Bien qu'il mentionne clairement qu'il ne peut être interprété comme revenant sur les revendications de souverainté de la France et de Maurice (article 2 de l'Accord cadre), l'Accord de co-gestion de l'île Tromelin devrait indéniablement peser d'une part sur le litige régional entre la France et Maurice concernant l'île Tromelin et d'autre part sur les autres revendications des Etats de la région concernant les autres îles du secteur. Soumis le 25 janvier 2012 au Sénat Français, le projet de loi autorisation l'approbation de l'accord- cadre entre le grouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Maurice sur la cogestion économique, scientifique et environnementale relative à l'île Tromelin et à ses espaces maritimes environnants fait suite à l'avis favorable émis le 22 mars 2011 par le Conseil Consultatif des TAAF. A ce jour, Les autorités mauriciennes n'ont pas ratifié l'Accord.
La France a découvert l'île Tromelin le 11 août 1722 et l'occupe de manière permanente depuis 1954. Avec l'indépendance de Madagascar en 1960, les îles éparses parmi lesquelles le récif de Tromelin occupée par la France n'ont pas été rattachées au territorie malgache. Depuis lors et jusqu'en 1978, Madagascar a revendiqué sa souveraineté sur l'île Tromelin pour finalement laisser à Maurice, qui la revendiquait aussi depuis 1976, le soin de récupérer le récif convoité. D'un différend triangulaire entre 1976 et 1978, les revendications n'impliquent plus aujourd'hui que la France et le "lion d'Afrique" l'autre nom donné à la République de l'île Maurice.
La co-gestion sur le récif Tromelin en matière de protection de l'environnement, de gestion des ressources halieutiques et de patrimoine archéologique repose sur une proposition émise lors du sommet des chefs d'Etat ou de gouvernement des pays membres de la COI qui s'est tenu à Saint Denis de la réunion le 3 décembre 1999. Ce schéma visait à permettre la préservation des ressources et de l'environnement autant que de contribuer à la résolution des litiges dans la région très convoitée du fait de des intérêts économiques, stratégiques et écologiques que représentent les îles éparses. L'accord signé le 7 juin 2010 à Port-Louis par la France et la république de l'île Maurice propose un modèle original de gestion commune et de coopération dans des domaines diversifiés. L'ensemble de textes articulé autour de l'Accord cadre présente un ensemble très complet des enjeux liés à l'exploitation de la ZEE conformément au principes reconnus dans la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer.
Située dans le sud-ouest de l'océan indien, l'île Tromelin est au coeur des discussions relatives à l'exploitation des ressources de l'Océan indien.
Un vaste domaine de co-gestion.
L'accord-cadre précise les limites de l'accord entre la France et Maurice qui porte sur la protection de l'environnement marin, la conservation et la promotion de la biodiversité terrestre et marine, la ressource halieutique, l'observation des phénomènes naturels dans la région et la recherche archéologique (art 3 de l'accord cadre). Basé sur un renouvellement tacite, ce "contrat" de co-gestion est établi pour une période initiale de 5 ans et devrait sauf objection des Parties durer 10 ans. Dans plusieurs des domaines concernés par l'Accord de 2010, la France poursuivait déjà des activités spécifiques sur l'île Tromelin notamment en matière d'observation météorologique, scientifique et environnementale. L'Accord présente en revanche un dispositif particulièrement opérationnel en matière de gestion des ressources halieutiques qui présente un intérêt pour l'ensemble de la zone en déhors de toute délimitation maritime.
Egalité, équité et consensus
L'accord est fondé sur des principes de représentation égalitaire (art. 8), d'un procédé consensuel (art 8- art. 14) et de partage équitable des ressources (art 7). Chaque partie prend des engagements d'information, d'action (art. 9) et de coopération (art.10). L'égalité des Parties est en revanche rompue lorsque l'Accord renvoie la question des modalités de soutien technique et financier destiné à faciliter sa mise en œuvre à des discussions ultérieures (art 4). Les moyens d'un petit Etat insulaire comme Maurice ne peuvent être comparables à ceux que la France peut mobiliser devant les enjeux que représente la ZEE dans la région. Les deux Parties s'engagent a fournir pour la co-gestion des moyens communs et évitent d'aborder la question de la présence française sur l'île et des moyens déjà mis en place par la France.
La réprésentation des parties dans le cadre de la co-gestion est fondée sur un principe purement géométrique et égalitaire. Composé à parité par des délégations françaises et mauriciennes et co-présidé par les deux Parties, le comité de co-gestion à une mission générale d'orientation des activités au sein de la zone de co-gestion et un rôle administratif et exécutif dans le cadre de la pêche. Les groupes d'experts institués par les conventions d'application de l'accord cadre réunissent des délégations des deux Parties qui comptent un nombre égal de membres. Un correspondant pour chaque Partie est chargé des missions de secrétariat portant sur la diffusion, la transmission, la coopération en somme le suivi des discussions au sein des groupes d'experts.
Des objectifs ciblés et concrets.
L'Accord-cadre est assorti de 4 conventions d'application correspondant aux domaines spécifiques concernés: la recherche archéologique, la protection de l'environnement et la gestion des pêches. Chaque convention d'application est fondée sur le phasage destiné a dynamiser le processus de cogestion: élaboration d'un inventaire et d'une analyse de l'état du mobilier archéologique, établissement d'un schéma directeur de gestion de l'environnement de l'île et de ses espaces environnants ou encore élaboration des mesures de gestion de la pêche. Les objectifs en matière de gestion des ressources halieutiques s'appuient d'autre part sur l'échéancier défini par le Sommet mondial de développement durable de Johanneburg en matière de conservation, de gestion et d'exploitation des ressources halieutiques ( rétablissement, d'ici 2015 des stocks halieutiques à un niveau permettant d'obtenir une prise maximum équilibrée, diminution significative des altérations de la biodiversité et l'application de l'approche écosystèmique pour l'exploitation durable). Le système de co-gestion en matière de pêche repose sur l'élaboration d'un plan de gestion durable et responsable de la pêche dans les espaces environnants. Ce plan est discuté en comité de co-gestion et approuvé conjointement par les deux parties. La convention d'application prévoit notamment que le plan de gestion contribue au développement " d'une politique des surveillance adéquate, en liaison le cas échéant avec la Commssion du l'Océan Indien".
Conclusions
La cohérence d'un tel accord est indéniable d'un point de vue des efforts consenties pour la préservation du milieu. La co-gestion de l'île Tromelin contribuera notamment, et c'est un point essentiel, à resserrer l'étau en matière de pêche illégale.
Pourtant, compte tenu de l'occupation constante de la France sur cette île, des activités qui y ont été développées et de l'intérêt stratégique que représente l'île, le choix de la France de "suspendre" le litige relatif aux revendications de l'île Maurice peut nous échapper. Il pourrait sembler que les arguments juridiques français sur le cas de l'île Tromelin face aux revendications de l'île Maurice sont suffisamment solides pour saisir sans risque une juridiction internationale sur le litige opposant les deux Etats. Sans doute cette prudence correspond au souci de ne pas attiser l'affrontement sur les litiges relatifs à d'autres îles dans la région pour l'argumentation de la France serait plus faible.
Présentation du projet de loi devant le sénat le 25 janvier 2012
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