Aller au contenu principal
x
Soumis par Weckel Philippe le 5 February 2012

La semaine dernière les Etats ont largement débattu, au sujet de la désormais traditionnelle résolution de l'Assemblée générale sur l'Etat de droit et la justice. La discussion donne une idée de l'ampleur et de la subjectivité du sujet. Or l'Avis consultatif rendu par la Cour mondiale invite à l'approcher d'une manière beaucoup plus concrète par la découverte de certains dysfonctionnements des institutions internationales. Cordonniers mal chaussés, ces institutions promeuvent l'Etat de droit au plan national, alors que la « rule of law » est encore à établir dans l'organisation internationale.
C'est un avis juridique obligatoire que l'a Cour a rendu dans ce litige entre un « fonctionnaire international » et une Organisation internationale. On sait qu'il s'agit, comme la qualification d'avis ne l'indique pas, d'une affaire contentieuse, plus précisément relative à la réformation d'un jugement du Tribunal administratif de l'OIT (TAOIT). Or s'agissant de la protection de droits individuels, ceux d 'un agent dans les cadre des rapports avec son employeur, et notamment du « droit au juge », de l'accès à la justice, on ne s'étonnera pas que l'Avis du 1er février 2012 ait fourni à la Cour l'occasion de poursuivre sa progression mesurée sur le terrain de la protection internationale des droits de l'homme. L'opinion individuelle du Juge Antonio Cançado Trindade souligne cette évolution en en renforçant le trait.
Essentiellement deux dysfonctionnements de l'institution internationale concernée sont mis en évidence.
Le premier concerne les incertitudes juridiques résultant de la multiplication des administrations de mission et de l' « hébergement » de telles structures temporaires dans le cadre institutionnel d'une Organisation internationale. Madame Garcia avait été recruté par le Fonds international de développement agricole (FIDA), une institution spécialisée du système des Nations unies sur un poste d'administrateur de programme au sein d'une entité, le Mécanisme mondial, « hébergé » par cette Organisation. C'est la décision de ne pas renouveler son contrat pour des raisons financières notifié par le Directeur général du Mécanisme qui a fait l'objet d'une requête devant le TAOIT. Le jugement du Tribunal administratif ayant donné satisfaction à la requérante, le FIDA a initié une demande de réformation de ce jugement par le biais de la procédure d'avis consultatif de la CIJ. A titre principal le FIDA a soutenu que le Tribunal n'était pas compétent parce que Madame Garcia n'était pas son employée, mais celle de l'entité en question, le Mécanisme global. En somme elle  serait l'employée bien réelle, titulaire d'un contrat de travail et d'un statut, d'une structure fantomatique. Le Mécanisme mondial a été créé par la Convention des Nations Unies sur la lutte contre la désertification dans les pays  gravement touchés par la sécheresse et la désertification. Il a été pour mission de mobiliser des ressources et de les acheminer vers les zones critiques. Il est un organe subsidiaire des organes conventionnels, la Conférence des Etats parties et le secrétariat permanent. La Cour n'a pas éprouvé de difficulté à démontrer que cette forme d'institutionnalisation ne se traduisait pas l'établissement d'une nouvelle personnalité internationale. Concrètement le Mécanisme global ne possède pas la capacité juridique nécessaire à la conclusion de contrats de travail. Finalement la Haute juridiction estime que le lien contractuel avait bien été établi avec l'Organisation internationale qui héberge l'entité en question, le FIDA.
A l'évidence le second dysfonctionnement en cause dans cette affaire attirera bien davantage l'attention. Il s'agit de l'inégalité de traitement de l'employeur et du fonctionnaire international dans la procédure contentieuse, voire du caractère inéquitable de cette procédure. Certains défauts résultent de la procédure d'avis consultatif. Ainsi le fonctionnaire concerné ne peut se présenter devant la Cour et sa communication écrite doit être transmise à la juridiction par l'employeur. La Cour estime qu'elle est parvenue par ses décisions de procédure à corriger cette inégalité. On relève également que le Juge Greenwood regrette que la CIJ ne se soit pas prononcée sur les dépens. Il est inéquitable que les frais de sa défense ait finalement été laissés à la charge du fonctionnaire. Sans doute la Cour aurait-elle pu, si la demande lui en avait été faite par cette personne, considérer que statuer sur les dépens relève d'un pouvoir inhérent du juge dans une procédure contentieuse concernant des personnes. 
Toutefois le défaut majeur se situe en amont de la procédure devant la Cour. En effet seule l'Organisation internationale qui emploie le fonctionnaire peut introduire une demande de réformation du jugement rendu par le Tribunal administratif. Une telle situation n'aurait pu justifier un refus de la Cour de rendre son avis. Elle souligne néanmoins cette anomalie avec insistance. Elle porterait atteinte à l'égalité dans l'accès au juge qui est, selon, elle, un principe admis aujourd'hui. Pour confirmer l'émergence du principe, la Cour à recours aux observations générales du Comité des droits de l'homme. En effet, la position de ce dernier a évolué en l'espace de quelques décennies.  Or le Pacte des droits civils et politiques n'est pas formellement applicable dans cette espèce. Néanmoins la Cour s'y réfère et, finalement, elle donne corps à l'interprétation évolutive des instruments de protection des droits de l'homme. N'en déplaise à d'aucuns, la Cour se « droitdel'hommise ».

 

Jugement N° 2867 du Tribunal administratif de l'Organisation internationale du travail sur requête contre le Fonds international de Développement agricole (requête pour avis consultatif) Consulter

Bulletin numéro 292