INTRODUCTION
Le 14ème sommet des Chefs d’Etat et de Gouvernement de la Commission du Bassin du Lac Tchad (CBLT XIV) s’est achevé lundi, le 30 avril 2012 dans la capitale tchadienne. Ces assises sont les premières depuis la tenue à N’Djamena en octobre 2010 du 8ème Forum mondial du développement durable sur la sauvegarde du Lac Tchad qui avait fait des recommandations en vue de sauver le premier lac d’eau douce et le quatrième plus grand lac d’Afrique (http://www.cbfp.org/actualites/items/Forum_Mondial_Lac_Tchad_F.html). Elles interviennent également au lendemain du dépôt des rapports finaux sur l’étude de faisabilité du projet de transfert d’eau de l’Oubangui au Lac Tchad (http://www.infotchad.com/details.asp?item_id=2805&), le Plan d’Investissement de la CBLT en application du Programme d’Action Stratégique (PAS) adopté en 2008 (http://lakechad.iwlearn.org/publications/reports/the-lake-chad-basin-sap-french) et le projet de Charte d’Eau du Bassin du Lac Tchad (http://www.africanwaterfacility.org/fileadmin/uploads/awf/projects-activities/RP%20CHARTE%20LAC%20TCHAD_0.PDF).
Créée le 22 mai 1964, la CBLT est une organisation sous-régionale de coopération dans les domaines de l’eau et de l’environnement. Les pays membres statutaires sont le Cameroun, le Niger, le Nigeria, le Tchad, la République Centrafricaine et la Libye. Les membres observateurs sont le Soudan, la République Démocratique du Congo, le Congo Brazzaville et l’Egypte.
Sur les six (6) Chefs d’Etats attendus, quatre (4) ont effectivement pris part aux travaux. Il s’agit du Président Mahamadou ISSOUFOU du Niger, GOODLUCK EBELE Jonathan du Nigéria, François BOZIZE de la RCA et IDRISS DEBY ITNO du Tchad, hôte du sommet. Les Chefs d’Etat du Cameroun et de la Libye ont été représentés par des délégations ministérielles. Le Soudan, l’Egypte, la RDC et le Congo Brazzaville ont participé aux travaux de la CBLT XIV en qualité d’observateurs.
Le quatorzième sommet des Chefs d’Etats et de Gouvernement de la CBLT a abordé plusieurs questions parmi lesquelles, le fonctionnement interne de l’organisation, les arriérés de cotisations des Etats membres, la sauvegarde du Lac Tchad (I) et la sécurité transfrontalière (II), notamment la question de l’insécurité créée par l’Armée de résistance du seigneur (LRA) en République Centrafricaine et la secte islamiste BOKO HARAM au Nigéria. Ces deux derniers sujets sont d’une importance capitale pour la survie des populations riveraines du Lac Tchad. D’où la place de choix qui leur est réservée.
I)- LA SAUVEGARDE DU LAC TCHAD, SUJET PRINCIPAL DE LA CBLT XIV
Depuis plusieurs décennies, le bassin du Lac Tchad est entré dans un cercle de déficit pluviométrique au point que chaque année, le Lac Tchad se rétrécit. Cette situation est due notamment à une conjonction de plusieurs phénomènes : accentuation de l’érosion, de l’ensablement et de la sécheresse. Selon les spécialistes de l’environnement, le Lac Tchad risque de disparaître à moyen terme si des mesures énergétiques de protection ne sont pas prises pour inverser la tendance négative observée. Ce serait une catastrophe écologique, sociale, économique, environnementale, sécuritaire et humanitaire non seulement pour les pays riverains du Lac mais pour le monde entier. La superficie du Lac Tchad est passée de 25.000 Km carrés dans les années 1960 à 2.500 Km carrés de nos jours ; soit une diminution de l’ordre de 90% en 52 ans. Devant cette situation catastrophique, il est urgent d’agir. D’où l’ensemble des mesures concrètes prises par les Chefs d’Etat et de Gouvernement lors du 14ème sommet de la CBLT pour sauver le Lac. (http://www.presidencetchad.org/affichage_news.php?id=324&titre=%20Lire%20Communiqu%E9%20final.)
1)- L’adoption de la Charte de l’Eau du Bassin du Lac Tchad
La Charte de l’eau complète la Convention (http://www.memoireonline.com/02/09/1953/m_la-gestion-des-ressources-en-eau-dans-le-bassin-conventionnel-du-Lac-Tchad-etat-des-lieux-et-perspe3.htm) et les Statuts de la CBLT pour une gestion intégrée, efficace et durable des ressources en eau et de l’environnement du bassin du Lac Tchad. Les Chefs d’Etat et de Gouvernement de la CBLT ont décidé de prendre des mesures nécessaires pour « la ratification de la Charte de l’eau selon les lois et règlements en vigueur dans chaque pays ».
2)- L’adoption des conclusions du rapport sur l’étude de faisabilité du projet de transfert des eaux de l’Oubangui au Lac Tchad
La CBLT XIV a autorisé le secrétariat exécutif de la Commission à procéder aux études d’Avant - Projet Détaillé (APD) de l’option retenue, à savoir « le transfert par pompage via le barrage de la Palambo sur l’Oubangui puis le transfert par gravité via le confluent de la Boungou et la Kotto » en concevant au préalable un programme quinquennal d’aménagement du Lac Tchad et d’amélioration de l’hydraulicité du Chari, le fleuve tchadien par lequel les eaux de l’Oubangui devront transiter pour se jeter dans le Lac Tchad.
Le secrétariat exécutif devra également concevoir un programme complémentaire d’études d’ingénierie et des projets préliminaires nécessaires en associant les experts des Etats membres. Le coût estimatif combiné des travaux pour le transfert des eaux de l’Oubangui vers le Lac Tchad est de l’ordre de 14,5 milliards dollars US. Selon les résultats de l’étude de faisabilité, l’opération de transfèrement des eaux de l’Oubangui vers le Lac Tchad devra permettre de rehausser de 1,5 mètre le niveau de l’eau dans le Lac et de porter sa superficie de 2.500 à 7.500 Km carrés sur une période de 4 - 5 ans.
En définitive, il s’agit d’un projet ambitieux qui vise le ralentissement des processus de l’assèchement du Lac Tchad. Comme retombées socioéconomiques, ce transfert d’eau devra permettre « l’extension du réseau électrique des deux Congo, la construction en RCA d’un barrage, l’augmentation de la capacité hydroélectrique et le réglage des problèmes de l’Oubangui ». Les conclusions de l’analyse du rapport final de l’étude du projet en question précisent que « le projet est faisable bien que certains détails sociaux et environnementaux ne sont pas encore concluants ».
Le sommet de N’Djamena s’est également penché sur la redynamisation de la Force Mixte Multinationale de Sécurité du Bassin du Lac Tchad. (http://www.mediarabe.info/spip.php?breve5078)
II)- LA SECURITE TRANSFRONTALIERE, SUJET PARALLELE DE LA CBLT XIV
Le groupe islamiste BOKO HARAM crée l’insécurité, cause des dégâts au Nigéria et menace les pays de la région. Pour contenir le phénomène, les Chefs d’Etat et de Gouvernement de la CBLT ont décidé de réactiver la Force Mixte Multinationale de sécurité du Bassin du Lac Tchad comprenant le Cameroun, le Niger, le Nigéria, le Tchad, la République Centrafricaine (1) et d’inciter chaque pays membre à participer à cette force (2).
1)- La réactivation Probable de la Force Multinationale de Sécurité de la CBLT
La question de la relance d’une force mixte multinationale de sécurisation du bassin du Lac Tchad s’est invitée au 14ème sommet de la CBLT, qui devrait parler de la sauvegarde dudit Lac.
En effet, tous les Etats membres de la CBLT ont des frontières poreuses permettant des mouvements désordonnés et incontrôlés des personnes dangereuses, des armes et des produits dangereux tels que les drogues et stupéfiants. Parallèlement, ces Etats ne disposent pas suffisamment des ressources humaines, matérielles et financières pour faire face et maîtriser tous les mouvements des terroristes au niveau de leurs frontières et à l’intérieur des pays. Pour ces raisons, les Chefs d’Etat et de gouvernement réunis à N’Djamena ont décidé de prendre en urgence toutes les mesures pour la redynamisation de ladite force, qui a été créée depuis 1998, mais n’est jamais entrée en activité, et d’instruire une coordination renforcée des questions de sécurité dans la sous-région entre les pays membres.
Cependant, la guerre ainsi déclarée contre les mouvements rebelles et terroristes notamment la secte BOKO HARAM n’est pas gagnée d’avance. Plusieurs paramètres compliquent cette bataille. On ignore presque tout, des visages qui se cachent derrière ce groupe. Selon les experts, BOKO HARAM serait composé de militaires démobilisés de l’armée nigériane. Cet argument se justifie par le fait que « le groupe utilise du matériel militaire explosif très sophistiqué pour mener ses attaques ». On y trouverait aussi « des criminels qui veulent destabiliser le pouvoir central, et aussi une partie de la jeunesse nigériane, originaire du nord du pays, désespérée par des conditions de vie très dures ». On y soupçonne aussi « la présence d’anciens membres de l’organisation islamiste Maitacine, qui a sévit dans le pays durant les années 1990, bien avant BOKO HARAM ». Maitacine, originaire du nord du pays, revendiquait un islam très radical et fondamentaliste, avec en ligne de mire l’instauration de la charia (loi religieuse musulmane).
En somme, la force militaire ne suffira pas. Une bonne politique sociale et un engagement effectif des Etats membres dans la mise en œuvre des politiques et programmes économiques de lutte contre le chômage, devrait permettre de juguler la pauvreté qui favorise l’instrumentalisation des jeunes de part et d’autre des frontières par des organisations comme BOKO HARAM. Tous les Etats membres de la CBLT gagneraient donc en se mettant à l’avant-garde de cette grave situation d’insécurité grandissante afin de trouver des solutions concrètes et urgentes, pour accélérer la mise en œuvre effective des décisions prises dans le but de favoriser l’exploitation des immenses potentialités du Lac Tchad.
2)- La participation improbable de tous les Etats membres à la Force Multinationale de la CBLT
Le sommet de N’Djamena a lancé un appel au Cameroun et aux autres pays membres de la CBLT à participer à la force multinationale en gestation. Cet appel a-t-il des chances d’être entendu ?
Il y a lieu d’en douter, même si « chaque pays participe à la Force Multinationale avec au minimum un bataillon équipé » et bien que « le commandement devient rotatif en commençant par la République Fédérale du Nigéria pour une durée de six (6) mois ».
Les Chefs d’Etats et de Gouvernement nous donnent raisons lorsqu’ils demandent au Niger d’organiser « dans les meilleurs délais » une réunion regroupant les Ministres de la défense et les Chefs d’état-major. Ce manque de précision dans la formulation des résolutions de la CBLT XIV peut valablement servir de prétexte à l’inertie des administrations nationales, source de blocage dans la mise en place effective de la Force Multinationale.
Par ailleurs, en dehors du Nigéria, la seule puissance sous-régionale capable de supporter le coût financier, matériel et humain de la participation à une telle opération militaire conjointe ; compte tenu de la multiplicité des forces multinationales dans la même sous-région (forces de la CEDEAO, de la CEEAC et de la CEMAC) ; considérant le climat d’instabilité politique qui prévaut dans la plupart des pays concernés ; il sera difficile d’obtenir l’adhésion de tous les Etats membres à ce projet.
Très modestement, nous pensons que la Force Mixte Multinationale de Sécurité du Bassin du Lac Tchad est une force de trop dans une sous-région qui en compte déjà trois (3). La preuve est que depuis sa création, elle n’existe que sur du papier.
D’où la nécessité d’orienter la réflexion vers une synergie entre les forces existantes afin d’éviter une débauche d’énergies, ce d’autant qu’elles ont pratiquement les mêmes missions, dans un contexte de crise économique, financière et sécuritaire.
CONCLUSION
La Commission du Bassin du lac Tchad (CBLT) est une structure permanente de concertation mise en place en Afrique afin de coordonner les actions des différents Etats pouvant affecter les eaux du Bassin du Lac Tchad et régler pacifiquement les différends affectant cette zone. C’est dans cette perspective que la communauté internationale et particulièrement l’Afrique doit se mobiliser pour relever le défi en luttant contre les effets climatiques qui ont des incidences sur tous les aspects de la vie. Dans ce sens, les Chefs d’Etats et de Gouvernement ont décidé au sommet de N’Djamena « d’adopter le Plan d’Investissement (PI) quinquennal de la CBLT » financé en grande partie par les Etats membres. Ils ont instruit le secrétariat exécutif d’organiser une table-ronde des bailleurs de fonds incluant le secteur privé pour le financement de ce plan. Des réunions sont prévues avec les bailleurs de fonds à N’Djamena, siège de la CBLT, et en marge du prochain sommet de Rio+20.