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Soumis par Kady Charlotte le 7 December 2014

La dernière réunion de l'Appel de Genève Avec l'aimable autorisation de © l'appeldeGenève

Si pendant longtemps, les guerres ont concerné surtout des Etats, des groupes armés non étatiques sont de plus en plus souvent impliqués. Depuis toujours les hommes ont réglé leurs conflits par la violence. L’idée selon laquelle il faut mettre des limites à la guerre afin de l’empêcher de dégénérer en barbarie n’est pas nouvelle. Les limites imposées au choix des méthodes et moyens de guerre existent depuis des siècles, mais, jusqu’en 1864, elles étaient, pour la plupart, uniquement des règles coutumières non écrites. Cette année-là, la première Convention de Genève, la première d’une longue série de traités établissant des limites à la manière de faire la guerre[1], a été adoptée. Le droit international humanitaire se fonde depuis sur un grand nombre de traités, en particulier sur les Conventions de Genève de 1949 et leurs Protocoles additionnels de 1977, ainsi que sur une série d’autres traités ayant trait à des aspects spécifiques du droit. Il existe par ailleurs un ensemble considérable de règles coutumières qui lient tous les États et toutes les parties à un conflit armé.

Ces règles établissent par exemple que sont protégés ceux qui ne participent pas à la guerre ainsi que les blessés ou prisonniers.

Dans les conflits armés contemporains, les civils sont les principales victimes des violations du droit international humanitaire (DIH). Du fait de la nature des conflits armés contemporains, l’application et le respect du DIH continuent de poser des défis dans plusieurs domaines comme les nouvelles technologies, la qualification des conflits ou la qualité de combattant.

Le but premier du droit international humanitaire est de protéger les victimes des conflits armés et de réglementer la conduite des hostilités. Les personnes qui participent aux combats doivent faire une distinction fondamentale entre les combattants, qui peuvent légalement être attaqués, et les civils, qui sont protégés contre les attaques, à moins qu’ils ne participent directement aux hostilités et pendant la durée de cette participation.

Ces dernières décennies, la nature de la guerre a considérablement évolué, et plusieurs facteurs ont contribué à brouiller la distinction entre civils et combattants. Les guerres civiles étant de plus en plus nombreuses, la question des guérillas est posée. Elle se pose également dans les conflits armés internationaux. La distinction entre combattants armés ne faisant pas parties des armées étatiques et terroristes n’est pas facile. Il arrive que dans une guerre civile ceux que l'on considère comme des rebelles soient, en fait, des patriotes luttant pour l'indépendance et la dignité de leur patrie. L'attitude des insurgés peut montrer si l'on a affaire à des simples bandits ou si, au contraire, ils combattent en véritables soldats, dignes de bénéficier de l'application des Conventions de Genève. Lorsque des rebelles se conforment aux principes humanitaires, on ne peut plus parler de terrorisme, d'anarchie ou de désordres.

Depuis la Seconde Guerre mondiale, la plupart des conflits armés ont un caractère non international. La seule disposition des Conventions de Genève de 1949 applicable à ce type de conflit est l’article 3 commun aux quatre Conventions de 1949[2], prévoyant que « chacune des Parties au conflit sera tenue d'appliquer au moins les dispositions suivantes » et il donne une liste de limites à la guerre[3]. Cette disposition qui énonce des principes fondamentaux de protection de la personne est toutefois insuffisante pour résoudre les graves problèmes humanitaires engendrés par les conflits internes. L’objectif du Protocole II de 1977 est donc de faire appliquer les règles principales du droit des conflits armés aux conflits internes, sans toutefois restreindre le droit ou les moyens dont disposent les États en matière de maintien ou de rétablissement de l’ordre public, ni permettre la justification d’une intervention étrangère sur leur territoire national (art. 3 du Protocole II).Le respect des dispositions du Protocole II n’implique donc pas la reconnaissance d’un statut particulier aux groupes d’opposition armés.

Contrairement à l’article 3 commun qui ne définit pas les critères du conflit interne auquel il s’applique, le Protocole II circonscrit avec soin son champ d’application, en excluant les conflits de faible intensité comme les situations de tensions internes et les émeutes.
Sont visés par le Protocole II les conflits non internationaux se déroulant sur le territoire d’un État, qui opposent les forces armées de cet État à des forces armées rebelles agissant sous un commandement responsable et contrôlant une partie du territoire national.
Le Protocole II élargit le noyau d’humanité que l’article 3 commun avait déjà introduit dans les guerres civiles[4].

Mais le problème c’est que les groupes armés non étatiques ne peuvent pas signer les Conventions internationales auxquelles seuls les Etats peuvent adhérer. L’Appel de Genève peut remédier partiellement à ce problème[5].

L’Appel de Genève est « l’une des organisations mondiales dans le domaine de l’engagement humanitaire des acteurs armés non-étatiques, les AANE. Son approche unique, qui s’articule autour d’Actes d’Engagement spécifiques à des domaines précis, a été reconnue comme un modèle de réussite par le Secrétaire général des Nations Unies en matière de protection des civils dans les conflits armés ».

I : l’action de l’appel de Genève :

A : leur mission :

« L’appel de Genève » est une fondation de droit suisse, régie par les articles 80 et suivants du code civil suisse. Les activités humanitaires de l’Appel de Genève sont principalement financées grâce à des donateurs institutionnels[6].

Selon l’article 3 de ses statuts : « la fondation a pour but de mettre en œuvre toute possibilité afin que des groupes armés non-étatiques[7] s’engagent à adhérer à une interdiction des mines terrestres et à respecter les normes humanitaires et les droits de l’Homme, soit, en particulier, la signature d’actes d’engagement visant l’interdiction totale de :

-         l’utilisation des mines anti-personnel ;

-         l’enrôlement et/ou l’utilisation d’enfants soldats ;

-         la pratique de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants »

« L’Appel de Genève » se définit lui-même comme «  une organisation non-gouvernementale neutre et impartiale qui se consacre à la promotion du respect par les acteurs armés non-étatiques du droit humanitaire international dans les conflits armés et dans les autres situations de violence, notamment dans le domaine de la protection des civils. L’action de l’Appel de Genève se concentre sur l’interdiction des mines antipersonnel, la protection des enfants dans les conflits armés, l’interdiction de la violence sexuelle dans les conflits armés et l’élimination de la discrimination basée sur le genre[8] ».

Les AANE « qui souhaitent développer leurs connaissances ou renforcer leurs capacités de mise en application des normes humanitaires internationales, notamment par le biais de formations ou de conseils techniques peuvent demander à « l’Appel de Genève » de les aider[9]. En outre, l’organisation peut également fournir une assistance et des services au sein des communautés où les AANE sont présents. »

L’Appel de Genève « adhère aux principes humanitaires de neutralité, d’impartialité et d’indépendance et cherche à adopter une attitude transparente en informant les parties prenantes, et notamment les États concernés, de ses actions menées auprès des AANE pour obtenir leurs engagements ».

« L’Appel de Genève » définit les acteurs armés non-étatiques comme « une grande variété d’entités différentes. Dans le cadre de sa mission, l’Appel de Genève se concentre sur des groupes armés organisés, impliqués dans des conflits armés internes, principalement motivés par des objectifs politiques, opérant en marge du contrôle de l’État et n’ayant par conséquent pas la capacité juridique d’être parties aux traités internationaux pertinents.  Cette définition comprend les groupes armés, les autorités au pouvoir de facto, ainsi que les États non-reconnus ou partiellement reconnus par la communauté internationale. L’Appel de Genève peut également intervenir dans des situations autres que les conflits armés, si l’organisation estime que son action est susceptible d’apporter un impact positif. » La définition est si vague qu’elle peut pratiquement concerner tout groupe armé pour peu qu’il ait entendu parler des Conventions de Genève et qu’il ne pratique pas les massacres à grande échelle. Cela a cependant ses avantages[10].

Cette définition est beaucoup plus large que celle, par exemple, de l’article 4 de la Troisième Convention de Genève de 1949 qui demande aux belligérants de considérer comme prisonnier de guerre[11] « les membres des autres milices et les membres des autres corps de volontaires, y compris ceux des mouvements de résistance organisés, appartenant à une Partie au conflit et agissant en dehors ou à l'intérieur de leur propre territoire, même si ce territoire est occupé, pourvu que ces milices ou corps de volontaires, y compris ces mouvements de résistance organisés, remplissent les conditions suivantes :

a) d'avoir à leur tête une personne responsable pour ses subordonnés ;

b) d'avoir un signe distinctif fixe et reconnaissable à distance[12] ;

c) de porter ouvertement les armes ;

d) de se conformer, dans leurs opérations, aux lois et coutumes de la guerre. »

« L’appel de Genève » aurait pu reprendre ces critères pour les appliquer aux groupes armés non étatiques.

La vision des groupes armés non étatiques a bien évolués avec le temps : le code Lieber de 1863 recommandait en effet, en son article 82 de traiter les rebelles de guerre « sommairement comme bandits de grand chemin ou pirates[13]. »

B : les actes d’engagement :

Le principal outil de l’Appel de Genève est le recours à un mécanisme innovant, « l’acte d’engagement », qui permet aux AANE de s’engager à respecter des normes humanitaires spécifiques. Il en existe trois : celui relatif à la protection des enfants dans les conflits armés (2010), celui sur l’interdiction totale des mines antipersonnel et sur la coopération dans l’action contre les mines (2000) et celui sur l’interdiction de la violence sexuelle dans les conflits armés et vers l’élimination de la discrimination basée sur le genre (2012).

1)      Protection des enfants dans les conflits armés :

Les acteurs armés non-étatiques reconnaissent « l’impact désastreux et largement répandu des conflits armés sur le développement mental et physique des enfants, et sur les conséquences à long terme de ces conflits pour la sécurité humaine, la paix durable et le développement. Et les enfants associés aux forces armées courent un risque particulièrement élevé d’être exposé aux attaques des forces adverses. »

Les enfants sont touchés par les conflits armés de manières très diverses. Pour arriver à les protéger et mettre fin à l’impunité, le Conseil de sécurité de l’ONU[14] a recensé six catégories de violations – les “six violations graves”. Elles sont utilisées pour réunir des preuves de violation et sont les suivantes:

Meurtre ou mutilation d’enfants;

Recrutement ou emploi d’enfants soldats;

Violences sexuelles commises contre des enfants;

Attaques dirigées contre des écoles ou des hôpitaux;

Déni d’accès humanitaire aux enfants;

Enlèvements d’enfants.

De nombreux textes protègent les enfants et interdisent les enfants soldats. Il ne s’agit pas d’en faire ici un catalogue exhaustif mais rappelons toutefois que l’utilisation des enfants soldats est interdite notamment par l’article 77 du Protocole I de 1977,  l’article 38 de la Convention des droits de l’enfant de 1989le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de  l’enfant, concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés de 2000.

Cet acte d’engagement définit les enfants comme toute personne de moins de 18 ans[15]. Les signataires s’engagent entre autre à :

- interdire totalement l’utilisation des enfants dans les hostilités ;

- s’assurer que les enfants ne sont pas enrôlés ou associés de force ou volontairement aux forces armées ;

- relâcher ou relever de leurs fonctions de combattants les enfants, de manière sûre et en toute sécurité ;

-protéger les enfants des effets des opérations militaires ;

-s’efforcer de prodiguer aux enfants l’aide et les soins dont ils ont besoin, en coopération avec les agences spécialisées de protection de l’enfance.

- traiter humainement et en respectant les besoins correspondant à leur âge et à leur sexe, les enfants détenus ou emprisonnés pour des raisons liées au conflit

- pas de peine de mort pour les enfants ou pour des actes commis lorsqu’ils étaient enfants.

Notons que le Conseil de sécurité a également son système pour que les groupes armés non étatiques s’engagent à propos des enfants en temps de conflit armé : l’élaboration avec les  parties au conflit d’un plan d’action[16] pour mettre fin aux violations graves dont sont victimes les enfants. À ce jour, 23 parties listées (11 armées gouvernementales et 12 groupes armés non étatiques) ont signé un plan d’action, dont 9 qui, ont intégralement appliqué les dispositions de leur plan d’action.

2)      l’interdiction totale des mines antipersonnel et la coopération dans l’action contre les mines :

Les AANE reconnaissent que « le fléau mondial des mines antipersonnel qui tuent et mutilent indistinctement et de façon inhumaine combattants et civils, pour la plupart des personnes innocentes et sans défense, en particulier des femmes et des enfants, et cela même après la fin des hostilités. L’utilité militaire limitée des mines anti-personnel est sans commune mesure avec les effroyables coûts humains, socio-économiques et environnementaux engendrés par leur emploi, y compris sur le processus de réconciliation et de reconstruction post-conflit .»

Les mines antipersonnel sont une arme de choix pour de nombreux acteurs armés non étatiques, en raison de leur faible coût et de la facilité avec laquelle il est possible de se les procurer. La Convention sur l’interdiction des mines antipersonnel de 1997 (le traité d'Ottawa) est entrée en vigueur en 1999[17]. Malgré son importance, cette Convention ne s’applique pas directement aux AANE et ne leur permet pas d’exprimer leur adhésion aux dispositions qu’elle prévoit.

Les signataires s’engagent donc à:

- interdire en toute circonstance l’utilisation, la production, le stockage et le transport de mines antipersonnel[18] ;

- prendre les mesures nécessaires et coopérer à la destruction des stocks, aux activités de déminage, de sensibilisation au danger des mines, d’assistance aux victimes et autres formes de lutte anti-mines, en coopération avec les organisations spécialisées dans ce domaine.

3)      : l’interdiction de la violence sexuelle dans les conflits armés et vers l’élimination de la discrimination basée sur le genre :

Les acteurs armés non étatiques reconnaissent que « les conséquences physiques, psychologiques et sociales dont souffrent à vie les victimes de violence sexuelle, leur famille et les communautés dont elles sont issues, notamment dans les contextes de conflits armés. Ils sont déterminés à protéger les populations civiles, ainsi  que  toute personne n’étant plus partie prenante au conflit, des effets et des dangers des opérations militaires, ainsi qu’à respecter leurs droits fondamentaux. Les femmes, les hommes, les filles, et les garçons peuvent être  aussi bien auteurs que victimes de violences sexuelles, et les femmes et les filles sont particulièrement visées et exposées à des risques supplémentaires. Le droit international interdit toute forme de violence sexuelle et les actes de violences sexuelles peuvent être considérés comme des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité ou un génocide ».

Le viol et les autres formes de violence sexuelle, lorsqu’ils sont perpétrés dans un conflit armé international ou non international, constituent des violations du droit international humanitaire[19]. Toutes les parties à un conflit armé doivent respecter l'interdiction de la violence sexuelle, et tous les États sont tenus de poursuivre les auteurs de ces actes. Le viol et les autres formes de violence sexuelle sont interdits par la quatrième Convention de Genève (article 27), ainsi que par le Protocole additionnel I (article 76) et le Protocole additionnel II (article 4). Les actes de violence sexuelle englobent le viol, l'esclavage sexuel, la prostitution forcée, la grossesse forcée, la stérilisation forcée et toute autre forme de violence sexuelle de gravité comparable. Toutes les parties à un conflit armé doivent respecter l'interdiction de la violence sexuelle, et tous les États sont tenus de poursuivre les auteurs de ces actes. Le Statut de la Cour pénale internationale intègre le viol et d’autres formes de violence sexuelle dans les crimes de guerre (article 8) et les crimes contre l’humanité (article 7) lorsqu'ils font partie d’une attaque généralisée ou systématique dirigée contre une population civile. Le viol et les autres formes de violence sexuelle peuvent également constituer d'autres crimes internationaux. Le viol constitue généralement un acte de torture s'il est, par exemple, intentionnellement infligé par un représentant de l'État aux fins d'obtenir des aveux de la victime. La violence sexuelle peut aussi constituer un acte de génocide, par exemple quand elle est utilisée comme mesure visant à entraver les naissances au sein d’un groupe[20]. La discrimination fondée sur le genre est, par exemple interdite par la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes ou les Pactes internationaux relatifs aux droits de l'homme qui assurent l'égalité des droits de l'homme et de la femme dans l'exercice de tous les droits économiques, sociaux, culturels, civils et politiques.

Les signataires s’engagent à :

- interdire toute forme de violence sexuelle à l’encontre de quiconque, que cette personne soit un civil, un membre d’une armée régulière ou un membre de forces armées non-étatiques.

- prendre toutes les mesures possibles pour anticiper et combattre efficacement les actes de violence sexuelle commis par qui que ce soit, dans les régions dans lesquelles elles exercent une autorité

- garantir que les personnes privées de liberté sont protégées de la violence ;

- prévenir et empêcher les actes de violence sexuelle ;

- assurer aux victimes l’accès à l’assistance et aux soins dont elles ont besoin ;

- garantir la confidentialité et la protection des victimes de violence sexuelle ;

- éliminer les politiques et les pratiques discriminatoires envers les femmes ou les hommes ;

- veiller à une plus large participation des femmes dans les processus décisionnels.

II : la réunion de novembre 2014 :

A : les participants :

35 groupes armés ont participé à cette réunion de novembre 2014 :

CNF, Front national Chin (Birmanie)
KIO, Organisation pour l'indépendance Kachin (Birmanie)
KNU /KNLA, Union nationale Karen/Armée de libération nationale Karen (Birmanie)
NMSP, Nouveau parti de l'Etat Mon/Armée de libération nationale Mon (Birmanie)
PNLO, Organisation pour la libération nationale Pa’O (Birmanie)
SSA-N, Conseil de restauration de l'Etat Shan/ Armée de l'Etat Shan (Birmanie)
SSA-S, conseil de restauration de l'Etat Shan/ Armée de l'Etat Shan du sud (Birmanie)
HPC-D, Congrès démocratique des peuples Hmar (Inde)
KNF, Front national Kuki (Inde)
KNO, Organisation nationale Kuki (Inde) NSCN-IM, Conseil national socialiste de Nagalim-Isaac Muivah (Inde)
NSCN-KK, Conseil national socialiste de Nagaland-Khole-Kitovi (Inde)
ZRO, Organisation de réunification Zomi (Inde)
HPG/PKK, Forces de défense du peuple/Parti des travailleurs du Kurdistan (Turquie)
KDP-Iran, Parti démocratique du Kurdistan (Iran)
Komalah Co, Organisation kurde pour le Parti communiste d'Iran
KPIK, Party Komala du Kurdistan iranien
PDKI, Parti démocratique du Kurdistan iranien
PJAK, Parti de la vie libre au Kurdistan/Forces de libération du Kurdistan oriental (Iran)
YPG, Unités de protection du peuple (Kurdes de Syrie)
PLO, Organisation de libération de la Palestine (Liban)
MILF, Front islamique de libération Moro (Philippines)
RPM-M, Parti révolutionnaire des travailleurs du Mindanao (Philippines)
Polisario Front, Front populaire pour la libération de Saguia el Hamra et la Rivière d'Or (Sahara occidental)
SNF , Front national somalien
Somaliland, autorités du Somaliland (Somalie)
JEM, Mouvement Justice et Egalité (Soudan)
SLM-AW, Mouvement de libération du Soudan - Abdel Wahid al-Nur
SLM-MM, Mouvement de libération du Soudan - Minni Minnawi
SPLM-N , Mouvement de libération des peuples du Soudan
Hazzm, mouvement rebelle membre de l'Armée syrienne libre
Ansarullah, mouvement Al-Houthi (chiites du Yémen)
Deux autres groupes armés sous couvert d'anonymat

B : les résultats :

Jusqu’à présent,  52 AANE ont signé des Actes d’Engagement et ont globalement respecté leurs engagements. D’autres AANE ont également pris des mesures pour mettre leurs politiques et leurs comportements en conformité avec les normes internationales. Depuis sa création en 2000, l’Appel de Genève a engagé un dialogue avec quelque 90 AANE dans le monde.

Du 17 et le 20 novembre 2014 s’est tenue, en toute discrétion, la troisième conférence internationale des actes d’engagement de « l’Appel de Genève ». Venus de 14 pays en conflit[21], 70 officiers, chefs politiques ou conseillers légaux, ont échangé leurs expériences. Les deux tiers de ces mouvements (24) ont signé au moins un des trois Actes d’engagement humanitaire proposés par l’Appel de Genève: contre les mines antipersonnel, contre l’enrôlement d’enfants soldats et contre les violences sexuelles. Les autres rebelles représentés sont membres de groupes tentés par la démarche. Pendant trois jours, les rebelles ont ainsi eu accès à des experts reconnus de l’ONU, du CICR, de Human Rights Watch ou encore de la campagne pour l’élimination des mines antipersonnel. Madame Elisabeth Decrey Warner, qui préside l’Appel de Genève a précisé : « C’était l’opportunité pour nous de consolider leurs connaissances en matière de normes humanitaires internationales, mais surtout de renforcer leur engagement à mettre en œuvre ces normes. C’est aussi important pour nous d’être conscients des difficultés rencontrées sur le terrain par les groupes qui veulent protéger davantage les civils… »

Les discussions ont permis de soulever les difficultés d’application effective de certaines mesures, malgré la volonté des acteurs. Les groupes rebelles eux-mêmes ont pu exposer leurs réussites, mais aussi confier leurs doutes et poser quantité de questions.

Le chef d’un mouvement armé du Soudan a ainsi expliqué que «déterminer l’âge des nouvelles recrues, c’est difficile sur le terrain! Dépourvus de documents officiels, des jeunes essaient sans doute d’intégrer nos rangs alors qu’ils n’ont pas 18 ans».

Pour répondre au rebelle soudanais perplexe face aux jeunes recrues, un expert de la protection de l’enfance a présenté la technique dite de «l’histoire des événements». Elle consiste à évaluer l’âge d’un enfant ou d’un jeune en se basant sur ses souvenirs personnels d’événements marquants dans l’histoire de sa communauté d’origine[22].

Au final, les participants ont adopté une «déclaration» réaffirmant leur volonté de tout mettre en œuvre pour respecter et protéger les populations civiles.

Certes la signature de ces actes d’engagement n’a aucune valeur juridique. « L’Appel de Genève » est simplement une ONG qui a la volonté d’aider les acteurs armés non-étatiques à respecter le  droit, à leur faire connaître le DIH et pour cela c’est estimable. Certes le CICR le fait déjà mais toute initiative supplémentaire est intéressante.

En signant les « actes d’engagement », les AANE reconnaissent d’ailleurs que « cela n’aura pas d’effet sur leur statut juridique conformément à  la disposition y relative figurant à l’article 3 commun aux Conventions de Genève du 12 août 1949 ». La seule sanction possible est éventuellement la possibilité pour l’ »Appel de Genève » de rendre public ces violations. Mais Madame Elisabeth Decrey Warner, qui préside l’Appel de Genève a précisé  « Régulièrement, des cas suspects sont portés à notre connaissance. Après enquête, nous avons pu constater que pour la plupart il s’agissait de cas isolés et que le commandement à chaque fois avait pris des mesures pour punir le ou les responsables du non-respect de l’Acte d’engagement. Un seul cas était plus sérieux. Notre mission de vérification sur le terrain a découvert qu’une partie des combattants n’étaient pas suffisamment informés. Nous avons alors fourni une formation pour 3000 d’entre eux. Nous ne procédons pas à une dénonciation publique tant que les instances dirigeantes d’un groupe armé non étatique démontrent clairement leur volonté de respecter les Actes d’engagement. Pour l’Appel de Genève, l’objectif final n’est pas de les condamner mais bien de les aider à mettre en œuvre le droit humanitaire. D’autres ONG ont ce rôle de dénonciation, qui est utile et nécessaire. Quant à nous, notre rôle est d’abord pédagogique. »

L’ « Appel de Genève » a plusieurs succès à son actif : démobilisation d’enfants soldats en Syrie, formation au droit humanitaire des groupes armés non étatiques, établissemnt d’un centre de formation au Liban, l’engagement de plusieurs groupes armés de ne plus utiliser des mines, en septembre 2001, il a obtenu une résolution du Parlement européen, votée à l’unanimité, reconnaissant l’importance de négocier avec les acteurs non-étatiques dans les conflits d’aujourd’hui  etc…etc…

Le travail effectué par « l’Appel de Genève » permet de soulager les souffrances dans les conflits armés et pour cela, il mérite d’être connu. Souhaitons que cette note y contribue.

 

 

 

 


[1] Le droit international humanitaire (appelé également droit de la guerre, droit des conflits armés etc…) couvre principalement deux domaines : la protection des personnes qui ne participent pas ou ne participent plus aux combats, et la limitation des méthodes et des moyens – notamment armes et tactiques – employés dans la conduite des hostilités.

La Ire Convention de Genève de 1949 a trait à l’amélioration du sort des blessés et des malades dans les forces armées en campagne.

La IIe Convention de Genève porte sur l'amélioration du sort des blessés, des malades et des naufragés des forces armées sur mer..

La IIIe Convention de Genève a trait au traitement des prisonniers de guerre.

La IVe Convention de Genève porte sur la protection des personnes civiles en temps de guerre.

Depuis 1949, trois protocoles sont venus s’ajouter aux Conventions de Genève. Le Protocole additionnel I de 1977 a trait à la protection des victimes des conflits armés internationaux, tandis que le Protocole additionnel II, adopté la même année, porte sur la protection des victimes des conflits armés non internationaux.

[2] L' article 3, commun aux quatre Conventions de Genève, représente une avancée capitale dans la mesure où il couvre, pour la première fois, les situations de conflits armés non internationaux. Ces types de conflits sont très variés : ils comprennent notamment les guerres civiles traditionnelles, les conflits armés internes qui s'étendent à d'autres États et les conflits internes durant lesquels un État tiers ou une force multinationale intervient aux côtés du gouvernement. L'article 3 commun établit des règles fondamentales qui n'acceptent aucune dérogation. Il s'apparente à une mini-Convention au sein des traités, car il contient les règles essentielles des Conventions de Genève sous forme condensée et les rend applicables aux conflits ne présentant pas un caractère international :

L'article 3 exige que toutes les personnes se trouvant aux mains de l'ennemi soient traitées avec humanité, sans aucune distinction de caractère défavorable. Il interdit plus particulièrement le meurtre, les mutilations, la torture, les traitements cruels, humiliants et dégradants, les prises d'otages et les procès inéquitables.

 Il établit que les blessés, les malades et les naufragés doivent être recueillis et soignés.

Il octroie au CICR le droit d'offrir ses services aux parties au conflit.

Il appelle les parties au conflit à mettre en vigueur, par voie d'accords dits spéciaux, tout ou partie des Conventions de Genève.

Il reconnaît que l'application de ces dispositions n'aura pas d'effet sur le statut juridique des parties au conflit.

[3]  Ajoutons également l’article 1 du protocole de 1977 qui précise que « … sont compris les conflits armés dans lesquels les peuples luttent contre la domination coloniale et l'occupation étrangère et contre les régimes racistes dans l'exercice du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, consacré dans la Charte des Nations Unies et dans la Déclaration relative aux principes du droit international touchant les relations amicales et la coopération entre les Etats conformément à la Charte des Nations Unies. »

[4] Ainsi, le Protocole II :
a) renforce les garanties fondamentales dont bénéficient les personnes qui ne participent pas ou ne participent plus aux hostilités (art. 4);
b) établit les droits des personnes privées de liberté et les garanties judiciaires de celles faisant l’objet de poursuites pénales en relation avec un conflit armé (art. 5-6);
c) interdit les attaques dirigées contre :

- la population civile et les personnes civiles (art. 13);

- les biens indispensables à la survie de la population civile (art. 14);

- les ouvrages et installations contenant des forces dangereuses (art. 15);

- les biens culturels et lieux de culte (art. 16);

d) réglemente le déplacement forcé de la population civile (art. 17);

e) reconnaît la protection des blessés, des malades et des naufragés (art. 7);

f) assure la protection du personnel religieux ainsi que du personnel, des unités et des moyens de transport sanitaires, tant civils que militaires (art. 9-11);

g) limite l’usage de l’emblème de la croix rouge et du croissant rouge aux seules personnes et biens autorisés à l’arborer.

[5] Le 21 juin 1989, la  Berne fédérale (la Suisse est dépositaire des Conventions de Genève) recevait, de la part de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), une demande d’adhésion de «l’Etat Palestinien» aux quatre Conventions de Genève et à leurs deux protocoles additionnels. Berne refusa et justifia  son refus par «l’incertitude au sein de la communauté internationale quant à l’existence ou non d’un Etat de Palestine». En 2014, une nouvelle lettre est arrivée, adressée au conseiller fédéral Didier Burkhalter et signée cette fois par le président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas. Et cette fois, ce fut oui. L’Autorité Palestinienne est désormais partie aux 4 Conventions de 1949 et au Premier Protocole de 1977 et à d’autres textes relatifs au droit de la guerre. L’Autorité Palestinienne n’a pas souhaité adhérer au second protocole additionnel de 1977.

[6] Les principaux donateurs actuels comprennent les Gouvernements suivants :

Australie (AusAID), Belgique, Canada (Fonds canadien d’aide aux initiatives locales), Danemark, France, Allemagne (Affaires étrangères et Institut allemand pour les relations internationales), Italie, Liechtenstein, Pays-Bas, Norvège ainsi que les ambassades norvégiennes en Thaïlande et au Liban, Espagne, Suède (SIDA), Suisse (Division de la sécurité humaine (DSH) et Direction du développement et de la coopération (DDC), Royaume-Uni (Ministère des affaires étrangères et du Commonwealth). En outre l’Appel de Genève est financé par le Département de l’Aide Humanitaire de la Commission européenne (DG ECHO) par le biais de la Fondation Suisse de Déminage (FSD), la Ville de Genève, la Ville de Lancy, la Fondation Hans Wilsdorf, la Fondation Pluralisme, la Fondation pour le Futur (FFF) par le biais de Permanent Peace Movement au Liban, la Loterie Romande, la Fondation Peace Nexus, la République et canton de Genève, le Bureau des Nations Unies pour les services d’appui aux projets (UNOPS) et le Service de lutte antimines des Nations Unies (SLAM/UNMAS).

[7] Notons aux passages que si les statuts parlent de « groupes armés non étatiques », la fondation utilise plutôt le terme d » acteur armé non étatique » désormais. Nous préférions le premier terme qui est plus explicite.

[8] Ca qui est une nouveauté ou « une précision » par rapport à ses statuts…

[9] ces groupes armés pourraient également faire directement appel au CICR pour la diffusion du DIH

[10] « l’Appel de Genève » peut ainsi aider tous les groupes armés qui le contacte.

[11] Et donc comme combattants

[12] Peut être nuancé mais ce n’est pas l’objet de la présente note

[13] Instructions de 1863 pour les armées en campagne des Etats-Unis d'Amérique (Code Lieber).

Section IV : Partisans - Ennemis armés n'appartenant pas à l'armée ennemie - Eclaireurs - Rebelles de guerre - Saboteurs - Art. 82.

82. - Les hommes ou groupes d'hommes qui commettent des hostilités (combats, destructions ou pillages) ou se livrent à des raids quelconques sans mandat, sans faire partie de l'armée ennemie régulière ou de l'une de ses subdivisions, sans participer à la guerre de façon continue mais retournent de temps à autre à leurs domicile et occupations ou assument occasionnellement l'apparence d'un comportement pacifique, se dépouillant alors du caractère ou de l'aspect de soldats - de tels hommes ne sont pas des belligérants et, en conséquence, s'ils sont capturés ils n'ont pas droit aux privilèges de prisonnier de guerre, mais doivent être traités sommairement comme bandits de grand chemin ou pirates.

[14] En 2005, le Conseil de sécurité a créé un Mécanisme de surveillance et de communication de l’information chargé de recueillir systématiquement des informations et des preuves sur ces actes odieux commis dans des situations de conflit dans le monde et d’en rendre compte. C’est sur la base des informations ainsi reçues que le Secrétaire général de l’ONU inscrit sur sa “liste de la honte” les parties à un conflit qui recrutent, tuent ou mutilent des enfants, commettent des violences sexuelles à leur encontre ou attaquent des écoles et des hôpitaux. Le Groupe de travail du Conseil de sécurité sur les enfants et les conflits armés examine régulièrement les rapports du Mécanisme de surveillance et de communication de l’information et fait des recommandations sur les mesures à prendre pour mieux protéger les enfants dans telle ou telle situation de conflit.

[15] Alors que l’âge varie en droit international, selon les textes, c’est soit 15 ans, soit 18 ans

[16] Un plan d’action est un engagement écrit liant l’Organisation des Nations Unies et les parties figurant sur la liste des auteurs de graves violations à l’encontre des enfants publiée dans le rapport annuel du Secrétaire général sur le sort des enfants en temps de conflit armé. Chaque partie élabore un plan en fonction de sa situation propre et adopte des mesures concrètes assorties d’échéances qui lui permettront de garantir l’application du droit international, de se faire retirer de la liste du Secrétaire général et de mieux protéger les enfants.

[17] Son article premier prévoit que « 1.  Chaque Etat partie s'engage à ne jamais, en aucune circonstance:

a) employer de mines antipersonnel;

b) mettre au point, produire, acquérir de quelque autre manière, stocker, conserver ou transférer à quiconque, directement ou indirectement, de mines antipersonnel;

c) assister, encourager ou inciter, de quelque manière, quiconque à s'engager dans toute activité interdite à un Etat partie en vertu de la présente Convention.

2.  Chaque Etat partie s'engage à détruire toutes les mines antipersonnel, ou à veiller à leur destruction, conformément aux dispositions de la présente Convention. »

[18] Par mine antipersonnel, on entend les mines qui explosent du fait de la présence, de la proximité ou du constat d’une personne, y compris tout autre engin explosif activé par la victime ainsi que les mines anti-véhicules présentant des risques identiques qu’elles soient équipées ou non de dispositifs anti-manipulation.

[19] Par ailleurs, dans le dialogue confidentiel qu'il mène avec les pouvoirs publics et les groupes armés, le CICR aborde la question des actes de violence sexuelle observés ou faisant l'objet d'allégations. Il explique les conséquences de ces actes pour les victimes et la communauté, leurs répercussions sur les plans juridique et pénal, et les mesures pouvant être prises pour identifier et sanctionner les auteurs, protéger la population et réduire le risque que de tels crimes ne se produisent. Comme le fait « l’Appel de Genève »…

[20] par mutilations sexuelles ou stérilisation, par exemple

[21] dont la Syrie, la Birmanie, le Soudan, les Philippines ou encore la Somalie

[22] intéressant mais probablement plus facile à faire dans la paisible Genève que sur le terrain où les moyens humains ne sont pas les mêmes…

 

Observations (Philippe Weckel).

La promotion du Droit international humanitaire est une mission essentielle qui détermine l'application effective de ce droit. Tenus de "faire respecter" le droit humanitaire les Etats partagent cette responsabilité et le CICR fait une place importante à la promotion dans son action. Les activités menées par cette association suisse avec la circonspection qui s'impose s'agissant de contacts avec des groupes armés non étatiques sont pleinement légitimes et utiles.

Bulletin numéro 414