sur les arrangements transitoires pour l'administration et la sécurité de la zone d'Abyei, également conclu sous les auspices du Groupe de mise en oeuvre de haut niveau de l’UA, a tenu trois réunions à ce jour. De concert avec la Force intérimaire de sécurité des Nations unies pour Abyei (FISNUA), l’AJOC, dont l’UA est membre, a réussi à désamorcer la tension dans la région d'Abyei.

4. La question du partage des revenus du pétrole n’est toujours pas résolue. A cet égard, les frais de transit posent problème. Ce désaccord a mené à une fermeture des puits de pétrole sud-soudanais le mois dernier, privant les deux pays de leur principale source de revenus. Les pourparlers doivent se poursuivre et porteront sur le différend pétrolier. A l'indépendance, le Sud a hérité des trois quarts de la production pétrolière de l'ancien Soudan, soit environ 350.000 barils/jour. Les négociations sur le partage de la manne pétrolière butent sur les frais de passage que le Soudan réclame sur le brut exporté. Faute d'accord, Khartoum a pour l'instant décidé de se payer en nature, et a admis avoir détourné au moins 1,7 million de barils, à la fureur de Juba, qui a décidé en janvier de stopper sa production de brut, dont le jeune Etat tire pourtant 98% de ses revenus. L'argent du pétrole est notamment essentiel pour payer les forces de sécurité du Sud, des ex-rebelles dont le nombre estimé à quelque 200.000.

5. Réactions convergentes des membres de la communauté internationale

Le Secrétaire général de l’ONU, a salué la signature de ces accords et a appelé «…les gouvernements à maintenir l’esprit positif qui a conduit à la signature de ce protocole d’accord et à respecter ses dispositions qui incluent le respect de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de chacun, la non-ingérence dans les affaires internes de l’autre Etat et le refus de l’usage de la force dans la conduite de leurs relations », a dit son porte-parole dans une déclaration à la presse. Ban Ki-moon les encourage aussi « à conclure des accords sur toutes les questions en suspens». Le secrétaire général de l'ONU a en outre prévenu que les tensions entre les deux pays pourraient dégénérer si les problèmes en suspens n'étaient pas résolus. "Le moment est venu pour les dirigeants des deux pays de faire les compromis nécessaires (...) qui garantiront un avenir pacifique et prospère", a –t-il déclaré dans un communiqué.(http://www.un.org/apps/newsFr/storyF.asp?NewsID=27583&Cr=Soudan&Cr1)

Le président de la Commission de l'Union Africaine, a souligné la nécessité d'appliquer rapidement et totalement cet accord pour réduire la chance d'un conflit, selon un communiqué de presse de l'UA. Il les appelle à redoubler d'efforts dans le round de négociations qui commence à compter du 12 février 2012, afin de parvenir à un accord sur toutes les questions pendantes. Il appelle également la communauté internationale, qui a apporté un appui significatif aux efforts du Groupe de mise en œuvre de haut niveau de l’UA, de continuer à le faire, particulièrement au regard de cette nouvelle phase critique dans les relations entre les deux pays. (Communiqué de Presse (FR))

La France encourage les gouvernements du Soudan et du Soudan du Sud à tout mettre en œuvre pour permettre le déploiement effectif au plus vite de la mission de vérification et de surveillance de la frontière. Elle a invité les deux États à tout mettre en œuvre pour faciliter le retour des Sud-soudanais résidant au Nord qui souhaiteraient rentrer au Soudan du Sud et à prévenir tout risque d’apatridie.

La Chine salue la signature d'un accord de non-agression et de coopération entre le Soudan et le Soudan du Sud, a déclaré à son tour Liu Weimin, porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, lors d'une conférence de presse régulière. La Chine espère que les deux parties respecteront cet accord et résoudront au plus tôt et de manière appropriée les problèmes en suspens par des négociations (http://french.china.org.cn/foreign/txt/2012-02/14/content_24630660.htm)

-Poursuite des violences sur le terrain

En dépit de la signature de ce protocole, les violences se sont poursuivies sur le terrain. En effet, dès le 14 février, des avions soudanais ont bombardé une zone septentrionale du Soudan du Sud, a indiqué mardi un porte-parole de l'armée sud-soudanaise à l'AFP. Des appareils des Forces armées soudanaises ont bombardé dimanche la zone de Jau, dans l'Etat d'Unité, blessant quatre de nos soldats, a déclaré ce porte-parole, Philip Aguer.( Khartoum bombarde le Soudan du sud malgré le traité de non-agression)

 

Bulletin numéro 294