Le 6 mars 2012 a été clôturée à New York la période de signature du Protocole additionnel de Nagoya –Kuala Lumpur sur la responsabilité et la réparation relatif au Protocole de Cartagena sur la prévention des risques biotechnologiques, un an après qu’elle ait été ouverte aux Parties au Protocole de Cartagena sur la prévention des risques biotechnologiques. La mise à jour de l’état de ratification de ce nouveau traité sur la biodiversité, qui n’est pourtant pas encore en vigueur, constitue un pas important dans la préparation de la Conférence de Rio+20 sur le développement durable en juin 2012.
1. Le contexte du Protocole additionnel de Nagoya –Kuala Lumpur
Le Protocole additionnel de Nagoya –Kuala Lumpur sur la responsabilité et la réparation relatif au Protocole de Cartagena sur la prévention des risques biotechnologiques a été adopté le 15 octobre 2010 à Nagoya (Japon), lors de la cinquième réunion de la Conférence des Parties au Protocole de Cartagena.
Le Protocole de Cartagena sur la prévention des risques biotechnologiques, adopté le 29 janvier 2000 dans le cadre de la Convention sur la diversité biologique et en vigueur depuis le 11 septembre 2003, a pour but d’assurer un niveau adéquat de protection pour le transfert, la manipulation et l’utilisation sans danger des organismes vivants modifiés résultant de la biotechnologie moderne qui peuvent avoir des effets défavorables sur la conservation et l'utilisation durable de la diversité biologique, en tenant compte des risques pour la santé humaine et en mettant l'accent sur les mouvements transfrontières.
Le Protocole additionnel de Nagoya –Kuala Lumpur complète cet objectif en établissant des règles et procédures internationales appropriées en matière de responsabilité et de réparation pour les dommages résultant de mouvements transfrontières d'organismes vivants modifiés.
Les négociations du Protocole additionnel ont conclu un long processus de plusieurs années pour aboutir à un accord sur le régime de réparation de ce type de dommages. Le nouveau traité a été ouvert à la signature des Parties au Protocole de Cartagena du 7 mars 2011 au 6 mars 2012 et entrera en vigueur 90 jours après que le quarantième instrument de ratification, d’acceptation, d’approbation ou d’adhésion soit déposé. A ce jour, le Protocole comporte 51 signatures, dont celle de la France, et deux pays l’ont ratifié, la République Tchèque et la Lettonie.
2. Le cadre de régulation du Protocole additionnel de Nagoya –Kuala Lumpur
Le Protocole additionnel établit un cadre large de régulation des principaux aspects qui caractérisent un régime de responsabilité et réparation.
Il commence par définir le « dommage » comme un « effet défavorable sur la conservation et l’utilisation durable de la diversité biologique », en tenant compte des risques pour la santé humaine, dommage qui doit être « mesurable ou autrement observable » et « significatif ». Selon le Protocole additionnel, le caractère significatif du dommage est caractérisé par une modification à long terme ou permanente, une ampleur des modifications qualitatives ou quantitatives qui nuisent aux éléments constitutifs de la diversité biologique, une réduction de la capacité qu’ont les éléments constitutifs de la diversité biologique de fournir des biens et des services et une ampleur de tout effet défavorable sur la santé humaine.
Le Protocole additionnel s’applique aux dommages qui résultent d’organismes vivants modifiés trouvant leurs origines dans un mouvement transfrontière, qu’il s’agisse de mouvements transfrontières intentionnels, non intentionnels ou illicites, produits après l’entrée en vigueur du Protocole additionnel pour la Partie vers la juridiction de laquelle a eu lieu le mouvement transfrontière.
Le Protocole additionnel prévoit aussi que des mesures doivent être prises tant par les Etats parties au Protocole que par les opérateurs, qui contrôlent directement ou indirectement l’organisme vivant modifié. L’opérateur doit informer l’autorité compétente de l’Etat partie, évaluer le dommage et prendre les mesures d’intervention appropriées. L’autorité de l’Etat, pour sa part, doit identifier l’opérateur qui a causé le dommage et déterminer les mesures qui devraient être prises par l’opérateur. On pourrait, cependant, regretter la rédaction molle de la disposition conformément à laquelle l’autorité compétente (l’Etat) « peut prendre les mesures d’intervention appropriées, y compris en particulier lorsque l’opérateur ne l’a pas fait ». Cette rédaction pourrait rendre difficile l’invocation d’une violation de l’obligation de prévention de l’Etat qui ne prend pas les mesures d’intervention nécessaires, obligation qui maintenant fait partie du droit international coutumier.
Quant à la réparation économique, le Protocole additionnel laisse aux Parties la possibilité de prévoir, dans leur droit interne, des limites financières pour le recouvrement des coûts et dépenses liés aux mesures d’intervention et des mécanismes de garantie financière. Néanmoins, ceci ne doit pas supposer une méconnaissance des droits et des obligations prévus dans le droit international et les Etats et le Protocole ne restreint aucunement les droits de recours ou d’indemnisation dont un opérateur peut disposer conformément à la législation interne.
Cette disposition est accompagnée de la possibilité d’invoquer les règles du droit international général qui visent la responsabilité des États pour fait internationalement illicite. Ceci implique que, même si le mouvement d’organismes modifiés est une activité non interdite par le droit international et est soumise à des règles spéciales, tout mouvement illicite ou impliquant la violation d’une obligation internationale de l’Etat serait sanctionné conformément aux règles générales de responsabilité pour fait illicite.
Sans porter atteinte à cette disposition, l’élaboration du droit sur la responsabilité civile reste à la discrétion des Etats parties, y compris la détermination du type de responsabilité. En effet, en application de leur devoir d’adopter les mesures légales internes nécessaires pour appliquer le Protocole additionnel, les Etats aborderont la « norme de responsabilité », c’est-à-dire s’il s’agit de responsabilité objective ou de responsabilité pour faute. Cette norme est intéressante dans l’état actuel du droit international car le régime de responsabilité du Protocole additionnel ferait coexister des normes de responsabilité objective, basée sur l’occurrence d’un dommage et un lien de causalité avec l’organisme modifié, et des normes de responsabilité basées sur le comportement de l’opérateur et sa possible faute dans la commission d’un dommage.
Ces progrès du Protocole additionnel n’impliquent toutefois pas une régulation de tous les aspects des dommages et de la responsabilité. Ainsi, il ne prévoit pas de normes sur le régime de preuves, ni sur le possible conflit de juridictions entre les parties à un différend, ni de dispositions sur les possibles conflits vis-à-vis de l’exécution d’une décision adoptée à l’étranger et à l’encontre d’une Partie au Protocole, ce qui renvoie à des règles externes et au droit international privé en vigueur.
En outre, le Protocole additionnel établit qu’il s’applique au dommage survenu dans des zones situées dans les limites de la juridiction nationale des Parties. Cependant, on pourrait se demander quelles seraient les règles applicables aux dommages causés aux zones situées au-delà de la juridiction des Etats, tels que la haute mer, l’outre-espace, l’atmosphère et les zones polaires. Le Protocole additionnel paraît les exclure, malgré l’importance que ces dommages représentent dans le futur, et cela continuerait de faire l’objet de régimes particuliers et fait partie des développements que le droit international devra considérer dans son avenir.
Il est important de relever l’importance du Protocole additionnel dans les efforts de la communauté des Etats pour développer le régime de responsabilité pour dommages environnementaux. La Conférence de Rio+20, à se réaliser en juin 2012, pourra sans doute servir de canalisateur de ces efforts et d’opportunité pour matérialiser les tendances et les préoccupations internationales en matière de protection de l’environnement.